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CHAPITRE II.

LIQUIDATION ET PARTAGE DES PRISES FAITES PAR LES CORSAIRES.

Dans ce chapitre, nous nous occuperons des prises faites par les corsaires. L'arrêté du 2 prairial an XI, sur la course, ne s'occupe que de ces prises. Dans un chapitre suivant, nous commenterons l'arrêté du 9 ventôse an IX, qui est relatif aux liquidations des prises faites par les bâtiments de la marine impériale.

SECTION Ire.

De la liquidation particulière ou provisionnelle.

Arrêté du 2 prairial an XI. ART. 89 et 90.

Arrêté du 2 prairial an XI.-ART. 89. Il devra être procédé à la liquidation particulière, dans le mois du jour du dépôt mentionné en l'article précédent, sans que l'arrêté de ladite liquidation puisse être suspendu sous prétexte d'articles qui ne seraient pas encore en état d'être liquidés, lesquels seront tirés pour mémoire, sauf à les comprendre ensuite dans la liquidation gé

nérale.

Il faut savoir que dans le langage des prises, les mots liquidation particulière veulent dire : liquidation provisionnelle. Notre article veut que dans le mois qui suit le dépôt du compte du produit de la prise on procède à la liquidation provisionnelle, c'est-à-dire que l'on règle ce qui restera du produit de la prise, après la déduction des frais, tant de garde que de justice. Ainsi, le compte déposé, on doit prélever les frais et déterminer la somme nette que les capteurs auront à se partager; c'est ce qu'on appelle faire la liquidation provisionnelle. On appelle aussi cette liquidation particulière, parce que la loi a prévu le cas où plusieurs prises seraient faites par le même corsaire, et qu'elle a pres

crit, qu'avant de faire la liquidation générale de toutes ces prises et de toutes les dépenses de l'armement, on ferait une liquidation particulière de chaque prise, pour que l'on pût prélever sur chacune les frais faits à son occasion. Les mots liquidation particulière servent à désigner la liquidation de la prise, par opposition aux mots liquidation générale, par lesquels on désigne la liquidation de l'armement.

Même arrêté. ART. 90. Les armateurs seront tenus de déposer au greffe du tribunal connaissant des matières de commerce du lieu de l'armement, une expédition de chaque liquidation particulière, aussitôt qu'elle leur sera parvenue, et au plus tard dans un mois de sa date.

Cet article 90 n'est que le corollaire et le complément de l'article 88 du même arrêté de prairial, dont nous venons de parler ci-dessus.

La loi procède de même; elle veut toujours que les intéressés à l'armement puissent avoir connaissance de toutes les pièces relatives aux prises faites par le corsaire, sans avoir besoin de s'adresser à l'armateur et de lui faire un procès en communication, si un refus était opposé à leur demande.

Il ne suffit pas aux armateurs de connaître ce qu'une prise a produit; il faut aussi, pour qu'ils puissent se rendre un compte exact des choses, qu'ils connaissent tous les frais et toutes les dépenses faits à l'occasion de cette prise; c'est pour cela que l'article 90 prescrit le dépôt au greffe du tribunal de commerce de chaque liquidation particulière.

SECTION II.

S 1er. Arrêté du 2 prairial.

De la liquidation générale.

ART. 91, 92, 62, 26 à 30. Du droit des équi

pages dans les prises. De la formation de la masse partageable. couragements à la course.

S 2. ART. 93. Du préciput du capitaine.

S 3. ART. 95. Du droit de la Caisse des invalides de la marine.

En

S 4. ART. 94, 96, 97 et 98. De diverses formalités relatives à la liquidation générale.

S 5. Du dixième de l'amiral.

$1er. Du droit des équipages dans les prises. — De la formation de la masse Encouragements à la course.

partageable.

Arrêté du 2 prairial.

ART. 91. Le tiers du pro

duit des prises qui auront été faites appartiendra à l'équipage du bâtiment qui les aura faites; mais le montant des avances qui auront été payées sera déduit sur les parts de ceux qui les auront reçues.

Lorsque la liquidation particulière a fait connaître la somme qu'il reste à partager, déduction faite des frais, on doit attribuer à chacun la part que la loi lui reconnaît. Notre article 91 et le suivant règlent les parts des équipages.

Sous l'empire de l'ordon. de 1681, les équipages pouvaient stipuler de gré à gré le montant de la part qui leur serait attribuée dans les prises, et faire sur ce point, avec les armateurs, un contrat de société. L'art. 33 de cette ordonnance ne fixait la part de l'équipage au tiers du produit des prises qu'en l'absence de toute stipulation à cet égard. << S'il n'y a aucun contrat de société, les deux tiers appar<< tiendront à ceux qui auront fourni le vaisseau avec les

munitions et victuailles, et l'autre aux officiers, matelots « et soldats. » Il résulte de la comparaison de ce texte avec celui de notre article 91, que la loi fixe maintenant d'une manière irrévocable la part des équipages à un tiers du produit des prises. Cet article 91 ne fait d'ailleurs que reproduire la disposition de l'art. 8 de l'ordon, du 25 novemb. 1693, qui, douze ans après la publication de l'ordonnance de 1681, avait déjà dérogé à l'art. 33, qui permettait à l'équipage de stipuler ses parts de prise. Cette ordonnance de 1693 avait déclaré que la part de chacun serait réglée à proportion de son mérite et de son travail. Voir ci-dessous les art. 99, 100 et 101.

Le partage n'a lieu entre les armateurs et l'équipage qu'après le prélèvement de certaines dépenses faites par les armateurs. Quelles sont ces dépenses?

[Dans l'opération à faire entre l'armateur et les gens de l'équipage, il ne doit nullement être question des frais

d'armement, de relâche et de désarmement du corsaire, quoiqu'on y ait égard pour régler la part des invalides; parce que, vis-à-vis de l'équipage, ce sont là des dépenses que l'armateur doit supporter en particulier, et que ce n'est qu'à raison de ces dépenses qu'il a les deux tiers dans les prises. Entre lui et l'équipage, il n'y a donc à lui allouer que les frais de décharge, de garde, et autres faits à l'occasion et pour la conservation de la prise, ensemble les frais de justice, tant pour la vente des marchandises et ce qui l'a précédée ou suivie, que pour la liquidation et le partage; après quoi tout ce qui reste de la prise doit être partagé, de manière qu'il y en ait un tiers pour l'équipage, sans que l'armateur puisse lui faire supporter aucune autre charge ni déduction que celle du rapport des avances faites sur ses parts de prise.

Cependant il faut excepter le cas où la prise aurait été obligée de relâcher, soit par mauvais temps, soit par la crainte de tomber au pouvoir des ennemis. On ne pourrait alors en effet se dispenser de passer en compte à l'armateur, les frais auxquels cette relâche aurait donné lieu; puisque, dans la réalité, ils auraient été faits à l'occasion et pour la conservation de la prise. Par la même raison, si le corsaire conduisant la prise avait relâché avec elle, et qu'à cette occasion le corsaire eût fait quelques dépenses de plus qu'il n'aurait fait sans cela, il serait juste tout de même d'en tenir compte à l'armateur sur le produit de la prise.]

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Arrêté du 2 prairial. ART. 92. Les équipages des bâtiments armés en guerre et marchandises, n'auront que le cinquième des prises, et il ne leur sera fait aucune déduction pour les avances comptées à l'armement, ou pour les mois payés pendant le cours du

voyage.

D'après l'art. précédent on déduit aux équipages des corsaires les avances qui leur ont été faites, et on retient ces avanecs sur leurs parts de prises. Notre art. 92 dit qu'on ne fera pas de déduction semblable pour les équipages des

navires armés en guerre et en marchandises. Voici la raison de cette différence: Le but d'un corsaire c'est de faire des prises; lorsque l'armateur a fait des avances à son équipage, il a eu en vue les prises futures, et il a pensé qu'il serait payé de ses avances sur les parts de prises revenant à l'équipage. Le but principal d'un navire armé en guerre et en marchandises est de faire le commerce; il est vrai qu'il peut aussi faire des prises, mais ce n'est là qu'un accessoire ; aussi l'armateur qui fait des avances à l'équipage d'un tel navire, n'a pas dû compter, pour s'en récupérer, sur les parts de prises de l'équipage. Voilà pourquoi on ne déduit pas les

avances.

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Arrêté du 2 prairial an XI. — ART. 62. Si le chef conducteur d'un navire pris fait dans sa route quelques autres prises, elles appartiendront à l'armement dont il fait partie, ou à la division à laquelle il est

attaché.

La masse à partager entre les hommes qui forment l'équipage d'un corsaire se compose non-seulement des prises qui sont faites par tout cet équipage présent sur le navirecorsaire, mais encore de toutes celles qui sont faites par des détachements de cet équipage. Si, en effet, le corsaire se dédouble, pour ainsi dire, et s'il envoie une partie de son équipage à la découverte sur une chaloupe, que l'on appelle alors la mouche du corsaire, et si cette mouche fait une prise, elle sera partagée entre tous les hommes de l'équipage, sans que l'on fasse aucune distinction entre ceux qui étaient restés sur le corsaire et ceux qui montaient la mouche. Sans cette disposition, la discipline et la subordination ne seraient pas possibles à bord; chaque matelot voudrait aller là où il espère qu'une prise serait faite. Si on espérait que la mouche ferait une prise, tout le monde se précipiterait dans la chaloupe pour avoir part à la prise; si, au contraire, on pensait que le navire ferait une prise en l'absence de la mouche, tout le monde voudrait rester à bord. Au moyen du partage égal des prises entre tous les hommes de l'équipage

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