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L. SOMERS.

Des quatre tableaux que nous donne M. Somers, Le pensionnat incendié, no 434, mérite une mention parculière. Le sujet est bien choisi, il est plein d'intérêt, il fournit au jeune artiste l'occasion de s'essayer dans la peinture des passions, sans se jeter tout à fait au milieu des grandes difficultés de l'expression. C'est par des figures, jeunes encore, dont les muscles sont peu prononcés, qu'il va commencer; il pourra plus tard s'élever, par gradation, aux âges de la vie où les sentimens se sont creusé des traces sur la face humaine, traces qu'ils habitent, où ils viennent siéger, où l'œil les découvre au moment même qu'ils émanent du cœur, et qu'ils se reflètent dans le cerveau.

A la dernière Exposition de Bruxelles, nous avons

admiré une école de M. Beaume, artiste français, dont nous regrettons de ne posséder rien cette année; ce genre, qu'il traite avec tant de supériorité, nous avait paru fort susceptible d'être exploité par nos peintres : ils réunissent à un haut degré les qualités qui lui conviennent; nous voyons avec plaisir que plusieurs s'en sont occupés.

Le pensionnat incendié.

(N° 434'.)

Les flammes viennent de détruire la maison d'éducation, les écoliers pensionnaires, guidés par leur directeur, ecclésiastique en soutane noire, gagnent un gîte pour se mettre à l'abri. Ils sont parvenus sur un tertre, près d'une ruine, emportant ce qu'ils ont pu sauver du désastre ; qui ses livres, qui sa malle, qui son portefeuille, cet autre un petit paquet de linge. Ils s'arrêtent un instant; car les plus chargés se sont vus forcés de déposer leur charge par terre: ils la reprennent pour continuer. Chacun de ces enfans est différemment affecté de l'événement qui est venu les surprendre. Le seul personnage qui comprenne en homme toute l'éten

1 Hauteur, mètre, 0,90; largeur, mètre, 1,15.

due de la perte, c'est l'ecclésiastique, debout, sombre, mais résigné. Le plus âgé des élèves, un sous-maître peut-être, qui aura perdu son trousseau, tout ce qu'il possédait, s'est jeté sur l'épaule du prêtre dans l'attitude du découragement. Le directeur tient par la main un élève plus jeune dont il soutient la marche. Dans toutes ces figures d'enfans, vous remarquerez une grande variété d'expressions; celui-ci pleure parce qu'il a été effrayé, celui-là pleure parce qu'il a été dérangé, parce qu'on l'a arraché trop brusquement à un doux sommeil bien désagréablement interrompu; cet autre n'est que médiocrement ému, l'incendie est pour lui un spectacle, cette marche forcée est un exercice, il n'y voit guère cela.

que

Dans le fond, on aperçoit l'incendie qui semble dévorer une ville entière, et une foule de personnes qui se sauvent.

On reconnaît bien, au simple aspect des figures qui forment le premier plan du tableau, que ces enfans sont les pensionnaires d'une maison d'éducation incendiée, mais il y a peut-être un peu de vague dans les idées accessoires. Ce qui brûle au fond, est-ce le pensionnat? Dans le cas de l'affirmative, qu'est-ce que la ruine auprès de laquelle les enfans sont arrêtés? Dans quelle intention est-elle placée en cet endroit? Est-ce seulement pour obtenir un effet pittoresque?

Quoi qu'il en soit, la couleur de ce tableau est d'une vigueur de ton peu ordinaire aux élèves de l'école à laquelle il appartient; les poses, les expressions, le dessin, répondent bien à la pensée de l'auteur.

Les tableaux nos 435, Les deux rivaux, et 437, L'attente, sont d'une couleur plus fade et ne manquent cependant pas de quelques qualités.

Le no 436, Le politique, leur est de beaucoup supérieur. Un paysan, assis devant la table où son dîner l'attend, lit la gazette avec une attention extrême. Tout entier à sa lecture, il ne s'aperçoit pas que ses pommes de terre se refroidissent; plus politique que gastronome, il oublie qu'un dîner réchauffé ne valut jamais rien, et qu'un dîner froid ne vaut pas grand'chose, quand surtout il se compose de pommes de terre. Sa tabatière ouverte est sur la table, attendant que ses doigts s'y insinuent sans qu'ils soient obligés de l'ouvrir préalablement, ce qui absorberait une partie d'un temps si bien employé à savourer quelque bon article de fond d'un journal politique.

La tête du lecteur est parfaitement peinte ; l'attention, ou plutôt l'absorption complète de toutes les facultés, est rendue avec un rare bonheur. On pourrait demander plus de vigueur et moins d'indécision de dessin dans la partie inférieure du corps.

Nous n'aurons pas grand'chose à dire de M. J. Dens, si ce n'est qu'il imite aussi par trop le maître dont il a emprunté le coloris. Nous ignorons s'il travaille réellement dans l'atelier de M. de Braekeleer; mais il est évident qu'il s'est proposé pour modèles les ouvrages de ce peintre. Dans son Arrestation du conscrit réfrac-· taire, n° 115, et dans sa Marchande de volaille, no 114, il se trouve aussi des indices d'heureuses dispositions; c'est pour cette raison que nous le signalons à l'attention du public, espérant que le travail dévelop‐, pera le germe de talent dont la nature paraît l'avoir doué. Quant aux deux autres tableaux, no 113 et 116, Vue des dunes de Blankenberg, et Vue prise à Boulogne, le jeune artiste y manque encore d'originalité et suit les mêmes erremens que M. Jacob Jacobs, dont nous nous occuperons plus tard.

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