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dans le passe-port le nom du propriétaire ou des propriétaires du navire, et qu'il suffit que le navire soit indéfiniment déclaré propriété américaine;

« 3° Qu'on n'a pas besoin de remonter à l'origine des marchandises pour en prouver la neutralité; que cela n'avait été exigé que par la loi du 29 nivôse, et que, d'ailleurs, on ne pouvait abuser de l'aveu fait qu'une partie de sucre en boucauts provenait de l'île de la Trinité, tombée dans la possession des Anglais, attendu qu'on ne pourrait regarder comme possession anglaise une île occupée accidentellement, en vertu du droit de la guerre, et de laquelle les sucres auraient pu être extraits avant cette occupation;

4° Qu'il est dit, dans les règlements, qu'un passe-port ne peut servir que pour un voyage; mais qu'il n'est dit nulle part qu'on ne puisse se servir pour plusieurs voyages d'un même rôle d'équipage.

Telles sont les défenses respectives des parties.

«Il est de principe que la propriété neutre du navire et de la cargai son doit être prouvée, et que cette preuve est à la charge du capturé. C'est une autre vérité que la preuve de la propriété neutre a été déterminée par les règlements.

Dans l'hypothèse présente, la neutralité du navire le Républicain et de sa cargaison est-elle constatée ?

« Je ne m'arrête point à l'objection déduite de ce que le changement de propriété du navire, qui, dit-on, appartenait autrefois à des propriétaires autres que les propriétaires actuels, n'est point prouvé par des actes authentiques. Je conviens, d'après le règlement de 1778, qu'une telle précaution ne serait nécessaire que dans le cas du navire originairement de construction ou de propriété ennemie.

Je ne m'arrêterai pas non plus à la circonstance que le nom du propriétaire ou des propriétaires du navire n'est point spécifiquement désigné dans le passe-port. Le traité de 1778, passé entre la France et les Etats-Unis d'Amérique, exige seulement que le navire soit reconnu propriété américaine, sans une désignation particulière du nom du propriétaire. Mais je découvre dans le passe-port un vice qui m'a paru essentiel.

« Le capturé avoue, dans le mémoire manuscrit qui m'a été remis, que le capitaine, avant son départ, doit prêter serment entre les mains des officiers de marine, que le navire appartient à un ou plusieurs sujets des Etats-Unis, sans autre désignation: il avoue encore que, par la formule annexée au traité de 1778, cette affirmation assermentée doit être à la suite du passe-port.

« Or, j'ai vérifié qu'à la suite du passe-port dont le capturé était porteur, il n'existe qu'une déclaration d'affirmation sans aucune signature, ni de l'officier public devant lequel l'affirmation assermentée a dû être faite, ni de la partie même qui est censée avoir prêté le serment. On ne s'est donc point conformé au traité de 1778.

« Un acte n'est rien, s'il n'est signé.

C'est la signature qui fait tout. Jusque-là, je vois moins un acte qu'un simple projet, c'est-à-dire une rédaction qui n'a été ni précédée ni suivie d'aucun effet réel. Je suis donc autorisé à conclure que l'affirmation assermentée, prescrite par le traité de 1778, n'a point été faite.

« Le traité de 1778, dit-on, n'a point prescrit les formalités du passeport à peine de nullité, mais seulement dans l'objet d'arrêter et de prévenir de part ou d'autre toutes dissensions et querelles.

Le vice que j'ai découvert dans le passe-port du navire le Républieain ne tient pas uniquement à la forme de l'acte, il tient à sa substance; car un acte non signé n'existe pas. Dans un cas pareil, la nullité n'a pas besoin d'être prononcée par la loi à titre de peine, elle est inhérente à la chose même.

< Vainement objecterait-on qu'un acte nul prouve toujours la bonne foi de celui qui en est porteur, puisqu'il prouve au moins le désir que l'on avait de se le procurer.

Cela est vrai quand l'acte n'est qu'irrégulier. Mais la thèse change, s'il s'agit d'un acte imparfait et non consommé. Un tel acte, n'ayant aucune existence, ne peut produire aucun effet.

On prétend que la seule nullité du passe-port ne peut entraîner la confiscation, si d'ailleurs la propriété neutre est constatée par les autres pièces.

Je conviens du principe général; mais je crois que ce principe doit être expliqué avec discernement.

Il n'est exactement et rigoureusement vrai que lorsqu'il n'est question que d'une nullité extrinsèque à l'acte, c'est-à-dire d'une nullité qui ne peut faire suspecter la foi de la personne. Dans la cause actuelle, le défaut de signature de l'officier public et de la partie est de nature à faire présumer qu'on n'a osé affirmer à serment la neutralité du navire. Ce défaut n'influe pas seulement sur le plus ou sur le moins de solennité de l'acte; il emporte l'acte même, et il fait suspecter la bonne volonté de celui qui était tenu de le rapporter.

Du reste, le passe-port n'est pas la seule pièce que l'on soit en droit de censurer. On n'a trouvé sur le navire le Républicain d'autre rôle d'équipage que celui qui avait déjà servi pour un voyage précédent.

« Je sais que, s'il faut en croire le capturé, on ne doit pas raisonner sur le rôle d'équipage comme l'on est fondé à raisonner sur le passeport. Par les règlements, dit-on, un passe-port ne peut servir que pour un voyage. Mais nous ne voyons pas que le rôle d'équipage ait été soumis à la même règle.

Je réponds que l'art. 9 du règlement du 26 juillet 1778 porte: «Seront de bonne prise, tous bâtiments étrangers... qui n'auront pas à « bord un rôle d'équipage arrêté par les officiers des lieux neutres d'où a les bâtiments seront partis. » Il est impossible de ne pas voir dans cette disposition la nécessité d'avoir, pour chaque voyage, un rôle d'équipage arrêté par les officiers publics du lieu du départ.

On allègue que le lieu du départ a été le même dans le premier et dans le deuxième voyage, et qu'il n'y a point eu de changement dans les hommes de l'équipage.

« Je réponds que, si le lieu du départ a été le même dans les deux voyages, il aurait pu être différent. Donc, quand les règlements ont voulu qu'il y eût à bord des bâtiments étrangers un rôle d'équipage arrêté par les officiers publics des lieux neutres d'où ces bâtiments sont partis, ils ont nécessairement supposé qu'à chaque voyage il faut un rôle d'équipage arrêté par les officiers publics du lieu d'où l'on est parti. Car les mots des lieux neutres d'où les bâtiments seront partis ne peuvent s'entendre que des lieux du départ où commence le voyage auquel on a appliqué le rôle d'équipage que l'on est tenu d'avoir à bord.

« On peut partir deux fois du même lieu pour deux voyages différents. Mais chaque voyage suppose un départ à des époques différentes; chaque voyage suppose encore un nouvel engagement de la part des

hommes qui composent l'équipage. Donc, à chaque voyage, il faut un rôle arrêté par les officiers publics du lieu du départ : telle est la lettre et l'esprit des règlements.

«S'il en était autrement, quelle certitude aurait-on que les hommes de l'équipage sont les mêmes ?

« Dira-t-on qu'il faudrait prouver que ce sont d'autres hommes ? Mais la preuve de la neutralité est à la charge du capturé, et non à la charge du capteur. La preuve que l'équipage est neutre doit résulter du rôle d'équipage. Tout peut avoir été neutre dans un voyage et ne l'être pas dans un autre. Dans chaque voyage, on doit justifier de la neutralité. Il faut donc, à chaque voyage, se munir des pièces de bord indiquées par les règlements pour la constater. Donc, un rôle d'équipage arrêté pour un premier voyage ne peut servir que pour ce voyage, et ne saurait être utilement appliqué à un autre. Faire une telle application, c'est se rendre suspect de fraude, c'est annoncer qu'on avait quelque intérêt à ne pas représenter les hommes que l'on prenait à bord. Un simple défaut de forme dans un rôle d'équipage n'en prouverait que l'irrégularité. Mais l'application insolite et insidieuse d'un ancien rôle d'équipage à un voyage nouveau fait justement suspecter la foi de celui qui se sert d'une telle pièce.

Allons plus loin; voici ce que nous lisons à la tête du rôle d'équipage : Rôle d'équipage du navire le Républicain, de Baltimore, dont James Simpson est capitaine, destiné à un voyage du port de Baltimore en Maryland à Rotterdam. Le rôle d'équipage avait donc son application limitée à un voyage de Baltimore à Rotterdam. Le capturé était donc averti, par la pièce même dont il était porteur, qu'il devait se munir d'un nouveau rôle d'équipage, s'il entreprenait un nouveau voyage.

« Il était averti qu'un rôle d'équipage destiné à un voyage de Baltimore à Rotterdam ne pouvait lui servir pour un second voyage de Baltimore à Falmouth.

« Il ne doit point y avoir de contradiction entre les pièces de bord, surtout sur un point aussi important que celui de la destination du navire. Or, le rôle d'équipage dont il s'agit, et qui avait été fait pour un voyage de Baltimore à Rotterdam, ne s'accorde plus avec le passe-port du deuxième voyage de Baltimore à Falmouth.

« Ce n'est pas tout, en confrontant les pièces des deux voyages, on découvre de nouvelles raisons de suspecter le capturé. Dans le passe-port du premier voyage, pour lequel le rôle d'équipage avait été expédié, on trouve l'énonciation du nombre des hommes mentionnés sur ce rôle. On ne retrouve plus la même énonciation dans le passe-port du deuxième voyage, pour lequel on veut se servir du même rôle d'équipage. Pourquoi cette différence dans la rédaction des deux passe-ports? Dans le premier, on s'était conformé sur ce point au traité de 1778. Pourquoi ne s'y conforme-t-on pas dans le deuxième ?

« Je pourrais me dispenser, après cette discussion, d'entrer dans d'autres détails. Mais je dois faire observer au Conseil que le navire et la cargaison étaient destinés pour Falmouth, c'est-à-dire pour un port anglais; et que, de l'aveu du capitaine lui-même, partie des sucres en boucauts étaient du cru de l'île de la Trinité, tombée sous la domination anglaise.

«Sans doute un neutre peut aller dans un port ennemi non bloqué. Mais la destination pour port ennemi est une circonstance extrêmement grave, quand le prétendu neutre manque, d'ailleurs, des principales

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pièces de bord, ou que celles qu'il exhibe sont essentiellement vicieuses. « L'origine anglaise d'une partie des sucres est constatée par la propre déclaration du capitaine du navire le Républicain. On voudrait corriger cette déclaration en soutenant que l'ile de la Trinité est espagnole, et qu'elle ne pourra être regardée comme possession anglaise que, lorsque par un traité de paix, elle aura été reconnue devoir appartenir aux An-/ glais, qui, jusqu'ici, ne l'occupent qu'accidentellement, par le droit de la guerre. Mais ces objections ne sont pas imposantes. Il ne s'agit pas ici d'examiner si les Anglais sont légitimes possesseurs de l'ile de la Trinité, ou s'ils le seront toujours. Il suffit qu'ils possèdent cette île, pour que les productions qui y naissent soient actuellement en leur pouvoir. Si c'est accidentellement et par le droit de la guerre qu'ils occupent l'île de la Trinité, c'est aussi par une suite de la guerre que l'on s'empare de ce qu'ils occupent bien ou mal à propos.

Dire que les marchandises dont il s'agit ont pu être extraites de l'île de la Trinité avant la possession des Anglais, c'est dire une chose inutile. L'origine de ces marchandises est convenue, et l'époque à laquelle on suppose qu'elles ont passé dans des mains neutres n'est ni convenue, ni prouvée.

« On objecte qu'il ne faut point avoir égard à l'origine d'une marchandise, mais simplement à la qualité de son propriétaire actuel, et que l'on ne doit plus être régi, à cet égard, par la loi abrogée du 29 nivôse. Mais en laissant à l'écart cette loi, sur laquelle nous n'avons pas besoin, pour le moment, de nous expliquer, le capturé ne saurait jamais se soustraire à l'ensemble des faits qui l'accablent. Point de passe-port, ou ce qui est pire, passe-port demeuré aux termes d'un simple projet; point de rôle d'équipage pour le voyage actuel, et application frauduleuse à ce voyage d'un ancien rôle, évidemment suranné, et littéralement destiné pour un voyage précédent; contradiction entre les pièces trouvées à bord; marchandises extraites d'une possession anglaise; destination du navire et de la cargaison pour un port anglais. Dans un pareil concours de circonstances, peut-on dire que la neutralité soit prouvée ? Tout n'annoncet-il pas, au contraire, la propriété ennemie ?

Par ces considérations, je conclus à la confirmation du jugement rendu par le tribunal civil de la Loire-Inférieure, et confirmatif de celui du vice-consul de Corogne.

« Signé : PORTALIS. »

Le CONSEIL, conformément aux conclusions du commissaire du gouvernement et aux jugements rendus par le vice-consul chargé des affaires du consulat de la République française en Galice, résidant à la Corogne, et par le tribunal civil du département de la Loire-inférieure, des 8 pluviôse an VII, et 25 fructidor an VII,

Décide que la prise du navire le Républicain et de son chargement est bonne et valable; en conséquence, adjuge au profit de Philippe Vandohren, armateur, et de l'équipage du corsaire le Spartiate, tant ledit navire le Républicain, ses agrès et apparaux, appartenances et dépendances, que toutes les marchandises de son chargement.

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Lorsque des sujets d'un Etat neutre se prétendent propriétaires de navires originairement ennemis, il faut que les actes de vente qu'ils produisent soient authentiques et uient été passés devant les officiers publics, pour qu'il soit certain que la vente est antérieure au commencement des hostilités.

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VAN-TUNGELN et COMPAGNIE.

NAPOLÉON, etc.; - Vu la requête présentée par les sieurs VanTungeln et compagnie, négociants à Varel, dans la principauté de Kniphausen, tendant à obtenir la réformation d'une décision du Conseil des prises, en date du 4 mars 1807, qui prononce la confiscation des quatre navires dont les exposants réclament la propriété; le mémoire fourni par les sieurs Van-Tungeln et compagnie, dans leurs défenses au Conseil des prises; la décision du Conseil des prises, en date du 4 mars 1807; Considérant que les actes en vertu desquels les sieurs Van-Tungeln et compagnie, négociants à Varel, se prétendent propriétaires de quatre navires condamnés, comme les ayant achetés du sieur Krause, Prussien, portent tous les caractères de la fraude et de la simulation; qu'ils sont passés par un particulier se disant vendeur, et que le pouvoir n'est ni daté ni énoncé dans le contrat; que la date de ces contrats est fort incerlaine, attendu que la signature du juge de paix de Varel, qui y est apposée avec son sceau, semble ne pas se référer au contenu des actes, mais être une simple légalisation, sans date, de la signature des contractants; qu'en admettant comme authentiques des actes dont la forme prête tant à la fraude, il faudrait, pour qu'ils pussent préserver les navires de la confiscation, qu'ils eussent été enregistrés dans un lieu quelconque, suivant que l'exige l'art. 7 du règlement du 26 juillet 1778, tandis que les actes présentés ne font mention d'aucun enregistrement; -Considérant enfin que, d'après toutes ces circonstances réunies, il est impossible de ne pas regarder comme prussiens les quatre navires réclamés par les sieurs Van-Tungeln et compagnie, et, par conséquent, de ne pas leur appliquer les dispositions de notre décret du 6 octobre 1806'. La requête présentée par les sieurs Van-Tungeln et compagnie est rejetée, etc. >>

CONSEIL D'ÉTAT. 24 avril 1808.

-

Un navire d'origine ennemie ne peut être revendiqué par un neutre qu'autant que l'acquisition, par lui alléguée, serait prouvée par pièces authentiques antérieures au commencement des hostilités avec le prince dont le vendeur du navire est sujet. Les pièces doivent de plus avoir été enregistrées par un officier public.

LE CARL-LUDWIG.

Les sieurs Siefken et compagnie, négociants à Varel, pays de Kniphausen, réclamaient devant le Conseil d'Etat le navire le Carl-Ludwig, confisqué par une décision du Conseil des prises, du 11 mars 1807.

Ce décret du 6 octobre 1806 prescrivait de courir sus aux navires prussiens. C'était avant la guerre d'Iéna.

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