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principal : Il est placé sur une élévation du terrain; il occupe ainsi le milieu de la toile. Un peu sur le devant, à droite, un porte-drapeau d'une des compagnies d'Anvers est tombé, frappé à mort; sa femme, placée derrière lui, le soutient; elle est elle-même retenue par une femme plus âgée, sa mère sans doute; un enfant la tire par son tablier et s'avance vers elle, complétant ainsi toute la famille. Près de là, sur le premier plan tout à fait, un soldat de la garnison d'Anvers, armant son mousquet, et se hâtant d'arriver sur le lieu du combat, pour le décharger contre l'ennemi. A l'extrémité, près du cadre, un autre combattant, vu de face, lâche son coup de fusil contre un but que lui montre une femme assise à terre, son nourrisson entre les bras. Ce tireur vise dans la longueur d'une rue dont l'artiste a voulu faire sentir la présence en cet endroit, en avant du tableau. Derrière : la foule, un mourant, des bourgeois, des soldats, des piques, des drapeaux; et, aux fenêtres des maisons, des hommes et des femmes lançant sur les ennemis tout ce que le hasard fournit à leur fureur : furor arma ministrat.

La gauche du tableau est occupée par les Espagnols, comme nous l'avons dit. Au premier plan, un soldat a renversé un bourgeois, qui se défend encore, bien bien que tombé sur les débris. La lance de l'Espagnol va le percer.

Son fils, de l'âge de douze ans environ, saisit le fer de la hallebarde et détourne le coup; une femme, la mère du garçon apparemment, le prend à bras-le-corps pour le soustraire à la fureur du soldat, qui, d'une main, la retient par les cheveux. Entre les deux groupes de combattans se trouve encore un vieillard, frappé d'une mortelle blessure, et tendant la main vers ses concitoyens, comme pour demander ou secours, ou vengeance.

Cette composition ne présente rien que d'assez ordinaire, pas une idée énergique, pas une intention originale. Au contraire, la reproduction des mêmes moyens : toujours des gens qui se soutiennent ou qui se retiennent mutuellement; rien de spontané, rien d'individuel, dans cette lutte où chacun semblerait devoir défendre sa vie et attaquer celle d'un adversaire. Deux scènes qui se ressemblent : Le bourgmestre tombé que soutiennent deux échevins; un porte-drapeau tombé que soutient sa femme, soutenue elle-même ; trois familles dont les membres sont tous groupés ensemble, et répétant toujours la même idée, légèrement modifiée.

Avec un sujet aussi stérilement conçu, la partie des passions ne pouvait offrir qu'indécision et redites. Aussi voyez, toutes ces expressions sont les mêmes, tous ces yeux rendent les mêmes sentimens : l'effroi et la surprise; outre que toutes les physionomies se ressemblent.

Après cette large part de critique, dont nous nous sommes fait un devoir, nous rendrons justice au talent d'exécution que l'artiste a déployé dans cette œuvre.

Son dessin, qui manque de sévérité et de noblesse, n'en est pas moins correct et précis; sa couleur, un peu fade, a beaucoup d'harmonie d'ensemble. Si les figures du premier plan avaient plus de vigueur, ce tableau serait remarquable de coloris. C'est surtout dans le fond que l'artiste a déployé un genre de talent qui lui est particulier; nous voulons parler de l'entente parfaite du clair-obscur qui règne dans cette partie, où l'air, la flamme et la fumée se combinent pour produire un fort heureux effet.

Chaque tête, prise à part, et considérée comme peinture seulement, mériterait les plus grands éloges, si l'on pouvait ainsi, dans une œuvre d'un genre si élevé, faire tout à fait abstraction du sujet, et oublier la composition pour les qualités de l'exécution, lors même que celles-ci sont d'une nature si supérieure.

Nous répéterons donc à M. de Braekeleer ce qui lui a déjà été dit : La peinture épique n'est pas son fait, qu'il se borne aux sujets qui ont établi sa réputation. La gloire est pour ceux qui font mieux que tous les autres, dans le genre que la nature leur a départi.

Quand on sait peindre un tableau comme le n° 68,

La maîtresse d'école, on n'a pas besoin d'aspirer à une gloire différente, on est en train d'en acquérir une solide, que personne ne s'avisera de contester.

Le principal personnage du grand tableau, le bourgmestre Van der Meere est dans une attitude vraie et qui ne manque pas de noblesse; le mouvement de la tête le relève bien et lui donne de la dignité. Le markgrave, dont l'attitude est un peu théâtrale, est néanmoins fort artistement dessiné.

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Nous n'avons pas bien compris ce qui peut avoir porté l'artiste à jeter son point lumineux sur une scène accessoire, le porte-drapeau mourant et sa femme, pour laisser ses principaux personnages, le bourgmestre, markgrave et l'échevin, dans la demi-teinte. Cette disposition de la lumière constitue un désaccord entre le dessin et la couleur. N'y a-t-il pas contradiction à placer le point le plus important de la composition dans un jour et même à une place secondaire. Car, remarquonsle bien, dans les tableaux de grandes dimensions, si l'on veut mettre sur le premier plan des personnages en repoussoir, il faut leur donner des proportions colossales, et réserver la grandeur naturelle pour les figures qui doivent faire l'action principale du sujet. De cette manière les formes colossales du premier plan deviennent réellement des plans secondaires quant à l'importance.

Dans le tableau de M. de Braekeleer, les figures principales sont plus petites que nature; l'effet de l'ensemble y perd considérablement.

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Un petit épisode, rendu d'une manière étonnante, c'est cet homme qui tire sur les spectateurs. les raccourcis de ce groupe, en y comprenant la femme qui est au-dessous du tireur, une grande science de dessin. C'était une immense difficulté à vaincre, et l'artiste semble s'en faire un jeu. Le porte-étendard, tombé sur le devant, est également digne d'éloges sous les mêmes rapports.

Quant au ton général du coloris de ce tableau, on est frappé de sa pâleur; mais, ne nous y trompons pas, cet effet est dû surtout au voisinage de son vis-à-vis, la Bataille de Courtrai, et du tableau de M. Mathieu, tous les deux vigoureux de ton. Si le coloris de M. de Braekeleer est faible, il est plein d'harmonie, il est sage, il ne manque pas de solidité.

Si la composition était plus riche en pensée, si le style du dessin avait plus de noblesse, même avec ce coloris qui semble mou, cette toile serait digne d'admiration.

Mais, nous ne saurions trop le redire, ce sont les qualités du peintre d'histoire qu'on cherche vainement dans cette œuvre, elles paraissent décidément manquer à l'auteur; qu'il revienne donc, franchement et sans ar

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