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la commission dont M. Pelet (de la Lozère) avait lu le rapport le 2 janvier, était soumis le 7 à l'épreuve du scrutin et réunissait 229 suffrages sur 234 votants.

La Chambre des pairs, à laquelle il fut présenté le 19, après avoir entendu, le 31, le rapport de la commission qui concluait unaniment à l'adoption de ce projet, lui donna aus sa sanction le 1er février, à l'unanimité moins une voix.

Mais, si ni dans l'une ni dans l'autre Chambre cette loi n'avait rencontré de contradicteur, M. Pelet (de la Lozère) au nom de la commission dont il était l'organe, n'en avait pas moins exprimé devant la Chambre des députés le vœu que le gouvernement parvînt enfin, par un accord avec les puissances étrangères, à réduire le nombre de nos soldats sous les drapeaux, de manière que le pays ne fût plus accablé par les dépenses qu'ils entraînent. L'honorable rapporteur était d'autant plus fondé à tenir ce langage que, tout récemment encore, le 29 décembre, M. le ministre de la guerre était venu exposer à la Chambre des députés les motifs d'un crédit additionnel de 18,923,000 francs sur l'exercice 1831.

Cette somme se divisait en deux parties essentiellement distinctes :

L'une, qui s'élevait à 7,979,000 francs, s'appliquait à des dépenses non prévues et dérivant de circonstances extraordinaires dont les effets n'avaient pu être exactement appréciés que depuis la présentation du budget: telles étaient les dépenses occasionées par la mobilisation de l'armée du nord, par la répression des troubles dans l'ouest, dans le midi, à Lyon, et par les mesures sanitaires ordonnées contre l'invasion du choléra-morbus.

L'autre partie, montant à 10,944,000 francs, devait compléter les moyens de paiement attribués par la loi de finances à certains services dont les dépenses avaient été évaluées d'une manière insuffisante, ou sur des hypothèses de réduction qui n'avaient pu se réaliser. (Rapport fait par M. d'Intrans, le 18 janvier.)

Quant à cette dernière somme, il fallait, disait M. le rapporteur, maintenir les dispositions si judicieuses de l'ordonnance du 1er septembre 1827, qui a qualifié de crédits complémentaires les crédits affectés au complément des ressources nécessaires. pour la réalisation des services votés, et à renvoyé la confirmation de la régularisation de ces crédits à la loi de règlement du budget. En conséquence, la commission proposait de ne soumettre en ce moment à la délibération de la Chambre que l'allocation de 7,979,0000 francs, destinée aux dépenses extraordinaires et non prévues.

Ainsi réduite, cette demande de crédits qui touchait aux questions les plus irritantes de la politique intérieure et extérieure devint, les .31 janvier et 1er février, l'objet d'une discussion très animée dans la Chambre élective.

D'accord avec M. Larabit pour blâmer les dépenses de la campagne de Belgique, le général Lamarque ne pouvait pas partager l'espoir qu'avait donné la commission d'obtenir le remboursement de ces dépenses de la part des Belges, qui seront peut-être, disait-il, exposés à de nouvelles luttes et ne trouveront peut-être pas dans la France le généreux secours qu'on leur annonce. Le général fondait cette opinion sur les propres paroles de lord Grey à la Chambre des pairs d'Angleterre, le 26 janvier; paroles dont il résultait que notre gouvernement avait eu le désir de voir le prince d'Orange rétabli en Belgique, et que ce désir avait été exprimé d'une manière cordiale et sincère.

Les dépenses de l'expédition de Lyon paraissaient à l'orateur non moins exagérées que celles de l'armée du Nord; mais une faute plus grave à ses yeux, c'était la prodigalité des grades et des croix d'honneur qui avait suivi cette expédition. « Les baïonnettes de nos soldats, ajoutait-il, ne sont altérées que du sang étranger; celui-là, on le répand sans regrets, il donne la couleur brillante à nos décorations: mais le sang français versé par des mains françaises ne teint qu'en noir, et ces décorations ne devront être suspendues qu'à des crêpes.

Enfin, et sans faire toutefois aucune observation contre l'indemnité réclamée par l'armée de l'ouest, dont le zèle était infatigable et la discipline sans reproche, M. Lamarque persistait à penser que le ministère avait pris un mauvais moyen de pacifier la Vendée, en essayant de comprimer les mécontents à force de troupes, au lieu d'employer les ressources locales, et de former des bataillons de gendarmerie mobile dans lesquels on aurait incorporé des gens du pays.

L'honorable général, en rappelant les paroles de lord Grey, avait annoncé qu'il serait heureux d'être démenti sur le fait qu'elles révélaient. Ce démenti, M. le maréchal Soult le donna de la manière la plus énergique, et affirma qu'en aucun temps le gouvernement du roi n'avait favorisé une restauration en Belgique, pas plus qu'il ne serait disposé à en accepter une en France. Passant ensuite à l'apologie de la mission qu'il avait remplie à Lyon, le maréchal, ayant jugé que des récompenses étaient dues aux militaires qui s'étaient conduits avec un dévouement héroïque dans les rues de Lyon, n'avait pas hésité à les signaler à toute la bienveillance du roi, et à demander pour eux des grades et des décorations bien mérités. Quant au système adopté pour réprimer les troubles de l'ouest, le gouvernement s'applaudissait de l'avoir suivi, en respectant toutes les lois existantes, et d'avoir évité ainsi toute perturbation dans le pays.

L'indignation avec laquelle M, le ministre de la guerre avait repoussé pour lui et ses collègues tout soupçon de connivence à une restauration de la maison d'Orange en Belgique lui valut les félicitations du général Lafayette, qui, faisant bientôt allusion à une note signée par les représentants des puissances à Rome, et où il avait reconnu les principes des Congrès de Vienne et de Vérone, déclara qu'il aimait à croire que le gouvernement sorti de la révolution de juillet n'avait été pour rien dans cette note, et qu'il désavouerait son ambassadeur. C'est ainsi que le général se trouva engagé à parler des affaires d'Italie et des événements récents de la Romagne.

Il s'attacha à justifier les habitants de ce pays du reproche d'avoir manqué de persévérance et de courage, et finit par exprimer la conviction que le désaveu le plus formel de la déclaration faite à Rome, et l'influence de la France pour assurer aux Romagnols une liberté franche et sincère, étaient les moyens les plus propres à réparer les malheurs dont ils avaient à gémir. Et comme il semblait au général Lafayette que M. le garde des sceaux, qui venait de prendre la parole pour lui répondre, avait dit que nous n'avions rien de commun avec l'Italie, que nous n'avions eu que des conseils à lui donner, il rappela que le gouvernement français avait publié partout qu'il ne souffrirait pas l'intervention de l'Autriche en Italie, et que, en ne tenant pas sa promesse, il avait manqué de bonne foi envers lui-même.

A l'exemple du ministre de la justice, M. Casimir Périer ajourna le moment d'explications plus précises sur les affaires d'Italie à la discussion du budget des affaires étrangères. Mais, en attendant, disait-il, il ne devait être permis à personne d'accuser le gouvernement français de tromperie et de mauvaise foi. C'étaient là des inculpations vagues, mal définies, sans motifs, que personne n'était autorisé à faire.

Malgré la dénégation formelle de deux ministres, M. Mauguin voyait, dans plusieurs circonstances particulières qu'il énumérait, une preuve que le gouvernement, à uue certaine époque, avait parlé, agi, pour le prince d'Orange, et voulu le rétablir sur le trône de Belgique. M. Mauguin, sans s'étendre davantage sur ce fait, passait bientôt à la mission du ministre de la guerre dans le département du Rhône, et il exprimait le regret qu'il ne pût pas communiquer à la Chambre son rapport sur cet objet. « Ce rapport était d'autant plus indispensable, disait l'orateur, que là on aurait certainement trouvé des faits qui auraient éclairei les doutes qui nous restaient encore sur les événements de Lyon. » Ainsi le ministre de la guerre avait dû savoir s'il était vrai que des négociants lyonnais eussent prévenu le ministre de l'intérieur et du tarif et des troubles

dont la ville étais menacée; il avait dû savoir aussi comment on avait pu, vis-à-vis de la population lyonnaise, dégager les autorités de leurs engagements pour l'exécution du tarif. Ensuite, M. Mauguin revenait sur la question des décorations et des grades, et demandait si, après une bataille, quelque glorieuse qu'elle eût été, on avait jamais distribué quatre-vingtcinq croix et plusieurs grades à un seul régiment, comme à Lyon.

Déjà plusieurs apostrophes véhémentes avaient interrompu l'orateur; elles recommencèrent à éclater de toutes parts lorsqu'il compara la conduite du gouvernement actuel avec celle de la restauration, qui récompensait par des profusions de décorations et d'honneurs les campagnes de Colmar et de la rue Saint-Denis.

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Si, dit-il, vous n'avez pas encore saisi la portée des récompenses que vous accordez, vous avez besoin qu'on vous l'indique. Telle est cependant la conséquence de votre manière de récompenser, et j'ajouterai de commander l'armée. On a suivi les principes de la restauration, et il faudrait ignorer ce qui s'est passé dans Paris depuis plusieurs mois pour méconnaître que l'on cherche à exciter le soldat contre la population... »

Ces mots excitèrent dans la Chambre un violent orage. « C'est un appel à la guerre civile ! c'est le langage d'un factieux! à l'ordre à l'ordre! » Ces cris redoublés au milieu d'une agitation extraordinaire dominèrent la voix des huissiers et la sonnette du président. Enfin M. Girod (de l'Ain), après avoir obtenu un moment de silence qui permit à l'orateur d'expliquer sa pensée, le rappela à l'ordre pour s'être servi d'expressions qui imputaient au ministère le projet odieux d'exciter l'armée contre les citoyens.

Le tumulte se renouvela presque avec la même force lorsque, succédant au général Bugeaud qui s'était attaché à établir une analogie parfaite entre l'événement de juillet et celui de Lyon, et à prouver que les vainqueurs de juillet et les soldats de Lyon, ayant tous combattu pour la défense des lois, méritaient d'égales récompenses, M. le général Demarçay protesta contre ce rapprochement. « Dans les journées de Lyon, ce

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