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MONSIEUR DE SOTENVILLE.

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Vous méritez, mon gendre, qu on vous dise ces choses-là; et votre procédé met tout le monde contre

vous.

-

MADAME DE SOTENVILLE. Allez, songez mieux traiter une demoiselle bien née; et prenez garde désormais à ne plus faire de pareilles bévues.

GEORGE DANDIN, à part.

lorsque j'ai raison.

J'enrage de bon cœur d'avoir tort,

SCENE VIII.

MONSIEUR DE SOTENVILLE, CLITANDRE,
GEORGE DANDIN..

CLITANDRE, à M. de Sotenville. Monsieur, vous voyez comme j'ai été faussement accusé : vous êtes homme qui savez les maximes du point d'honneur; et je vous demande raison de l'affront qui m'a été fait.

MONSIEUR DE SOTENville. Cela est juste, et c'est l'ordre des procédés. Allons, mon gendre, faites satisfaction à monsieur. GEORGE DANDIN. Comment! satisfaction?

MONSIEUR DE SOTENVILLE. Oui, cela se doit dans les règles, pour l'avoir à tort accusé.

GEORGE DANDIN. C'est une chose, moi, dont je ne demeure pas d'accord, de l'avoir à tort accusé; et je sais bien ce que j'en pense.

MONSIEUR DE SOTENVILLE.

Il n'importe. Quelque pensée qui

vous puisse rester, il a nié : c'est satisfaire les personnes; et l'on n'a nul droit de se plaindre de tout homme qui se dédit.

GEORGE DANDIN.

Si bien donc que, si je le trouvois couché

avec ma femme, il en seroit quitte pour se dédire. MONSIEUR DE SOTENVILLE. Point de raisonnement. Faites-lui les excuses que je vous dis.

GEORGE DANDIN. Moi! je lui ferai encore des excuses après!... MONSIEUR DE SOTENVILLE. Allons, vous dis-je; il n'y a rien à balancer; et vous n'avez que faire d'avoir peur d'en trop faire, puisque c'est moi qui vous conduis.

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MONSIEUR DE SOTENVILLE.

--

- Corbleu! mon gendre, ne m'échauffez pas la bile. Je me mettrois avec lui contre vous. Allons, laissez-vous gouverner par moi.

GEORGE DANDIN, à part.

xx

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MONSIEUR DE SOTENVILLE. Votre bonnet à la main, le premier; monsieur est gentilhomme, et vous ne l'êtes pas.

GEORGE DANDIN, à part, le bonnet à la main. — J'enrage!

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MONSIEUR DE SOTENVILLE. Je vous demande pardon.... (Voyant que George Dandin fait difficulté de lui obéir.) Ah!

GEORGE DANDIN.

Je vous demande pardon...

MONSIEUR DE SOTENVILLE. Des mauvaises pensées que j'ai eues de vous.

GEORGE DANDIN.

Des mauvaises pensées que j'ai eues de vous! MONSIEUR DE SOTENVILLE. C'est que je n'avois pas l'honneur de vous connoître.

GEORGE DANDIN. C'est que je n'avois pas l'honneur de vous connoître.

MONSIEUR DE SOTENVILLE. Et je vous prie de croire....
GEORGE DANDIN. Et je vous prie de croire....

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Que je suis votre serviteur.

-vous que je sois serviteur d'un

homme qui me veut faire cocu?

MONSIEUR DE SOTENVILLE, le menaçant encore. Ah!

CLITANDRE. Il suffit, monsieur.

MONSIEUR DE SOTENVILLE. - Non, je veux qu'il achève, et que tout aille dans les formes. Que je suis votre serviteur.

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tout mon cœur; et je ne songe plus à ce qui s'est passé. (A M. de Sotenville.) Pour vous, monsieur, je vous donne le bonjour, et suis fâché du petit chagrin que vous avez eu.

MONSIEUR DE SOTENVILLE.

Je vous baise les mains; et, quand il vous plaira, je vous donnerai le divertissement de courre un lièvre.

CLITANDRE. C'est trop de grâce que vous me faites (Clitandre sort.) MONSIEUR DE SOTENVILLE. Voilà, mon gendre, comme il faut pousser les choses. Adieu. Sachez que vous êtes entré dans une famille qui vous donnera de l'appui, et ne souffrira point que l'on vous fasse aucun affront.

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Ah! que je.... Vous l'avez voulu, vous l'avez voulu, George Dandin, vous l'avez voulu; cela vous sied fort bien, et vous voilà ajusté comme il faut vous avez justement ce que vous méritez. Allons, il s'agit seulement de désabuser le père et la mère; et je pourrai trouver peut-être quelque moyen d'y réussir.

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CLAUDINE. Oui, j'ai bien deviné qu'il falloit que cela vînt de toi, et que tu l'eusses dit à quelqu'un qui l'ait rapporté à notre

maître.

LUBIN.

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Par ma foi, je n'en ai touché qu'un petit mot, en passant, à un homme, afin qu'il ne dît point qu'il m'avoit vu sortir; et il faut que les gens, en ce pays-ci, soient de grands babillards! Vraiment, ce monsieur le vicomte a bien choisi son monde, que de te prendre pour son ambassadeur; et il s'est allé servir là d'un homme bien chanceux.

CLAUDINE.

LUBIN.

-

Va, une autre fois je serai plus fin, et je prendrai mieux garde à moi.

CLAUDINE. Oui, oui, il sera temps!

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Ne parlons plus de cela. Écoute.

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CLAUDINE. Hé bien! qu'est-ce?
LUBIN. Claudine?

CLAUDINE. Quoi?

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Hé! là! ne sais-tu pas bien ce que je veux dire?

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LUBIN.

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– Oui, le diable m'emporte! Tu me peux croire, puisque j'en jure.

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LUBIN. Je me sens tout tribouiller le cœur quand je te regarde.

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Comment est-ce que tu fais pour être si jolie?

- Je fais comme font les autres.

Vois-tu, il ne faut point tant de beurre pour faire un quarteron si tu veux, tu seras ma femme, je serai ton mari, et nous serons tous deux mari et femme.

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Tu serois peut-être jaloux comme notre maître? Point.

CLAUDINE. Pour moi, je hais les maris soupçonneux; et j'en veux un qui ne s'épouvante de rien, un si plein de confiance, et

MOLIÈRE II

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si sûr de ma chasteté, qu'il me vît sans inquiétude au milieu de trente hommes.

LUBIN.

Hé bien! je serai tout comme cela.

CLAUDINE. C'est la plus sotte chose du monde que de se défier d'une femme et de la tourmenter. La vérité de l'affaire est qu'on n'y gagne rien de bon cela nous fait songer à mal; et ca sont souvent les maris qui, avec leurs vacarmes, se font euxmêmes ce qu'ils sont.

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Hé bien! je te donnerai la liberté de faire tout ce qu'il

CLAUDINE. Voilà comme il faut faire pour n'être point trompé. Lorsqu'un mari se met à notre discrétion, nous ne prenons de liberté que ce qu'il nous en faut; et il en est comme avec ceux qui nous ouvrent leur bourse, et nous disent: Prenez. Nous en usons honnêtement, et nous nous contentons de la raison. Mais ceux qui nous chicanent, nous nous efforçons de les tondre, et nous ne les épargnons point.

LUBIN.

Va, je serai de ceux qui ouvrent leur bourse; et tu n'as qu'à te marier avec moi.

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Viens, te dis-je.

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CLAUDINE. Ah! doucement. Je n'aime point les patineurs.
LUBIN. Hé! un petit brin d'amitié!

CLAUDINE. Laisse-moi là, te dis-je; je n'entends pas raillerie. LUBIN. Claudine?

CLAUDINE, repoussant Lubin. Hai!

LUBIN.

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Ah! que tu es rude à pauvres gens! Fi! que cela est malhonnête de refuser les personnes! N'as-tu point de honte d'être belle, et de ne vouloir pas qu'on te caresse? Hé! là!

CLAUDINE. Je te donnerai sur le nez.

LUBIN.

Oh! la farouche! la sauvage! Fi! pouah! la vilaine, qui est cruelle !

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Tu t'émancipes trop.

Qu'est-ce que cela te coûteroit de me laisser un peu

Il faut que tu te donnes patience.

Un petit baiser seulement, en rabattant sur notre

Je suis votre servante.

Claudine, je t'en prie, sur l'et-tant-moins '.

1. En déduction; comme s'il disait : ce sera autant de moins à prendre après le mariage.

CLAUDINE.

--

Hé! que nenni! J'y ai déjà été attrapée. Adieu. Vat'en, et dis à monsieur le vicomte que j'aurai soin de rendre son billet.

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LUBIN.

- Adieu, rocher, caillou, pierre de taille, et tout ce qu'il y a de plus dur au monde.

CLAUDINE, seule. Je vais remettre aux mains de ma maîtresse.... Mais la voici avec son mari: éloignons-nous, et attendons qu'elle soit seule.

SCÈNE II.

GEORGE DANDIN, ANGÉLIQUE.'

GEORGE DANDIN.

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Non, non; on ne m'abuse pas avec tant de facilité, et je ne suis que trop certain que le rapport que l'on m'a fait est véritable. J'ai de meilleurs yeux qu'on ne pense, et votre galimatias ne m'a point tantôt ébloui.

SCENE III. · CLITANDRE, ANGÉLIQUE, GEORGE DANDIN.

CLITANDRE, à part, dans le fond du théâtre. - Ah! la voilà; mais le mari est avec elle.

GEORGE DANDIN, sans voir Clitandre. Au travers de toutes vos grimaces, j'ai vu la vérité de ce que l'on m'a dit, et le peu de respect que vous avez pour le nœud qui nous joint. (Clitandre et Angé lique se saluent.) Mon Dieu, laissez là votre révérence; ce n'est pas de ces sortes de respect dont je vous parle, et vous n'avez que faire de vous moquer. ANGÉLIQUE.

Moi! me moquer! en aucune façon.

GEORGE DANDIN.

Je sais votre pensée, et connois.... (Clitandre et Angélique se saluent encore.) Encore! Ah! ne raillons point davantage. Je n'ignore pas qu'à cause de votre noblesse, vous me tenez fort au-dessous de vous; et le respect que je veux dire ne regarde point ma personne. J'entends parler de celui que vous devez à des nœuds aussi vénérables que le sont ceux du mariage. (Angélique fait signe à Clitandre.) Il ne faut point lever les épaules, et je ne dis point de sottises.

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GEORGE DANDIN. - Mon Dieu! nous voyons clair. Je vous dis, encore une fois, que le mariage est une chaîne à laquelle on doit porter toute sorte de respect; et que c'est fort mal fait à vous d'en user comme vous faites. (Angelique fait signe de la tête à Clitandre.) Oui, oui, mal fait à vous; et vous n'avez que faire de hocher la tête, et de me faire la grimace.

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