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Nous osons prédire un bel avenir à M. Génisson, surtout s'il s'attache à mettre une pensée dans ses compositions: il est maintenant maître de ses moyens, il vaincra les difficultés de l'art; qu'il exprime dorénavant ses pensées d'artiste.

Nous lui conseillerons encore de ne pas trop charger ses intérieurs de personnages, de crainte de détruire l'effet qui, pour lui, doit particulièrement résulter des proportions et des dispositions architecturales.

C'est surtout dans la pensée de l'architecte qu'il doit s'efforcer d'entrer, lorsqu'il voudra représenter un monument gothique; car les grands poëtes qui, au moyen âge, écrivaient leurs poëmes avec la pierre, y ont toujours mis une intention mystique, dont nos constructeurs modernes ne paraissent pas se douter.

C'est cette intention que le peintre doit soigneusement rechercher; il doit s'en pénétrer, s'élever à sa hauteur, et la traduire avec son pinceau.

CH. BRIAS.

Voici un artiste dont nous avons longtemps regretté l'absence. Depuis 1830, nos expositions n'ont pas eu de ses ouvrages. Hâtons-nous d'applaudir à sa rentrée.

M. Ch. Brias nous donne quatre tableaux : Le Marché au Beurre, à Bruxelles; Le retour de l'école rurale; La querelle du chien et du chat, et Un intérieur.

Rien de plus fini que ces jolis tableaux, qui, pour la touche, rappellent le bon temps des peintres hollandais. Son dessin, bien que manquant quelquefois de correction, est naïf et facile; ses poses sont pleines de naturel et d'aisance; ses physionomies fines, souvent comiques et jamais grimaçantes.

M. Ch. Brias paraît s'attacher surtout à un fini précieux, et cette qualité, il la possède à un degré auquel nos peintres dans ce genre sont loin d'atteindre.

Occupons-nous de sa manière de composer. Parlons

d'abord du plus grand de ses tableaux, non pas qu'il soit le meilleur des quatre, mais parce qu'il fournira plus de matière aux observations.

Le Marché au Beurre, à Bruxelles.

(N° 27.)

La scène se passe devant la porte principale du Marché. Un malicieux enfant a jeté du fromage blanc à la face d'une marchande en plein vent. Celle-ci s'est armée de son sabot, et en menace le délinquant, tellement pressé d'éviter la correction, qu'il se jette sur une brouette chargée de paniers de fruits, renverse une sorte de commissaire dans les pommes et les poires, et tombe lui-même par-dessus. Le propriétaire de la brouette, paisible revendeur, en sarrau bleu, en cas

que à mèche blanc, s'est saisi de la courroie qui lui sert pour rouler sa marchandise, et en allonge un coup sur les reins de l'écolier. Près de la marchande, une vieille femme furieuse montre le poing, en adressant de terribles menaces à un autre écolier, complice certainement du premier, et qu'un pompier prend au collet et

ramène. Devant l'établi, une servante proprette, type de la servante bruxelloise de bonne maison, est debout, arrêtée sans doute à marchander quelque bagatelle ; elle est à peu près indifférente à cette scène, qui tout au plus la fait sourire.

Derrière la marchande, un amateur, bourgeois en chapeau et en frac, M. Ch. Brias lui-même, fort ressemblant, est occupé à examiner un tableau qu'il a décroché chez le fripier voisin. Ajoutez quelques hommes et femmes du peuple, accordant plus ou moins d'attention à la scène, riant à gorge déployée, ou passant avec indifférence; un chien, celui de la marchande, qui veut venger sa maîtresse insultée; et enfin, dans la demi-teinte, à gauche, un balayeur, debout, l'arme à volonté, et tenant en main un lapin écorché dont il vient de faire emplette, à moins qu'il ne l'ait trouvé sur son tas. Au fond, le Marché au Beurre, plein de vendeurs et d'achetans.

Voilà le sujet avec presque tous ses détails. A prendre chaque figure à part, on trouverait beaucoup à louer, dans l'exécution surtout; mais la composition est pauvre et trop éparpillée. Nous parlerons avec plus de plaisir des trois autres petits tableaux, moins chargés de personnages, et dont l'idée est simple et claire, parce qu'elle est unique.

Un intérieur.

(No 28.)

Un enfant de cinq à six ans, un vieux tapis sur la tête, fait le loup-garou, pour effrayer son tout jeune frère, bambin commençant seulement à marcher, et qui se réfugie contre sa mère, occupée à le débarbouiller et à l'habiller. Le père, assis près de la table, où il vient de prendre son café, regarde cette scène avec un sourire de satisfaction et de doux intérêt pour les jeux innocens de sa petite famille. En face, de l'autre côté de la table, une jeune fille de quinze à seize ans rince les tasses qui viennent de servir; un chien complète toute la société.

Ce petit tableau est une perle pour la finesse de la touche, comme pour la grâce du sujet. Le père surtout et la jeune servante sont d'une exécution parfaite. La couleur du premier, qui est sur le devant, est ferme et vigoureuse, tout en conservant la suavité de ton qui règne dans toute la pièce. La jeune fille, sur le second plan, et dans la demi-teinte, est du plus agréable fini; c'est une touche si légère qu'on croirait voir une œuvre de Miéris.

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