Ce n'est pas vous à qui j'en veux rendre raison. (A Orgon.) Remettez-vous, monsieur, d'une alarme si chaude. A ses autres horreurs il a joint cette suite, Du contrat qui lui fait un don de tous vos biens', Pour montrer que son cœur sait, quand moins on y pense, D'une bonne action verser la récompense; Que jamais le mérite avec lui ne perd rien; Et que, mieux que du mal, il se souvient du bien Que le ciel soit loué ! Favorable succès! DORINE. MADAME PERNELLE. Maintenant je respire. ELMIRE. MARIANE. Qui l'auroit osé dire? ORGON, à Tartuffe, que l'exempt emmène. Hé bien! te voilà, traître !... SCENE VIII. MADAME PERNELLE, ORGON, ELMIRE, MARIANE, CLEANTE, VALÈRE, DAMIS, DORINE. CLEANTE. Ah! mon frère, arrêtez, Et ne descendez point à des indignités. A son mauvais destin laissez un misérable, Et ne vous joignez point au remords qui l'accable. ORGON. Oui, c'est bien dit. Allons à ses pieds avec joie FIN DU TARTUFFE. COMÉDIE EN TROIS ACTES'. A SON ALTESSE SÉRÉNISSIME MONSEIGNEUR, MONSEIGNEUR LE PRINCE2. N'en déplaise à nos beaux esprits, je ne vois rien de plus ennuyeux que les épîtres dédicatoires; et Votre Altesse Sérénissime trouvera bon, s'il lui plaît, que je ne suive point ici le style de ces messieurs-là, et refuse de me servir de deux ou trois misérables pensées, qui ont été tournées et retournées tant de fois, qu'elles sont usées de tous les côtés. Le nom du grand Condé est un nom trop glorieux pour le traiter comme on fait tous les autres noms. Il ne faut l'appliquer, ce nom illustre, qu'à des emplois qui soient dignes de lui; et, pour dire de belles choses, je voudrois parler de le mettre à la tête d'une armée, plutôt qu'à la tête d'un livre; et je conçois bien mieux ce qu'il est capable de faire en l'opposant aux forces des ennemis de cet État, qu'en l'opposant à la critique des ennemis d'une comédie. Ce n'est pas, Monseigneur, que la glorieuse approbation de Votre Altesse Sérénissime ne fût une puissante protection pour toutes ces sortes d'ouvrages, et qu'on ne soit persuadé des lumières de votre esprit, autant que de l'intrépidité de votre cœur et de la grandeur de votre âme. On sait, par toute la terre, que l'éclat de votre mérite n'est point renfermé dans les bornes de cette valeur indomptable, qui se fait des adorateurs chez ceux mêmes qu'elle surmonte; qu'il s'étend, ce mérite, jusques aux connoissances les plus fines et les plus relevées, et que les décisions de votre jugement sur tous 1. Cette comédie, imitée de l'Amphitryon de Plaute, fut jouée pour la première fois sur le théâtre du Palais-Royal le 13 janvier 1668. Rotrou, avant Molière, avait imité l'Amphitryon de Plaute dans la pièce des Deux Sosies. 2. Le grand Condé. les ouvrages d'esprit, ne manquent point d'être suivies par le sentiment des plus délicats. Mais on sait aussi, Monseigneur, que toutes ces glorieuses approbations dont nous nous vantons au public, ne nous coûtent rien à faire imprimer; et que ce sont des choses dont nous disposons comme nous voulons. On sait, dis-je, qu'une épître dédicatoire dit tout ce qu'il lui plaît, et qu'un auteur est en pouvoir d'aller saisir les personnes les plus augustes, et de parer de leurs grands noms les premiers feuillets de son livre; qu'il a la liberté de s'y donner, autant qu'il veut, l'honneur de leur estime, et de se faire des protecteurs qui n'ont jamais songé à l'être. Je n'abuserai, Monseigneur, ni de votre nom, ni de vos bontés, pour combattre les censeurs de l'Amphitryon, et m'attribuer une gloire que je n'ai pas peut-être méritée : et je ne prends la liberté de vous offrir ma comédie, que pour avoir lieu de vous dire que je regarde incessamment, avec une profonde vénération, les grandes qualités que vous joignez au sang auguste dont vous tenez le jour, et que je suis, Monseigneur, avec tout le respect possible, et tout le zèle imaginable, DE VOTRE ALTESSE SÉRÉNISSIME, Le très-humble, très-obéissant et très-obligé serviteur, J. B. P. MOLIÈRE. MERCURE. PERSONNAGES DU PROLOGUE. PERSONNAGES ET ACTEURS DE LA COMÉDIE. JUPITER, sous la forme d'Amphitryon. MERCURE, sous la forme de Sosie. AMPHITRYON, général des Thébains. CLEANTHIS, suivante d'Alcmène, et femme de Sosie. ARGATIPHONTIDAS, LA THORILLIÈRE. DU CROISY. Mlle BEAUVAL.. CHATEAUNEUF. NAUCRATÈS, POLIDAS, capitaines thébains. PAUSICLÈS, SOSIE, valet d'Amphitryon. MOLIÈRE. La scène est à Thèbes, devant la maison d'Amphitryon. PROLOGUE. MERCURE, sur un nuage; LA NUIT, dans un char traîne dans l'air par deux chevaux. MERCURE. Tout beau! charmante Nuit, daignez vous arrêter. Et j'ai deux mots à vous dire De la part de Jupiter. LA NUIT. Ah! ah! c'est vous, seigneur Mercure! Qui vous eût deviné là, dans cette posture? MERCURE. Ma foi, me trouvant las, pour ne pouvoir fournir LA NUIT. Vous vous moquez, Mercure, et vous n'y songez pas ; Les dieux sont-ils de fer? MERCURE. LA NUIT. Non; mais il faut sans cesse Garder le decorum de la divinité. Il est de certains mots dont l'usage rabaisse Et que, pour leur indignité, Il est bon qu'aux hommes on laisse. MERCURE. A votre aise vous en parlez; Et vous avez, la belle, une chaise roulante Et je ne puis vouloir, dans mon destin fatal, De leur impertinence extrême, |