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SCENE I.

L'AURORE, LYCISCAS, ET PLUSIEURS AUTRES

VALETS DE CHIENS, endormis et couchés sur l'herbe.

L'AURORE chante.

Quand l'amour à vos yeux offre un choix agréable,
Jeunes beautés, laissez-vous enflammer;
Moquez-vous d'affecter cet orgueil indoinptable,
Dont on vous dit qu'il est beau de s'armer.
Dans l'âge où l'on est aimable,

Rien n'est si beau que d'aimer.

Soupirez librement pour un amant fidèle,

Et bravez ceux qui voudroient vous blâmer.
Un cœur tendre est aimable, et le nom de cruelle
N'est pas un nom à se faire estimer,

Dans le temps où l'on est belle,

Rien n'est si beau que d'aimer.

SCENE II. LYCISCAS, ET AUTRES VALETS DE CHIENS,

endormis.

TROIS VALETS DE CHIENS, réveillés pur l'Aurore, chantent ensemble.
Holà! holà! Debout, debout, debout.

Pour la chasse ordonnée il faut préparer tout;
Holà! ho! debout, vite debout.

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PREMIER.

Jusqu'aux plus sombres lieux le jour se communique.

DEUXIÈME.

L'air sur les fleurs en perles se résout.

TROISIÈME.

Les rossignols commencent leur musique,
Et leurs petits concerts retentissent partout.

TOUS TROIS ENSEMBLE.

Sus, sus, debout, vite debout.

(A Lyciscas endormi.)

Qu'est ceci, Lyciscas? Quoi! tu ronfles encore,
Toi qui promettois tant de devancer l'Aurore?
Allons, debout, vite debout.

Pour la chasse ordonnée il faut préparer tout.

Debout, vite debout, dépêchons, debout.

LYCISCAS, en s'éveillant. Par la morbleu! vous êtes de grands braillards, vous autres, et vous avez la gueule ouverte de bon matin.

TOUS TROIS ENSEMBLE.

Ne vois-tu pas le jour qui se répand partout?

Allons, debout, Lyciscas, debout.

LYCISCAS. Hé! laissez-moi dormir encore un peu, je vous conjure.

LYCISCAS.

TOUS TROIS ENSEMBLE.

Non, non, debout, Lyciscas, debout.

Je ne vous demande plus qu'un petit quart d'heure.

TOUS TROIS ENSEMBLE.

Point, point, debout, vite, debout.

LYCISCAS. - Hé! je vous prie.

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TOUS TROIS ENSEMBLE.

Non, non, debout, Lyciscas, debout.
Pour la chasse ordonnée il faut préparer tout.

Vite debout, dépêchons, debout.

LYCISCAS. Hé bien! laissez-moi, je vais me lever. Vous êtes d'étranges gens, de me tourmenter comme cela! Vous serez cause que je ne me porterai pas bien de toute la journée; car, voyez-vous, le sommeil est nécessaire à l'homme; et, lorsqu'on ne dort pas sa réfection, il arrive.... que.... on n'est.... (Il se rendort.)

LYCISCAS.

PREMIER.

Lyciscas!
DEUXIÈME.

Lyciscas!

TROISIÈME.
Lyciscas!

TOUS TROIS ENSEMBLE.

Lyciscas!

Diables soient les brailleurs! Je voudrois que vous

eussiez la gueule pleine de bouillie bien chaude.

LYCISCAS.

TOUS TROIS ENSEMBLE.

Debout, debout;

Vite debout, dépêchons, debout.

Ah! quelle fatigue, de ne pas dormir son soul!

PREMIER.
Holà ! ho!

DEUXIÈME.

Hola! ho!
TROISIÈME.

Holà! ho!

TOUS TROIS ENSEMBLE.

Ho! ho! ho! ho! ho!

LYCISCAS. - Ho! ho! La peste soit des gens, avec leurs chiens de hurlemens! Je me donne au diable, si je ne vous assomme. Mais voyez un peu quel diable d'enthousiasme il leur prend, de me veni chanter aux oreilles comme cela. Je....

TOUS TROIS ENSEMBLE.
Debout.

LYCISCAS. · Encore?

-

TOUS TROIS ENSEMBLE.
Debout.

LYCISCAS. Le diable vous emporte!

TOUS TROIS ENSEMBLE.

Debout.

-

LYCISCAS, en se levant. Quoi! toujours? A-t-on jamais vu une pareille furie de chanter? Par la sambleu! j'enrage. Puisque me voilà éveillé, il faut que j'éveille les autres, et que je les tourmente comme on m'a fait. Allons, ho! messieurs, debout, debout, vite, c'est trop dormir. Je vais faire un bruit de diable partout. (Il crie de toute sa force.) Debout, debout, debout! Allons vite! ho! ho! ho! debout, debout! Pour la chasse ordonnée il faut préparer tout : debout, debout! Lyciscas, debout! Ho! ho! ho! ho! ho!

(Plusieurs cors et trompes de chasse se font entendre; les valets de chiens que Lyciscas a réveillés, dansent une entrée.)

ACTE PREMIER.

SCENE I. EURYALE, ARBATE:

ARBATE.

Ce silence rêveur, dont la sombre habitude
Vous fait à tous momens chercher la solitude;
Ces longs soupirs que laisse échapper votre cœur,
Et ces fixes regards si chargés de langueur,

Disent beaucoup, sans doute, à des gens de mon âge;
Et je pense, seigneur, entendre ce langage;
Mais, sans votre congé, de peur de trop risquer,
Je n'ose m'enhardir jusques à l'expliquer.

EURYALE.

Explique, explique, Arbate, avec toute licence
Ces soupirs, ces regards, et ce morne silence.

Je te permets ici de dire que l'amour

M'a rangé sous ses lois, et me brave à son tour;
Et je consens encor que tu me fasses honte

Des foiblesses d'un coeur qui souffre qu'on le dompte.

ARBATE.

Moi, vous blâmer, seigneur, des tendres mouvemens
Où je vois qu'aujourd'hui penchent vos sentimens !
Le chagrin des vieux jours ne peut aigrir mon âme
Contre les doux transports de l'amoureuse flamme;
Et bien que mon sort touche à ses derniers soleils,
Je dirai que l'amour sied bien à vos pareils;
Que ce tribut qu'on rend aux traits d'un beau visage,
De la beauté d'une âme est un clair témoignage,

Et qu'il est malaisé que, sans être amoureux,
Un jeune prince soit et grand et généreux.
C'est une qualité que j'aime en un monarque;
La tendresse du cœur est une grande marque,
Que d'un prince à votre âge on peut tout présumer,
Dès qu'on voit que son âme est capable d'aimer.
Oui, cette passion, de toutes la plus belle,
Traîne dans un esprit cent vertus après elle;
Aux nobles actions elle pousse les cœurs,

Et tous les grands héros ont senti ses ardeurs.
Devant mes yeux, seigneur, a passé votre enfance,
Et j'ai de vos vertus vu fleurir l'espérance;
Mes regards observoient en vous des qualités
Où je reconnoissois le sang dont vous sortez;
J'y découvrois un fonds d'esprit et de lumière;
Je vous trouvois bien fait, l'air grand, et l'âme fière;
Votre cœur, votre adresse, éclatoient chaque jour :
Mais je m'inquiétois de ne voir point d'amour;
Et, puisque les langueurs d'une plaie invincible
Nous montrent que votre àme à ses traits est sensible.
Je triomphe, et mon cœur, d'allégresse rempli,
Vous regarde à présent comme un prince accompli '.

EURYALE.

Si de l'amour un temps j'ai bravé la puissance,
Hélas! mon cher Arbate, il en prend bien vengeance!
Et, sachant dans quels maux mon cœur s'est abîmé,
Toi-même tu voudrois qu'il n'eût jamais aimé.
Car enfin, vois le sort où mon astre me guide :
J'aime, j'aime ardemment la princesse d'Elide;

Et tu sais que l'orgueil, sous des traits si charmans,
Arme contre l'amour ses jeunes sentimens,

Et comment elle fuit en cette illustre fête

Cette foule d'amans qui briguent sa conquête.

Ah! qu'il est bien peu vrai que ce qu'on doit aimer,
Aussitôt qu'on le voit, prend droit de nous charmer,
Et qu'un premier coup d'œil allume en nous les flammes
Où le ciel, en naissant, a destiné nos âmes!

A mon retour d'Argos, je passai dans ces lieux.
Et ce passage offrit la princesse à mes yeux;
Je vis tous les appas dont elle est revêtue,
Mais de l'œil dont on voit une belle statue.
Leur brillante jeunesse observée à loisir

1. Lorsque Molière écrivait cette tirade, Louis XIV était dans tout le feu de sa passion pour mademoiselle de La Vallière.

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