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le mettre à l'abri de toute invasion par mer. D'autres considérations non moins importantes venaient ajouter un nouvel attrait à l'ambition de l'Autriche elle voyait les Alpes couvertes de forteresses redoutables, le cours des fleuves éminemment nécessaires au transport des munitions, des approvisionnemens, et même des gens de guerre, protégé par des places fortes en état de résister aux plus longues attaques; elle voyait la grande moitié de ce magnifique territoire occupée par ses troupes et par ses proches : la Lombardie, les états de Venise, le Piémont, Modène, Parme, la Toscane, Naples, etc.; en un mot, elle trouvait là tout ce que la nature la plus libérale peut accorder au génie de l'homme pour le maintien de sa puissance, l'agrandissement de son commerce, et pour sa convenance offensive et défensive..... Une telle fédération devait à la longue envahir toute la péninsule de l'Italie, et assurer à l'Autriche une prédominance que rien ne pourrait affaiblir, et dont elle espérait tirer d'immenses avantages. Ces conceptions furent, dit-on, modérées par la diplomatie de l'Angleterre et par la sagesse du cardinal Gonzalvi, qui n'auraient pas vu sans alarmes une confédération si redoutable, laquelle se serait encore fortifiée par les immenses possessions de l'Autriche sur les deux bords de l'Adriatique. Ce projet fut remis à un autre temps. Le système politique de l'Autriche est essentiellement suspensif, et tôt ou tard il se révélera; TOME III.

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mais la manifestation de cette pensée ambitieuse ' commença par l'anéantissement de la république de Gênes.

Il faut remarquer ici la singulière attitude de l'Angleterre au congrès de Vienne : elle y exerçait une suprématie positive, et n'avait rien à demander pour elle-même, car elle n'avait jamais entendu faire dépendre d'un congrès la restitution des conquêtes et des envahissemens prodigieux dont elle composait sa fortune. Elle n'y paraissait assister que pour notifier péremptoirement l'érection qu'elle venait de faire de l'électorat de Hanovre en royaume, et pour s'opposer à des arrangemens entre les alliés qui auraient pu leur donner une consistance contraire à ses intérêts; elle tenait depuis long-temps les cordons de la bourse, et de sa volonté seule dépendaient le salaire et les subsides.

Vainement les députés de Gênes sollicitèrent des audiences des souverains arbitres; ils furent éconduits. Le prince de Metternich les combla de

1 Cette pensée ambitieuse se révèle au monde (15 août 1828). L'antique et immense succession de la vieille Rome paraît destinée à subir un nouveau partage. L'empereur, roi des Romains, revendique le protectorat de la péninsule romaine, et l'empire d'Orient, ébranlé pour la première fois, est au moment de s'écrouler dans Bysance à l'aspect des armées du Czar.

politesses, en leur déclarant que leur pays était irrévocablement uni au Piémont. La seule consolation qui fut donnée au marquis de Brignolé, honorable président de la députation, fut de voir enregistrer ses pouvoirs parmi les actes du congrès; mais je ne crois point qu'on y ait inséré la protestation que fit ce ministre au nom des états de Gênes ce fut le dernier soupir de cette république'.

Protestation au nom des états de Gènes.

Le ministre plénipotentiaire et envoyé extraordinaire de Gênes a 'honneur de soumettre à LL. EExc. les ambassadeurs et ministres assemblés au congrès de Vienne, la déclaration que son gouvernement lui a transmise..., dans le cas malheureusement arrivé où la note du 4 octobre serait restée sans réponse.

Rien ne peut égaler le respect et la vénération dont il est pénétré pour cette illustre assemblée : en même temps, rien ne peut l'empêcher de faire ce qu'il doit à son propre honneur, à sa conscience et à ses concitoyens, et de protester contre toute résolution contraire à leurs droits et à leur indépendance. Leurs demandes sont fondées sur les titres les plus respectables : une existence politique aussi ancienne que l'origine de plusieurs monarchies; des traités innombrables faits durant plusieurs siècles avec les différentes cours de l'Europe; le traité d'Aixla-Chapelle, base de celui de Paris, dans lequel la république de Gènes concourut avec elles pour la garantie réciproque de leurs états; la nullité évidente de sa réunion à un empire usurpé ou détruit ; une administration indépendante depuis cette époque, avec toutes les marques de la souveraineté et sans aucune opposition; et, par-dessus tout, les déclarations immortelles des hautes puissances alliées. Les villes de Chaumont et de Châtillon-sur-Seine retentissent de cette noble assurance, qu'il ne serait plus élevé d'édifice sur les ruines des états anciennement indépendans et heureux ; que l'alliance des plus puissans monarques de la terre avait pour objet de prévenir les usurpations qui depuis tant d'années ont désolé le monde, et qu'enfin une paix glorieuse, noble fruit de leur alliance et de leurs victoires, assure

Une députation d'un autre genre, celle des états médiats de l'empire d'Allemagne, fut admise sans difficulté à l'audience de l'empereur d'Autriche; elle présenta une singularité remarquable. Elle était composée de plusieurs princes, landgraves, comtes..., etc., et ce fut une femme, la princesse tutrice des états de Furstemberg, qui porta la parole pour engager François II à reprendre le titre d'empereur d'Allemagne, et à rétablir les princes dans leurs anciens priviléges. L'empereur (on doit bien le juger) répondit qu'il ne demandait pas mieux, et qu'il ferait tout ce qui dépendrait de lui pour rendre à l'Allemagne son ancienne splendeur... Apparemment que cela ne dépendit point de sa volonté, car il ne fut rien changé le titre d'empereur d'Allemagne n'a point été repris par lui, malgré la bonne volonté que ce prince venait de témoigner. Pour être conséquent, en rétablissant l'empire d'Allemagne, il aurait fallu en même temps rétablir les princes électeurs séculiers et ecclésiastiques, et toucher

rait les droits, l'indépendance et la liberté de toutes les nations. La justice des gouvernemens qui ont garanti ces maximes tutélaires peut être tardive; mais tôt ou tard elle atteindra son but. Le devoir des états inconnus et faibles est d'invoquer sans cesse et d'attendre avec confiance et courage.

Le soussigné requiert respectueusement que cette déclaration soit insérée dans le protocole du congrès, et a l'honneur, etc., etc.

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aux couronnes de Bavière, de Saxe, de Wurtemberg et de Hanovre....., etc., ce qui n'était plus possible.

Au milieu des fermentations de partages et de prétentions qui commençaient à surgir de toutes les chancelleries, il fut nommé une commission militaire pour rédiger le plan d'un armement national, et préparer des moyens de défense propres à garantir les états de la confédération germanique contre toute agression de la part de la France..... Le prince royal de Wurtemberg en fut nommé le chef suprême, et pour assesseurs il lui fut donné les généraux de Wrede, Radetzki, Langenau et Walmoden.

Il fut également notoire que l'Autriche continuait d'entretenir sur le pied de guerre toutes ses armées, et de porter au grand complet tous ses régimens de cavalerie. D'après un conseil aulique la landwher même, espèce de troupes temporaires et de circonstance, fut habillée à neuf, et ne rentra point dans ses foyers. Ce surcroît de dépenses paraissait extraordinaire, et l'on demandait qui paierait ces frais énormes que l'état pacifique de l'Europe ne paraissait point exiger.

On verra dans peu que de son côté la Russie, par l'organe du grand-duc Constantin, donna des ordres pour l'augmentation des forces militaires de la Pologne.

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