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la largeur des hanches pour que nous osions conseiller à l'artiste d'y rien changer.

Si l'on considère le groupe de Geneviève comme composition, on ne peut lui accorder trop d'éloges. Ce n'est pas sérieusement qu'on lui a reproché d'être une imitation de la Madelaine de Canova. Autant vaudrait avancer que la Vénus de Milo est une imitation de la Vénus de Médicis. Tout diffère dans les deux ouvrages que l'on veut rapprocher : mouvement de la tête, en avant dans la Madelaine, en arrière dans la Geneviève; mouvement du torse, droit chez la première, penché à droite chez la seconde; mouvement des jambes, si peu semblables que l'une est à genoux et que l'autre est à demi-assise. Où donc a-t-on été chercher cette ressemsemblance? L'expression de la physionomie n'a pas plus de rapport que le reste dans les deux ouvrages.

Le petit enfant, posé sur les genoux de Geneviève, y dort du sommeil le plus calme, on craindrait de l'éveiller en en approchant. M. Geefs s'est surpassé dans l'exécution de cet enfant. Il est impossible de rien voir de plus délicat et de plus naturel. Le ciseau de Duquesnoy n'a rien produit de plus parfait. Sa poitrine semble se soulever pour respirer, son petit bras tombe avec simplicité et pose légèrement sur sa mère.

Une des grandes difficultés de ce sujet était de repré

senter, tout à fait nue, une femme jeune et belle, sans éveiller aucune des sensations que les artistes veulent d'ordinaire exciter avec de semblables objets. La Geneviève, sans aucun voile, est décente et modeste; l'expression pathétique de ses traits, l'accord harmonieux de son mouvement avec le sentiment qu'elle éprouve, dominent trop dans ce sujet pour que l'esprit s'arrête sur des pensées matérielles. Cependant quelles admirables formes dans ce torse! que de perfections dans les détails du dos, des épaules et des jambes!

Les trois bustes exposés par M. Geefs sont tous trois traités dans un style différent. Celui de M. Schaepkens est largement taillé. Aucun accessoire n'y surcharge le travail du statuaire. C'est l'art pour l'art seul; la nature rendue avec vérité et avec grandeur. La peinture au moyen de ses couleurs ne donnerait pas plus de vie, ne ferait pas mieux sentir les os sous ces muscles, ne montrerait pas mieux le sang qui circule sous cet épiderme. Les cheveux en sont habilement massés; et, quoique d'une exécution des plus achevées, ce marbre a gardé la vigueur du premier jet.

Le buste de M. Lepoitevin est détaillé avec un peu trop de recherche; il manque de la dignité sculpturale. Le troisième buste d'homme est, pour l'exécution et le travail du marbre, un des plus beaux ouvrages que l'on

puisse voir; partout un buste comme celui-là vaudrait un grand succès à son auteur.

fille de quatre ans,

Il reste deux bustes encore : l'un, celui d'une petite destiné à conserver sur terre les traits d'un ange que le ciel a rappelé. Nous n'en pouvons rien dire qui ne soit au-dessous des sentimens qu'il nous fait éprouver, et nous ne saurions faire abstraction de la personne représentée, pour en considérer la représentation comme une œuvre d'art. Le public pouvait seul le juger sous ce rapport, et son suffrage n'a pas manqué à M. Geefs, comme naguère à l'occasion d'une résurrection du même genre, lorsque son ciseau nous rendit les traits du prince royal, si prématurément ravi à la tendresse de ses parens et à l'espoir des Belges.

Nous n'avons jamais pu nous astreindre à analyser la dernière tête de marbre, n° 207. Ce que nous avons adressé à son auteur, le lendemain du jour où nous vîmes pour la première fois la Francesca di Rimini, est la seule analyse que nous en puissions placer ici.

«A GUILLAUME GEEFS, SCULPTEUR.

« Depuis hier je n'ai plus qu'une pensée, elle m'occupe tout entier, elle absorbe toutes les facultés de mon être, elle remplit, elle inonde mon cœur.

« Mes yeux s'étaient promenés avec admiration sur des objets pleins de beautés et de charmes, lorsque, dans un lieu écarté, je découvre...... et je m'arrête.....

<< Et tous mes sens se concentrent dans ma vue, et les rayons d'amour qui s'élancent de mes yeux caressent, enveloppent cette tête où resplendit une âme.

« Mes lèvres frémissent du frémissement de ce sourire indicible qui va naître, elles voudraient effleurer ces paupières sous lesquelles brille un regard divin.

<«< Oh! laissez-moi, je veux écarter la chevelure qui voile de tant d'harmonie ces pudiques épaules. C'est trop de prestige, trop de brûlante candeur, trop d'enivrante modestie!

<< Et pourtant, ces paupières si pleines de vie, ces lèvres si frémissantes, cette harmonieuse chevelure, tous ces traits enfin qui ont jeté tant d'agitation dans mon âme;

« Cette figure que nul ne regardera sans rêver à ses plus douces amours, et que l'on cherchera vainement après l'avoir quittée, ce n'est, me dit-on, qu'un morceau de marbre.

« Oh! non, c'était naguère un morceau de marbre :

aujourd'hui c'est Francesca di Rimini, c'est une des compagnes poétiques du génie de Geefs, c'est une des fées qui peuplent ses veilles, ce doit être la plus belle de toutes!

« O jeune homme, qui as hérité de l'âme de Raphaël! dis-moi, les as-tu vus quelquefois ouverts, ces yeux, qui, fermés, ont un regard si puissant? Tes lèvres auraient-elles pressé ces lèvres qui s'entr'ouvrent?

« Et si tu as été admis dans ce paradis de délices, pourquoi ne pas nous inonder de la lumière que ces yeux doivent répandre quand ils daignent s'ouvrir?

« C'est que tu as eu pitié de l'infirmité de nos sens pour qui l'excessive jouissance devient douleur. Tu as craint de nous faire mourir sous ce regard, comme Sémélée à la vue de son divin amant !

«Oh! garde, garde pour toi ces visions si bien assorties à ton âme! si elles usent ta vie :

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car on ne

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<< Si elles usent ta vie, elles auront du moins peuplé le monde de merveilles, et dans l'avenir, les cœurs

tendres et passionnés palpiteront à ton seul nom. »

Le 26 septembre 1835.

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