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H. DENOBELE.

Voici une tout autre école, qui tient le milieu entre la finesse des anciens Flamands et la manière des peintres de genre français d'aujourd'hui. M. Denobele a vu et étudié Teniers, et il s'est néanmoins senti entraîné vers Bellangé et Raffet. Il n'est pas trop imitateur, c'est ce qui nous plaît surtout en lui. Il promet un peintre à son pays: acceptons-en l'augure.

Parlons d'abord de ses portraits : il en a exposé trois qui tous ont de solides qualités. Ses chairs auraient plus de vie peut-être s'il ne portait pas, dans cette peinture en grand, les habitudes que lui font contracter les petites figures de ses tableaux. Ses portraits, sans manquer pour cela de rondeur, n'ont pas assez de modelé; sa touche est trop unie; il ne fait pas sentir la circulation du sang sous la peau; sa couleur, trop fraîche, est

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conventionnelle plutôt que vraie, excepté dans les accessoires et dans les habillemens, rendus avec beaucoup de naturel. Le dessin, chez cet artiste, est une qualité habituelle; nous sommes heureux de pouvoir le faire remarquer : nos jeunes peintres ne nous gâtent pas sous ce rapport.

Le portrait qu'il a fait de lui-même, no 104, est remarquable. Si la pose en est un peu prétentieuse, l'expression en est bonne, les cheveux, la moustache, l'impériale sont légèrement touchés. Les n° 103 et 106 sont aussi dignes d'éloges.

Un militaire s'arrétant pour boire devant un cabaret de village.

(N° 105'.)

Un grenadier vient de s'asseoir sur un banc, à la porte d'un cabaret de village; il a posé son sac par terre, son fusil contre la muraille; il s'est débarrassé de son schako, dont un enfant s'est déjà coiffé. La cabaretière, belle et grande paysanne, à la cornette coquettement retroussée sur l'oreille, au tablier de mérinos noir sur 1 Hauteur, mètre, 0,61; largeur, mètre, 0,74.

une cotte de serge rayée, fond rouge, lui verse à boire.

Un

paysan, en costume de travail, en manches de chemise, les pieds chaussés de gros sabots d'où sortent quelques brins de paille, fume sa pipe, assis auprès d'une table où se trouve le verre qu'il a vidé. Il interrompt un instant les émissions successives de fumée que jette sa lèvre, pour prêter l'oreille aux propos du soldat. Celui-ci, en fouillant dans la poche de son pantalon pour y prendre de la monnaie, adresse à la cabaretière quelque compliment saugrenu dont elle sourit, et qui la distrait de son occupation, au point de lui faire répandre par terre la bière qu'elle pense verser dans le verre.

Les expressions de ces deux figures principales sont fines; le paysan, spectateur et auditeur, est d'une extrême vérité de pose. Le cou tendu, penché en avant, il écoute parfaitement bien; on voit qu'il a un intérêt personnel à entendre ce que le beau militaire a pu dire pour distraire ainsi la paysanne. La couleur de ce tableau est bonne, sans prétention et sans charlatanisme; les transitions aux demi-teintes sont habilement amenées, le fond et la maison rappellent peut-être trop Bellangé.

Nous n'avons que des éloges à donner au dessin des trois figures principales; nous ne sommes pas aussi satisfait de l'enfant, dont l'action, si naturelle, aurait pu donner lieu à une pose plus gracieuse et plus originale.

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