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vent, pour se soustraire à ses atteintes, l'instinct que la nature leur a donné. Les chevaux du Convoi dont nous nous occupons sont des compagnons de l'homme, conduits par des maîtres qui les ont domptés et sur la protection desquels ces animaux se reposent, ayant abdiqué leur indépendance.

Ils traversent la forêt : Au milieu d'un chemin creux, ils se trouvent tout à coup en face de loups affamés. S'ils étaient dans leur état de nature, leur premier mouvement serait de se réunir en cercle, toutes les têtes au centre, et de ruer contre leurs adversaires. Sont-ils libres d'agir ainsi dans la circonstance présente? Attachés l'un à l'autre, ils s'efforcent de briser leurs liens; des conducteurs les retiennent encore. Malgré cela, voyez quel mouvement dans ces animaux! Quelle énergie dans leurs poses! Celui-ci a brisé les cordes qui l'attachaient, il se dresse, il fuirait s'il avait de l'espace; mais, pressé par tous les autres chevaux qui l'entourent, il se jette sur eux. Cet autre, débarrassé de toute entrave, commence à ruer, il retrouve sa nature, parce qu'il ne compte plus sur l'appui de son maître. Cet autre s'enfuit de toute la force de ses jarrets. Ceux du fond commencent seulement à s'émouvoir.

L'artiste a observé une gradation très - judicieuse dans leurs mouvemens; il s'est, avant de commencer

son tableau, demandé compte de la marche ordinaire d'un semblable convoi.

Quand ces conducteurs de chevaux traversent les grandes forêts de l'Allemagne ou de la Pologne (car c'est dans un de ces endroits que l'artiste a placé la scène), un éclaireur précède la troupe, et se replie sur elle à l'approche d'un danger.

L'éclaireur de la troupe que nous avons sous les yeux a été attaqué brusquement par les loups, il a succombé, nous le voyons mort sur le premier plan. La troupe, ne recevant point d'avis, a continué sa route, elle tombe au milieu de ses ennemis : les premiers sont attaqués, que ceux de la queue ne s'aperçoivent encore de rien. Cette observation explique bien tous les mòuvemens du tableau.

On a encore reproché à Verboeckhoven d'avoir peint des renards au lieu de loups : il est probable que ceux qui ont fait cette critique n'ont jamais vu de loups. Ils auront pensé que notre peintre s'était contenté de les exécuter d'imagination ou de souvenir. Nous qui avons vu les innombrables études qu'il a copiées d'après nature, et pour ses chevaux, et pour ses loups; nous qui avons vu les modèles et les copies, qui avons pu les comparer, nous ne pouvons assez admirer la fidélité de l'artiste. Ce n'est pas seulement sur des loups de ména

geries qu'il a étudié, nous avons vu chez lui un loup d'Ardennes vivant, nous en avons vu plusieurs, morts, qui avaient été tués dans les provinces ; et non-seulement nous les avons vus revêtus de leur peau, nous avons encore trouvé dans l'atelier le squelette articulé de l'animal. M. Verboeckhoven a mis dans son tableau des loups des Ardennes et des loups de Pologne, et il n'y a point là d'invraisemblance on sait que ces animaux se croisent, et que, poussés par le besoin, ils émigrent d'un pays à l'autre.

Les différentes races de chevaux sont caractérisées avec une étonnante exactitude. Deux forts chevaux flamands au milieu; celui qui s'enfuit est un arabe pur sang; le mort est un vieux cheval de chasse anglais; celui qui rue est un anglais aussi; puis vous trouvez des chevaux du Mecklembourg, de Frise et d'Ardennes.

L'effet d'ensemble de ce tableau est moins frappant qu'on ne s'y attendait. C'est par l'exécution des détails qu'il l'emporte sur tout ce que nous avons vu dans ce genre. On n'a pas été aussi généralement content des conducteurs, et, en cela, l'on pouvait avoir raison. Du reste, ce tableau est le point de départ de notre peintre pour entrer dans une voie nouvelle, large et riche il la parcourra, nous n'en pouvons douter, avec la supériorité qui a signalé son autre manière.

Nous ne nous étendrons pas sur les autres tableaux de Verboeckhoven: ils lui ont valu, cette année comme les années précédentes, des éloges unanimes. Nous ne pouvons cependant résister au plaisir de signaler particulièrement le no 534, Un âne et des moutons ; c'est peut-être la plus belle et la plus parfaite production du maître; le petit tableau no 539, Un voyageur et son cheval: le voyageur est occupé à couper une branche d'arbre; et enfin le no 537, Chevreuils poursuivis par un loup. En voulant citer les meilleurs ouvrages du peintre, nous allions transcrire toute la liste de ceux qu'il a exposés ; car tous sont des chefs-d'œuvre.

VERSTAPPEN.

Dans le courant de l'été dernier, un étranger se présente, à Rome, chez M. Verstappen, paysagiste belge, fixé depuis fort longtemps dans cette capitale. Il demande à voir l'atelier de l'artiste; deux tableaux seulement s'y trouvaient, ceux que vous avez vus à l'exposition de Bruxelles. Un paysage représentant une grand'route traversant un site italien, et la Vue de la grotte Palazzol. L'étranger, charmé de ces ouvrages, offre au peintre de les acheter pour son cabinet.—« La Belgique, mon pays natal, répond l'artiste, ne possède aucun tableau qui puisse y établir ma réputation et la conserver après ma mort. Je suis vieux, je n'ai pas de temps à perdre, ces deux paysages sont destinés à l'exposition de Bruxelles,

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