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MADOU.

Les dix premières planches de la Physionomie de la société en Europe, depuis le quatorzième siècle jusqu'à nos jours, composées et dessinées par M. Madou, et lithographiées dans l'établissement royal de M. Dewasme-Pletinckx, ont figuré avec infiniment d'éclat au Salon. Cette collection des plus précieuses a fourni à l'habile dessinateur qui l'a entreprise, l'occasion de déployer une verve d'imagination et un talent d'exécution qui le mettent au premier rang des compositeurs de tableaux de genre. M. Madou n'a pas encore employé l'huile; mais il peint à l'aquarelle d'une manière supérieure. Quand les quinze planches qui doivent composer sa Physionomie seront terminées, la collection des dessins originaux, qui ont servi de modèles pour la litho

graphie, formera un précieux monument, qui fera certainement beaucoup d'honneur à l'art belge.

La réputation de M. Madou est aussi bien établie à l'étranger que dans son pays. Paris même lui paye son tribut, et les éditeurs de cette capitale se trouvent heureux de pouvoir mettre au jour quelques-uns de ses ouvrages. Ses Albums Ꭹ ont eu beaucoup de succès.

Lorsqu'à la place de nos jugemens, ou pour les étayer, nous pouvons mettre celui de quelque écrivain étranger, nous en saisissons l'occasion avec empressement. M. Madou a été apprécié à sa véritable valeur par un littérateur français, M. Schoelcher, dans un des derniers cahiers de la Revue de Paris. Nous citerons le passage de cet article qui concerne nos artistes en général.

« On ne peut parler de l'état intellectuel de la Flandre sans qu'il soit question des arts : les Belges s'en occupent beaucoup; en cette voie, du moins, ils ne copient personne que leurs ancêtres; leur individualité ne s'éparpille point, ils vivent sur leur propre fonds. Enfans d'une école de peinture qui n'a de rivale que l'école italienne, ils savent que leur patrie s'est éternellement illustrée par là; ils n'oublient pas qu'au dix-septième siècle le nom de leurs artistes remplissait encore l'Europe entière; ils aiment cette vieille gloire, ils en parlent souvent et montrent l'ambition de la reconquérir.

«< Chaque capitale de province possède un musée, des expositions, et un fonds employé à acheter des tableaux et des statues; Bruges, Liége, Gand, Bruxelles, Anvers, ont des Académies, et, toutes les médiocrités à part, il reste aujourd'hui à la Belgique quatre artistes dignes de rivaliser avec ceux de l'Europe. M. Geefs a taillé de belles statues; M. Verboeckhoven est venu jusqu'au Louvre', et nous savons que personne entre nous ne le peut égaler dans sa belle manière de faire les animaux ; M. Wappers est connu partout où l'on s'occupe de peinture, et pour n'être pas un génie capable de succéder à Rubens, comme ses compatriotes font semblant de le croire, ce n'est pas moins un homme d'une grande distinction.

« Mais un artiste vraiment supérieur, et dont le nom résonnera bientôt, c'est M. Madou. Nous avons vu deux dessins de lui dans le célèbre album du docteur Roger, à Bruxelles, d'une beauté si complète, que nous les regardons comme deux chefs-d'oeuvre. L'un est une scène de joueurs, l'autre un trait de la vie de Craesbeck, ce

Nous pensons que M. Schoelcher se trompe sur ce point. Si Verboeckhoven est connu à Paris, c'est par un tableau de moyenne dimension qui fait partie de la galerie du Palais-Royal. Ce tableau étant peint depuis longtemps, ne donne pas une idée exacte du talent de notre peintre. Le cabinet de M. Rotschild possède un des beaux tableaux de Verboeckhoven. Pour le Louvre, il n'y a jamais exposé.

boulanger ivrogne, qui se mit à faire d'admirables tableaux pour ne plus quitter son ami, le peintre Brauwer, qui passait sa vie au cabaret. Ce sont deux intérieurs, l'action s'y passe avec clarté; la pleine lumière dans le second, et le jour douteux d'une cave-taverne dans le premier, sont sentis et rendus tout à fait en maître : il y a là des qualités fines et rares.

« M. Madou publie en ce moment chez M. Dewasme, à Bruxelles, la Physionomie de la société européenne, depuis le quatorzième siècle jusqu'à nos jours. Il cherche les costumes, les caractères, les mœurs, la physionomie enfin, des diverses époques de cette période. Travail ingénieux et spirituel où il ne se dément pas, mais auquel on souhaiterait plus de force dans l'exécution.

<< Puisque nous avons prononcé le nom de M. Dewasme, nous devons rappeler, comme témoignage du haut point où est arrivée la culture des arts en Belgique, que cet artiste-éditeur entreprend seul la Collection, sur grand papier, de l'œuvre entière de Rubens. A peine l'eut-il annoncée, que des souscriptions éclairées lui garantirent les moyens de la mener à fin. M. Dewasme a la conscience de ce qu'il fait, et ce formidable recueil lithographique deviendra un hommage digne du géant de l'école flamande. »>

LAUTERS.

Une copie de La chasse au sanglier de Rubens, tableau qui se trouve au palais du prince d'Orange, à Bruxelles, copie exécutée à l'aquarelle, a été placée au milieu des tableaux à l'huile, et y a soutenu son effet. Si le travail du copiste est toujours un travail secondaire, il n'en devient pas moins très-important, lorsqu'il est exécuté dans un autre genre et avec cette supériorité. On connaît les ressources de l'aquarelle, combien certains effets sont difficiles à rendre avec ces couleurs. Eh bien! M. Lauters a lutté avec le coloris si ferme, si vigoureux de Rubens, et il est parvenu à rendre l'effet du tableau et toute la variété de ses teintes. Quoique les figures et les animaux soient exécutés avec une rare perfection, le paysage est surtout étonnant.

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