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cristaux, des mets choisis, de bon pain blanc, des vins de bon choix, tandis qu'aux tables destinées au commun des sans-culottes, on devait se contenter de pain presque noir, de piquette contenue dans des bidons auxquels on appliquait les lèvres à tour de rôle, et de vulgaires salmigondis remplissant d'immenses gamelles, où beaucoup de convives, dédaignant les fourchettes de bois ou de fer mises à leur disposition, puisaient souvent d'une façon peu conforme à la civilité et à la propreté. Pendant le repas, il arriva plus d'une fois au menu peuple, au frétin des sans-culottes, de jeter un coup d'œil d'envie sur la table des hauts fonctionnaires, et de se demander si l'égalité n'avait pas été un peu oubliée dans cette circonstance; mais personne n'osa en faire tout haut la réflexion.

Malgré cela, on fit largement honneur au festin offert par la municipalité. Les bidons, toujours généreusement remplis, furent trèssouvent vidés, de sorte qu'au moment de quitter la table, bon nombre de sans-culottes, tout en ayant célébré de leur mieux la fête de la Raison, se trouvèrent avoir fèté plus chaudement encore celle de l'Intempérance.

Quand on eut bien mangé, bien bu, quand beaucoup de convives eurent laissé tout ou par

tie de leur raison au fond des pots, on dansa la carmagnole au son de la musique militaire ; on écouta ou on n'écouta pas un Discours aux Nations, en vers, par le citoyen L...; on chanta un hymne à la Raison, composé par le citoyen P. A. V...; une ronde sur l'air de la carmagnole, et un hymne aux grands hommes; et, pour clore la fête, on s'en alla planter, devant la porte du temple, un arbre de liberté.

Nous avons lu en entier le procès-verbal officiel de la fête, et nous avons été fort surpris du silence que l'on y garde au sujet de la Déesse de la Raison. Il est certain, cependant, et le fait a été attesté par des témoins oculaires, qu'une déesse figura dans la cérémonie. La personne qui consentit à jouer ce personnage fut une dame de Tours, remarquable par sa beauté. Par égard pour une famille des plus honorables de nos contrées, nous croyons devoir taire le nom de cette illustration allégorique, que nous retrouverons, représentant la Liberté, dans une autre fête de la République, celle de l'Etre suprême, dont il va être question dans le chapitre suivant.

XVII.

Fête de l'Être suprême à Tours. — Fête de l'Unité et de l'Indivisibilité de la République, à Tours, à Langeais et au Grand-Pressigny.

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Décadence des fêtes

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Admirons l'extrême mobilité des révolutionnaires en matière d'idées philosophiques et religieuses: Le 20 frimaire, an II (10 décembre 1793), nous les avons entendu renier Dieu; nous les avons vu protester contre son existence, dans l'ignoble comédie qu'ils ont appelée Fête de la Raison. Puis, quelques mois après, ils daignent reconnaître l'existence d'un être suprême et proclamer l'immortalité de l'âme. Ce changement à vue fut l'œuvre de Robespierre et de la Convention nationale.

Le 7 mai 1794, la Convention, sur la proposition de Robespierre, rendit le décret suivant :

Art. 1er.-Le peuple français reconnait l'existence de l'Être suprême et l'immortalité de

l'âme.

Art. 2. Il reconnaît que le culte le plus digne de l'Etre suprême est la pratique des devoirs de l'homme.

D'autres articles portaient que la liberté des cultes était maintenue; que des fêtes civiques seraient instituées pour encourager les citoyens à la pratique des vertus, et qu'une fête solennelle aurait lieu dans toute la France, le 20 prairial, an 2 (8 juin 1794), en l'honneur de l'Etre suprême.

Le décret fut connu à Tours, le 10 mai. L'administration d'Indre-et-Loire le déclara sublime, et chargea une députation d'aller exprimer à la vénérable Convention nationale les remerciements qu'un acte de si haute sagesse méritait.

Nous avons sous les yeux un procès-verbal qui va nous apprendre comment la fête de l'Être suprême fut célébrée à Tours:

« Le retour de la lumière, dit ce procès-verbal, est annoncé par les sons guerriers des trom

dettes et des tambours. Tous les Français émus se réveillent; ils sentent leur âme s'élancer vers la divinité. Il n'est plus de distinction de maître et de domestique: c'est le jour de la fraternité, c'est la fête de la nature. Les pères se pressent autour de leurs enfants chéris; tous les individus de la grande famille s'unissent, et dans leurs embrassements ils honorent l'Être suprême qui les fit tous égaux. Ils lui rapportent en pensée leur bonheur, leurs désirs, leurs espérances. Le célibataire isolé sent le besoin de dire à quelqu'un : « C'est aujourd'hui la fête de l'Étre suprême et de la Nature...>>

A sept heures du matin, le peuple, toutes les autorités, se rassemblent sur le mail Preuilly. « Le peuple est grand, majestueux..... Mais le peuple aime l'ordre et la décence; il distingue en ce jour les objets de son respect et de son affection. Les femmes enceintes et les mèresnourrices y trouvent des siéges; les adolescents les entourent. Les mères, tenant par la main leurs jeunes filles couronnées de roses et qui portent des corbeilles de fleurs, sont auprès; puis viennent les jeunes gens âgés de quinze à dixhuit ans, les yeux et le cœur enflammés du désir de plaire; les pères, accompagnés de leurs jeunes fils; les vieillards, etc.... >>

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