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CHAPITRE IV.

Budget des dépenses pour :832. - Expédition française dans les États du

pape.

De douzièmes en douzièmes provisoires, le budget de 1831 avait fini par être dépensé dans sa plus grande partie, sans avoir subi cet examen approfondi qui fait la puissance des Chambres et donne seul une réelle efficacité à leur contrôle. Incompatible avec les prérogatives du pouvoir législatif, le provisoire ne l'est pas moins avec la marche facile et régulière de l'administration, et s'il avait été impossible de s'y soustraire pour 1831, il devenait indispensable de rentrer, pour 1832, dans le cours naturel des affaires, et d'éviter de n'appeler les Chambres à voter, en matière de subsides, que sur des faits accomplis. C'est dans ce but que, dès le commencement de la session (19 août 1831), le ministre des finances avait apporté à la Chambre des députés le budget des dépenses générales et celui des recettes de l'exercice 1832. Nous ne nous occuperons en ce moment que du premier.

Les crédits ordinaires et extraordinaires pour 1831 avaient été de..... 1,172,000,000

....

Les crédits ordinaires demandés pour 1832, la liste civile non comprise, s'élevaient à......

955,980,012

141,728,000

Et les crédits extraordinaires à............... Les dépenses départementales et d'achèrement de caus avaient augmenté le chiffre du ministère du commerce et des travaux publics. Le ministère de la marine, qui n'avait obtenu en 1831 que 60 millions 500,000 francs, réclamait aujourd'hui 65 millions. Cependant, quoique chargé d'une dette plus forte et malgré l'augmentation de l'effectif de l'armée, des fonds départementaux et de la dotation de la mariñé, le budget 'offrait une diminution de 74,700,000 fr.

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La discussion de ce budget était attendue avec une vive impatience; et toutefois ce fut seulement dans la séance du 30 décembre 1831 que M. Thiers vint présenter à la Chambre le résultat des travaux de la commission du budget. Ce retard avait besoin d'une justification; il la trouva dans ce préambule de l'honorable rapporteur.

• La tâche d'une commission des finances est toujours difficile; elle l'était davantage encore cette année, car le budget que nous vous apportons est, pour ainsi dire, le premier budget de notre nouveau gouvernement. Tant d'assertions contradictoires ont été avancées sur notre administration, sur son système, sur ses dépenses, qu'il était grave d'avoir à émettre le premier avis sur ces vastes questions. C'est là, Messieurs, la difficulté qui, jointe aux formes d'un nouveau règlement, a prolongé les travaux de votre commission.

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Composée de trente-six membres, divisée en sections, examinant chaque loi d'abord en assemblée générale, puis en sections, et une dernière fois en assemblée générale, ayant à discuter à la fois une loi des comptes, le budget de 1831, le budget de 1832, il n'est pas étonnant que ses travaux aient été longs et vous aient paru l'être. Cette lenteur de formes, qui serait superflue pour l'avenir, a du moins été utile cette fois; car, dans un moment où il fallait tout discuter, tout mettre en question, un concours plus grand de lumières, un double, un triple examen ne sauraient être à regretter. »

Ces paroles annonçaient assez que le rapport embrasserait tout l'ensemble du budget, pénètrerait dans toutes les parties de l'administration, discuterait toutes les questions qui peuvent naître à son sujet. C'est en effet la tâche que M. Thiers avait remplie : immense travail que nous essaierons de réduire ici à sa plus simple expression.

Établissant un parallèle entre le dernier budget voté sous la restauration et celui de 1832, qui montait, comme on l'a vu plus haut, à 955 millions pour les dépenses ordinaires, M. Thiers convenait que le chiffre de l'un et de l'autre était à peu près égal. Devait-on en conclure que, depuis la révolution de juillet, aucune économie n'avait été apportée dans les dé

peuses de l'État? Non, sans doute. La suppression d'un grand nombre de pensions, des réductions imposées au clergé, l'abolition des corps privilégiés de l'armée, le licenciement de l'ancienne maison du roi et des Suisses, des réformes opérées dans l'administration des finances et dans la régie des impôts, représentaient une somme de 46 millions environ, en y comprenant l'économie à espérer sur la liste civile. Cette importante bonification aurait profité au trésor, si malheureusement des dépenses forcées n'étaient venues en balancer presque toute la valeur.

Ainsi, par exemple, la dépense de la dette s'est considérablement accrue. En 1830, on n'avait porté qu'un semestre d'intérêt pour l'emprunt de 80 millions négocié par M. de Chabrol; il a fallu cette année en porter deux. Il a fallu compter l'intérêt et l'amortissement des emprunts négociés en 1831. Le tout forme une somme de 13 millions. La dette flottante s'est accrue et coûte 9 millions de plus. 13 millions d'une part et 9 de l'autre, composent une dépense de 22 millious de plus pour le seul service de la dette. Il a fallu paver des retraites aux employés de toute espèce, dont les uns étaient destitués pour des raisons politiques, dont les autres étaient privés de leur état pour cause de suppression d'emplois. Il a fallu mieux rétribuer certains services, augmenter l'allocation des routes, accorder des secours à l'instruction primaire, améliorer la solde des soldats et sousofficiers. Nous devons ajouter encore que diverses sommes ont été portées en dépense par suite de la réunion de certains budgets particuliers au budget de l'État; ce qui apporte une augmentation de dépenses qui n'est qu'apparente, puisqu'elle se balance par une augmentation équivalente en recettes. »

Voilà par quelles raisons M. Thiers expliquait comment la somme du budget ordinaire de 1832 n'allait pas, malgré toutes les économies faites depuis la révolution, à moins de 955 millions, qu'il divisait, pour plus de clarté, en cinq portions principales:

Les dettes de tout genre, dette fondée, dette flottante, dette viagère, pensions, retraites, etc. Dotations de la Chambre des pairs, de la Chambre des députés, de la Légion-d'Honneur, de la liste çivile (cette dernière pour mémoire)......

A reporter.

345,451,517

4,602,417

350,053,934

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Cette nomenclature de nos dépenses nous montre, disait le rapporteur, que, sur 955 millions, 345 s'appliquent à des dettes sur lesquelles il ne nous est pas permis d'élever de discussion, que 444 seulement s'appliquent au service de l'Etat, 118 aux frais de perception et 42 à des remboursements ou non-valeurs, et que notre esprit d'économie ne peut par conséquent s'exercer que sur les deux sommes de 444 et de 118 millions, consacrées aux services généraux et à la perception.

De ces deux sommes, la commission, après tous ses efforts pour ne rien épargner de ce qui lui avait paru un abus, après s'être souvent décidée contre l'avis de l'administration, et quoiqu'elle ne se fût arrêtée que lorsqu'elle avait eu la conviction qu'en allant au-delà elle désorgauiserait, la commission n'était parvenue à retrancher que 10,659,082, répartis entre les divers ministères.

Le rapporteur, au nom de la commission, exprimait la conviction que, dans l'état actuel des choses, il était impossible de supprimer plus de 10 millions au budget. Voilà tout ce qu'on pouvait faire, à moins de changer de système. Recherchant, dans une longue dissertation, si la possibilité d'un pareil changegement existait, M. Thiers, après avoir examiné toutes les branches de l'administration, reconnaissait que partout, saus doute, il y avait des améliorations à introduire, mais nulle part il n'avait trouvé de système nouveau et puissant qui, substitué au système dans lequel on s'obstine, disait-on, à vivre, devait procurer à l'État des économies importantes.

«Eh! Messieurs, ajoutait-il, on pouvait dire en 1789, quand il fallait détruire l'édifice féodal; on pouvait dire en 1800, quand il fallait, avec les ruines de l'édifice féodal, construire un édifice moderne, on pouvait dire alors: Il faut changer de système. Mais aujourd'hui, après tant de bouleversements, après la révolution, après Napoléon, après quinze ans de gouvernement représentatif, c'est méconnaître les efforts de tant de gé

nérations qui se sont épuisées à refaire notre constitution, que de dire encore que le système est à changer. Non, Messieurs; il est à perfectionner, à perfectionner lentement, et c'est pourquoi des hommes consciencieux, après des mois de travail, ne trouvent que 10 millions d'économie à vous présenter. »

Cependant M. le rapporteur avouait qu'il y avait un dernier objet sur lequel on pourrait tenter une de ces économies considérables dont on parlait souvent : c'était l'amortissement, Il était vrai que là il fût facile d'obtenir 30 ou 40 millions. En effet l'amortissement est composé de deux parties bien distinctes l'une, à laquelle des engagements inviolables ne permettent pas de toucher, est la dotation; et l'autre est la somme des rentes rachetées depuis 1816. Or les lois laissent à l'État la faculté d'annuler cette somme en tout ou en partie; toutefois le rapporteur, s'élevant avec force contre cette annulation, la combattait par des arguments sur lesquels nous n'insisterons pas ici, puisque nous allons les voir se reproduire dans la discussion générale du budget.

16 janvier. La restauration était accusée d'avoir prodigué si follement les trésors de la France, qu'une des idées les plus populaires et le plus généralement répandues, après la révolution de juillet, était que le gouvernement devait entrer avec franchise dans la voie des économies, et tailler largement dans le budget des dépenses. Cependant les charges, au lieu de diminuer, avaient augmenté; et ce n'était pas sans une grande surprise qu'on venait d'entendre M. Thiers déclarer qu'il était impossible d'alléger les impôts de plus de dix millions. Cette assertion, malgré les efforts d'une habileté incontestable pour la rendre victorieuse, rencontra dans la Chambre de nombreux contradicteurs. Passant à une extrémité contraire, ils parurent d'autant plus sensibles, au malheur des temps et à la gêne des contribuables, que la commission du budget avait été plus touchée des besoins de l'administration.

Au premier rang de ces contradicteurs étaient MM. Thouvenel et Audry de Puyraveau. Ce dernier, dans une discus

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