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ÉPILOGUE.

Maintenant que nous avons passé en revue tous les objets dignes d'attention, exposés pendant deux mois aux regards du public, dans les salles du Musée, nous hasarderons quelques réflexions sur l'ensemble des résultats que les arts nous ont présentés.

Découvre-t-on dans cet ensemble la manifestation d'une source féconde, d'où nous puissions espérer de voir s'écouler, à grands flots, des chefs-d'œuvre capables d'immortaliser un nouveau siècle de l'art belge? Y a-t-il chez nos peintres une tendance prononcée vers un but déterminé et sensible? Sont-ils animés par une de ces

pensées créatrices d'où naissent les grandes choses? Enfin, que faut-il faire pour encourager efficacement les beaux-arts?

Ce que nous avons surtout reconnu chez le plus grand nombre de nos artistes, c'est une tendance à l'imitation, plus matérialiste que spiritualiste, de la nature. Pendant que les écoles d'Allemagne, celle de Munich en particulier, reviennent au moyen âge pour le sentiment et l'expression, se tiennent au beau idéalisé, aux formes pures et graves, aux lignes sévères et pensantes; notre école belge, prise en masse, s'attache au contraire à l'éclat, ne se propose pour modèle qu'une des faces de l'immense talent de Rubens, celle que ses élèves ont exclusivement développée : ou bien encore elle se borne à la reproduction minutieuse des détails. Nous avons tous pu remarquer dans les salons ouverts à notre observation, une foule d'ouvrages de la dernière indigence intellectuelle, et signalant néanmoins une rare aptitude à l'imitation exacte. En général, on voit que l'instruction forte et solide manque à la plupart de nos artistes; qu'ils vont à l'aventure, sans idées fixes, sans rien d'arrêté. Le hasard les sert ou les fourvoie dans le choix de leurs sujets.

C'est ici que la main d'un pouvoir protecteur devrait se manifester. On répète à chaque instant que le gou

vernement ne peut disposer de sommes assez considérables pour donner aux arts une forte impulsion. Nous ne sommes point de cet avis : la législature est bien disposée, et, dès qu'on lui aura montré des résultats, dès qu'on lui aura prouvé que la gloire du pays, que notre valeur comme nation, dépendent de nos succès aussi bien dans les arts que dans l'industrie, dès qu'elle aura reconnu que les subsides qu'elle accorde sont réellement employés de la manière la plus propre à amener de grands progrès, elle ne se refusera à aucun des sacrifices qui lui seront démontrés nécessaires.

Mais s'il est un système qu'il faut se hâter d'abandon

ner,

c'est celui des acquisitions après les expositions. Ce système pouvait être employé transitoirement. Aujourd'hui les personnes chargées de la direction des beauxarts doivent suffisamment connaître la spécialité et la capacité relative de nos artistes : le moment est venu de leur commander des travaux.

Ces travaux demandent à être coordonnés : réunis, ils doivent pouvoir composer un jour un ensemble que nos neveux montreront avec orgueil en disant : Ceci est l'école belge.

fourni

Les objets exposés cette année ne nous ont pas l'occasion de parler de l'architecture. Cet art, qui doit être à la fois la base et le lien de tous les autres, sem

ble condamné chez nous à une existence stationnaire : la foule innombrable des constructions particulières qui se pressent les unes sur les autres, loin de servir au progrès de l'art, le réduisent, au contraire, aux proportions les plus mesquines.

Bruxelles, notre capitale, possède à peine un édifice moderne qui puisse être présenté comme le résultat de la science architectonique dans le pays. En cela, tout est à faire. Les locaux manquent pour les grands établissemens publics, pour les expositions, pour les collections scientifiques, pour les bibliothèques, pour les tribunaux, pour les musées, pour la célébration des solennités nationales, pour les académies, pour la tenue des sessions des jurys institués par la loi sur le haut enseignement. Il faudra toujours, quelque retard qu'on y apporte, finir par élever ces édifices, que réclament les besoins du nouvel état. Pourquoi ne pas arrêter, dès à présent, un grand et vaste plan de construction de bâtimens nationaux? Les architectes y déploieront leur science, et certes nous ne manquons pas d'hommes capables dans cette partie; ils établiront leurs plans de manière à fournir du travail à nos artistes en tout genre aux peintres, soit qu'ils traitent l'histoire, le genre, le paysage, les fleurs et les fruits, pour les arabesques, etc.; aux statuaires et sculpteurs, soit pour

pour

orner les frontons et les frises de bas-reliefs, soit placer des statues et des bustes sous les péristyles et dans les vestibules.

La grande peinture à fresque, qui a fait la gloire de l'école italienne, est peut-être le mode le plus propre à développer les facultés de l'artiste, celui qui lui procure le moyen de donner le plus libre essor à son imagination. C'est vraiment la peinture épique. Pourquoi, dans ces vastes salles réclament nos mœurs actuelles, que dans ces salles où la liberté appelle tous les citoyens à venir juger les actes des hommes publics, pourquoi cette grande et noble peinture à fresque ne présenterait-elle pas

à tous les yeux les plus beaux exemples de notre histoire nationale? On parle de commander quelques statues de nos grands hommes : l'idée est bonne assurément, mais ainsi isolée elle ne produira aucun résultat, si ce n'est d'exciter la jalousie entre les sculpteurs. Il faut exécuter des travaux importans, mais des travaux toujours utiles, et y employer les artistes, suivant leur spécialité; chacun y trouvera sa place.

Nous le répétons, l'avenir des arts en Belgique dépend de la direction qu'ils vont prendre d'ici à peu de temps. Si le gouvernement ne leur donne pas un point d'appui solide et une impulsion salutaire, c'en est fait de toutes ces belles espérances que font concevoir les jeunes ta

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