Images de page
PDF
ePub

GUIDE

DIPLOMATIQUE.

CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES

SUR L'ÉTUDE DE LA DIPLOMATIE(').

La diplomatie, traitée théoriquement, peut être ramenée à des principes fixes, parce qu'elle est fondée sur des préceptes plus ou moins positifs, et qu'elle a

(1) La diplomatie, ou l'art d'ordonner, de diriger et de suivre, avec connaissance de cause, les négociations politiques, diffère de la diplomatique, en ce que cette dernière a pour objet la connaissance des chartes, des diplômes, leur authenticité, leur importance et leur âge. Le comte de GARDEN, dans sou Traité complet de diplomatie, donne de la diplomatie la définition suivante: « Elle embrasse, dit» il, le système entier des intérêts qui naissent des rapports établis

un objet précis et distinct, celui de régler les rapports qui existent ou doivent exister entre les divers États : dans son acception la plus étendue, c'est la science des relations extérieures ou affaires étrangères des États, et, dans un sens plus déterminé, la science ou l'art des négociations. La diversité et la mobilité de ces rapports dépendent de la formation et de l'origine des États, des principes constitutifs des gouvernements, de l'appréciation de leur puissance, réelle ou présumée, des variations de leur position relative, de leurs affinités, de leurs discordances, de la vicissitude des événements, etc., etc. Or, toutes ces données reposent sur autant de faits, dont la recherche, la comparaison et l'enchaînement peuvent très-bien devenir un objet d'étude; et les nombreux ouvrages historiques, les collections de mémoires, de traités et de correspondances diplomatiques, sont autant de moyens d'instruction qui ne laissent que l'embarras du choix à celui qui se voit appelé à prendre part aux négociations et aux affaires.

Quant à la diplomatie pratique, on ne saurait se dissimuler que, dans un grand nombre de cas, l'expérience doit suppléer à l'insuffisance des préceptes établis par la théorie. Les mêmes événements se reproduisent, il est vrai, à des époques différentes, et les mêmes sujets de discussion occupent, tantôt successivement et tantôt simultanément, des hommes que les temps et les

» entre les nations: elle a pour objet leur sûreté, leur tranquillité, >> leur dignité respectives; et son but direct, immédiat, est, ou dait » être au moins, le maintien de la paix et de la bonne harmonie » entre les puissances. D

lieux séparent; mais la diversité des incidents, les circonstances soudaines et imprévues, le caractère des acteurs, la différence des mœurs, des intérêts et des vues, changent si complétement et si subitement l'aspect des affaires, que les mêmes sujets présentent, au moment où l'on s'y attend le moins, une dissemblance frappante; les exemples qu'on avait choisis pour guides cessent de fournir une ligne de conduite, et aucune règle ne peut plus s'appliquer rigoureusement à l'objet de la discussion. Les motifs déterminants ne se trouvent, dès lors, que dans la connaissance pleine et entière de toutes les circonstances où l'on est engagé, et dans la prévoyance des événements plus ou moins probables qui peuvent les modifier ou les changer (').

Toutefois, on ne doit pas conclure de ces difficultés que la diplomatie, considérée comme science, ne puisse devenir un objet d'étude. Cette science ne peut être assujettie à des règles fixes; mais ses procédés ont des formes qu'il faut connaître dans toutes leurs variétés ; ces formes sont les notes, les offices, les actes qui, sous diverses dénominations, servent à la correspon

(1) Les différentes parties de la diplomatie doivent être envisagées de deux points de vue principaux l'un positif, fondamental, et fixe; l'autre abstrait, hypothétique, variable, et qui est uniquement du ressort de la politique: celle-ci, soumise à la mobilité des circonstances, est au-dessus de toute théorie; qu'elle s'applique à l'administration intérieure ou aux intérêts du dehors, l'expérience, seule, est son guide. On ne devient homme d'État, ministre habile; en un mot, on n'apprend à gouverner que par le maniement des affaires dans cette carrière aussi vaste qu'imposante, c'est l'étude de la scène du monde qui féconde le génie. (Comte de GARDEN.)

:

Voy. T. II, chap. IV (texte).

dance et aux communications établies entre les gouvernements et leurs agents au dehors, et qui sont, en même temps, les instruments de leurs rapports et les titres de leurs engagements respectifs. Il faut s'habituer à leur usage; il faut apprendre à les comparer, à y chercher des modèles; il faut acquérir le talent et la facilité d'en faire une rédaction soignée; il faut, enfin, savoir quelles nuances ces écrits peuvent et doivent admettre selon les lieux, les temps et les personnes. Les exemples du passé ne sont pas toujours applicables à la circonstance dans laquelle on se trouve. Les exemples cependant sont toujours le plus grand et le plus sûr de tous les moyens d'instruction. Les passions ont toujours été en lutte pour les mêmes objets, pour le même but, pour les mêmes intérêts; elles ont de tout temps mis en jeu les mêmes ressorts. (Voy. T. II, chap. II, Iv et vi.)

En examinant avec attention les documents où sont consignés les détails et la marche des discussions et des événements diplomatiques, la sagacité s'exerce à en pressentir l'issue; on apprend à mesurer les obstacles, à prévoir les dangers, et on se forme ainsi une expérience pour ainsi dire théorique, qui, en nous instruisant par les erreurs d'autrui, nous préserve du malheur de nous éclairer par nos propres fautes (').

La science diplomatique, malgré son importance, n'a pas toujours été suffisamment cultivée; si quelques agents politiques se sont livrés aux études qu'elle

(') Voy. Comte d'HAUTERIVE, Conseils à un élève du ministère des affaires étrangères de France.

exige, d'autres sont entrés dans la carrière sans connaissances préalables, ou se sont bornés à parcourir trèssuperficiellement les ouvrages qui traitent du droit des gens et de l'histoire des principales négociations.

C'est une grande erreur de croire qu'il suffise, en diplomatie, du simple bon sens pour réussir; ceux qui le présument se seront fait illusion en voyant quelques affaires conduites avec succès par des hommes qui ne se sont pas élevés au-dessus des notions vulgaires; mais quand les matières se compliquent et que les aperçus deviennent plussubtils, il ne suffit plus des simples lumières que fournit le bon sens naturel pour trouver la solution des questions proposées. On se tromperait également en pensant qu'on peut se former par la pratique seule. L'agent diplomatique, dès l'instant qu'il entre en fonctions, se trouve aux prises avec les faits et les choses de forme du moment. Il n'a plus guère le temps d'étudier, ni de faire de longues recherches pour approfondir les questions. Les faits qui passent sous ses yeux ne font que charger sa mémoire sans éclairer son jugement s'il ignore à quels principes ils se rapportent, et quelles sont les déductions raisonnables qu'il peut en tirer. L'expérience est sans contredit le fruit de la pratique ; mais pour qu'on puisse l'utiliser il faut qu'elle soit appuyée sur la théorie (1).

(1) Au moment de traiter une affaire, de prendre une détermination, les points les plus importants sont la recherche de la règle de décision, et la connaissance précise du genre de droit où cette règle se trouve établie. Pour les administrations civiles, judiciaires, militaires ou financières, ce double but est facile à atteindre; le service de ces administrations est, en toutes choses, réglé, rigé, déterminé par des ordonnances; il n'en est pas ainsi pour le

di

« PrécédentContinuer »