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Guidé par des sentimens de bienveillance générale et n'ayant en vue que l'intérêt de l'art, nous nous imposerons surtout la tâche de signaler le beau et le bon partout où il aura frappé nos yeux ou notre sentiment. Si nous mêlons la critique à l'éloge, nous ne le ferons que pour les artistes dans l'avenir progressif desquels nous avons foi. Les autres, nous les passerons sous silence, et nous attendrons pour mentionner leurs noms qu'ils se recommandent par de meilleurs ouvrages.

Il est en effet également dangereux de décourager un jeune débutant ou de trop exalter son mérite. Ces éloges et ce blâme sans mesure sont le fléau des arts, ils confondent toutes les idées et peuvent prolonger leur funeste influence bien avant dans la vie d'un artiste.

Il ne faut pas cependant, parce qu'un homme a exécuté un bon tableau, admettre d'avance comme excellent tout ce qui sortira de son pinceau. Si la sévérité est quelquefois permise, c'est quand le talent s'endort sur des lauriers trop tôt décernés. Mais combien sont funestes et cruelles les exigences de ces impitoyables critiques qui ne comprennent pas que le génie comme le soleil a son couchant, et que, l'un comme l'autre, parfois fatigué d'une course triomphale, s'enveloppe de l'épaisseur de la brume avant de disparaître sous l'horizon.

La fin si tragique et si misérable d'un des plus grands peintres de l'école française moderne, a dernièrement fourni un éclatant exemple de cette funeste exigence du public. Lorsque, comme M. Gros, on avait fait les Pestiférés de Jaffa, et tant d'autres chefs-d'œuvre, on pouvait dans ses vieux jours produire quelques faibles pages sans exciter les clameurs de tant de Zoïles.

Avant d'entreprendre ce compte-rendu, nous nous sommes profondément sondé, et nous aurions reculé devant la responsabilité qui allait peser sur nous, si nous n'avions trouvé en

nous-même, à défaut de confiance dans des connaissances spéciales que nous savons bien nous manquer à tant d'égards, la ferme volonté d'être équitable et la certitude de ne nous laisser entraîner par aucune considération personnelle. Ce que nous pouvons sans présomption promettre aux artistes et au public, c'est l'impartialité.

Notre première livraison n'a pu paraître à l'époque d'abord désignée, et celles qui la suivront ne pourront se succéder aussi rapidement que nous l'avions pensé. Nous avons reconnu que pour que notre rôle fût vraiment utile, il ne devait pas être trop empressé, que les avis de la presse quotidienne devaient nous servir pour rectifier ce que nos jugemens auraient pu avoir d'erroné. C'est ce qui nous forcera à étendre à plusieurs mois une publication qui ne pourrait, sans les plus graves inconvéniens, être resserrée dans la courte durée de l'Exposition. L'ouvrage sera entièrement terminé avant la fin de décembre.

C'est encore bien peu de temps pour un travail si long et comprenant un nombre si considérable d'objets.

Qu'un jugement de journal soit réformé le lendemain de son apparition, le numéro du jour suivant peut réparer l'erreur ; il n'en est pas ainsi d'un livre qui doit former ensemble. Un volume destiné à la bibliothèque des artistes exige plus de soins et de ménagemens.

Nos souscripteurs, nous en sommes persuadé, ne nous sauront pas mauvais gré d'un retard qui leur aura prouvé notre désir de les satisfaire plus complétement, en leur fournissant un livre fait en conscience.

Nous allons donc passer en revue ces toiles, ces marbres, ces plâtres envoyés dans la capitale, de tous les points de la Belgique et de l'étranger. Au milieu des réflexions particulières qui nous seront suggérées par chaque ouvrage, nous placerons la discussion de quelques questions qui intéressent l'art en

général, à mesure que le sujet se présentera. L'exposition de 1836 est l'objet dont nous voulons nous occuper, et nous écarterons de notre travail tout ce qui ne s'y rattacherait pas intimement.

Quant aux choix des tableaux dont nous donnons les planches, d'habiles artistes ont été appelés à y procéder. Leurs connaissances spéciales et leur caractère honorable ont été pour nous une garantie suffisante; nous espérons que le public partagera notre conviction à cet égard.

Nous ajouterons que leurs lumières nous ont été et nous seront d'un grand secours dans l'appréciation du mérite des œuvres que nous avons à analyser.

LE SALON.

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