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lité de la personne, soit dans la permanence des rapports entre les mondes.

Ces dernières considérations sont hors de notre sujet. Mais nous avons dù cependant les indiquer, vu l'importance qu'elles ont en philosophie et qu'elles peuvent encore avoir dans le drame. La psychologie a précédé cette étude; la métaphysique s'y ajoute.

Mme Clémence Royer a posé le problème du bonheur, de ce que les anciens philosophes ont appelé le souverain bien, dans toute sa généralité. « Sa solution, écrivait-elle 1, doit rendre compte, non seulement de tout ce qui est humain, mais de tout ce qui est vivant. Elle doit pouvoir expliquer ce qui change dans les jugements éthiques, et ce qui demeure, et le pourquoi de ces variations et de cette invariabilité. Elle doit pouvoir concilier l'égoïsme individuel, le sentiment profond du bien particulier, préposé à la conservation de l'individu, et chargé de le protéger, de le défendre, avec la moralité c'est-à-dire avec le sentiment du bien spécifique, partiel ou général, et avec le sentiment supérieur, encore aujourd'hui presque rudimentaire dans les consciences, où il naît seulement à l'état d'idée, du bien universel, c'est-à-dire d'un ordre idéal du monde le meilleur possible. »

Elle définissait donc le bien 2, dans sa nature absolue universelle : « Un certain ordre de choses établi de façon à multiplier la quantité d'existence et de jouissance possible dans l'univers par les plus grands facteurs possibles. >

Angiulli, un des philosophes les plus éclairés de l'école.

Le bien et la loi morale. Ethique et téléologie. Paris, Guilloumit, 1 81, Il partie, 1.

Même ouvrage, II° partie 1,

expérimentale, considère le monde comme l'évolution d'un seul et même tout. Il n'y a pas, selon lui, deux natures d'existence, deux évolutions, mais bien une seule, dont l'histoire est l'histoire même de l'univers. <«< Dans une telle conception, dit-il 1, repose le fondement le plus parfait de l'éthique, et du côté scientifique et du côté pratique. Du côté scientifique, parce qu'elle fournit la raison explicative de ses lois particulières; du côté pratique, parce qu'elle engendre ce sentiment d'unité avec les êtres cosmiques, par lequel l'activité morale, se reconnaissant facteur des destinées de la nature et de l'homme, prend une élévation non encore atteinte dans le passé. ›

Cette solidarité des existences dans le temps et l'espace indéfinis n'implique pas la durée de la personne. La croyance en cette durée a été jugée longtemps la première condition de la morale, et plusieurs philosophes la défendent encore énergiquement, les uns, comme Secrétan 2, au nom de la foi en Dieu, les autres, comme Renouvier et Pillon, au nom du devoir. Le point de vue de ces derniers, qui n'est pas tout à fait celui de Kant, exige une mention particulière.

« Ce qui importe, écrit Pillon 3, ce qui est postulé par les profonds instincts de notre nature et par la loi morale, ce n'est pas l'immortalité de la substance âme, c'est l'immortalité de la personne, de la conscience. Matérialistes et spiritualistes confondent ces deux choses; elles sont cependant différentes, indépendantes l'une de l'autre. L'indestructibilité de la substance spi

1

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Ouvrage cité à la p. 12. IV, p. 355.

Voy. le dernier ouvrage de Charles Secrétan. La civilisation et la croyance. Paris, Alcan, 1887.

La Critique philosophique, 24 oct. 1878.

rituelle ne garantit nullement l'immortalité de la personne, la persistance des fonctions qui constituent la personne; et l'immortalité de la personne, la persistance ou la renaissance, en vertu de lois cosmiques inconnues, des fonctions qui constituent la personne, est parfaitement compatible avec le phénoménisme rationnellement compris. La distinction est assez importante pour mériter l'attention, et assez claire pour la fixer. >

Toutes les inductions propres à fonder une morale cosmique, toutes les hypothèses qu'on peut faire sur les destinées de l'âme, appartiennent à la spéculation pure. Nos recherches positives n'y conduisaient point; elles ne les excluaient pas davantage. La métaphysique ne fait que donner une dernière forme à l'idéal moral que nous avons vu se construire peu à peu dans l'humanité. Tout ambitieux qu'il soit de régler le monde à son usage, l'homme se sait le collaborateur aveugle de la nature : son plus haut effort est de la penser comme elle est peut-être, et sa misère est de ne la pouvoir pénétrer jamais. Ce désir toujours renaissant, jamais assouvi, suffit du moins à justifier l'hypothèse la plus téméraire, ne fût-elle, après tout, qu'une vaine et poétique illusion.

TABLE DES MATIÈRES

LES SOURCES DE NOTRE ACTIVITÉ MORALE

Émotions conservatrices.

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Emotions sympathiques : l'amour
et les sentiments tendres; l'amour fraternel (conte égyptien
des Deux frères); l'amitié (Nisus et Euryale) ; la pitié; la sym-
pathie. Nature mixte de la sympathie (la prière de Priam; le
fabliau de la Houce partie). Extension de la sympathie hu-
maine avec la croissance des sociétés (la Chanson de Roland
comparée à l'Iliade). - Émotions intellectuelles; idée de justice
La composition pécuniaire (la Saga de Niai); le talion, forme
primitive de la pénalité. État idéal et états sociaux.

-

1

LES FINS DU DEVOIR

L'OBLIGATION MORALE

CHAPITRE IV

LES CONFLITS MORAUX

LA SANCTION ET LE REMORDS

Condition organique. Premier élément du remords: déception,
regret d'un faux calcul (un voleur du Miracle de Saint
Nicolas Clytemnestre, Ganelon, Iago, Narcisse, Cléopâtre de

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