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cielles (nous ne parlons ici que de celles-là) ont été confiées : il est douteux toutefois que cette circonstance, tout à fait exceptionelle, pût se renouveler dans l'état actuel des mœurs et de la civilisation (').

(') Renée du Bec, veuve du maréchal de Guébriant, a été revêtue du caractère d'ambassadrice; elle fut accréditée en cette qualité, en 4646, par Louis XIV, durant la régence de sa mère, auprès de Wladisław IV, roi de Pologne. D'autres femmes, avant elle, avaient rempli des fonctions diplomatiques: la mère de François Ier, par exemple, et l'archiduchesse des Pays-Bas, qui, en qualité de plénipotentiaires, négocièrent le traité de Cambray, appelé la paix des dames. — Mais le cas le plus célèbre est celui du chevalier d'Éon de Beaumont, ou, comme on l'a souvent nommé, la chevalière d'Éon, qui pendant près d'un demi-siècle resta une sorte de problème. Charles-Geneviève-LouisAuguste-André-Timothée d'Éon de Beaumont, né à Tonnerre en Bourgogne, le 7 octobre 1728, après avoir servi avec distinction dans les armées de Louis XV, fut employé en qualité d'agent secret de ce monarque à Pétersbourg, et ensuite à Londres. Lors de la mission du duc de Nivernais en Angleterre, il accompagna ce ministre en qualité de secrétaire d'ambassade, et sut se rendre si agréable à la cour de Londres que le gouvernement anglais le choisit, contre tout usage, pour porter en France la ratification du traité de paix, ce qui lui valut la croix de Saint-Louis. Nommé plus tard ministre plénipotentiaire à la même cour, il fut destitué bientôt après, pour avoir indiscrètement fait imprimer, lors de sa dispute avec l'ambassadeur M. de Guerchy, des lettres et mémoires concernant son ministère; il obtint néanmoins, en 1766, une pension de 12,000 livres. Dans le but d'éviter un éclat entre le fils de M. de Guerchy et le chevalier d'Éon, et pour se conserver en Angleterre un observateur habile, Louis XV enjoignit au chevalier de reprendre les habits de son sexe. D'Éon obéit. De retour en France, sous Louis XVI, il continua de toucher la pension qui lui avait été accordée, et reçut la permission de porter la croix de Saint-Louis avec ses habits féminins. Au commencement de la première révolution française, la chevalière demanda, par une pétition à l'Assemblée nationale, de reprendre son rang dans l'armée, en disant que « son cœur se révoltait contre sa coiffe et ses » jupes. » Le rôle brillant que cet être singulier joua dans des missions délicates, et au milieu de tant de circonstances contraires, a

§ 10.

Des différents genres de missions diplomatiques.

Les missions diplomatiques se divisent en missions ordinaires, extraordinaires, et secrètes.

Ces diverses missions peuvent être remplies par une même personne, ou par plusieurs envoyés à la fois; mais il est plus ordinaire, depuis l'établissement des missions fixes, qu'elles soient confiées aux soins d'un seul ministre.

Elles peuvent être suspendues, ou se terminer par l'extinction des lettres de créance, par l'annulation des pleins-pouvoirs, par le rappel du ministre, par son éloignement forcé ou volontaire, ou par le décès du souverain qui l'avait accrédité (1).

§ 11.

Des missions secrètes.

On envoie quelquefois des personnes de confiance

prouvé qu'il n'était point au-dessous de sa fortune. D'Éon, retiré depuis longtemps en Angleterre, y mourut le 24 mai 1810, à l'âge de quatre-vingt-deux ans. Les docteurs en médecine les plus célèbres de Londres, et parmi eux le chirurgien du comte de Provence (Louis XVIII), furent chargés de visiter son corps: ils constatèrent le sexe mâle de la prétendue chevalière.

(1) La mort du souverain auprès duquel un ministre public a été accrédité suspend la mission de cet agent la présentation de nouvelles lettres de créance au nouveau souverain devient alors nécessaire. (Voy. §§ 71-74.)

pour traiter d'affaires importantes, mais secrètes, sans attribution du caractère officiel de ministre, ou en ne leur permettant de le déployer que lorsque le succès de leur mission l'exige.

De même, il n'est pas sans exemple qu'on reçoive, ou qu'on tolère l'envoi d'agents sans caractère public, de la part d'États desquels, par des motifs quelconques, on ne voudrait pas admettre pour le moment des ministres ouvertement accrédités (').

Dans l'un et l'autre cas, l'État, qui est informé du caractère et de la véritable destination de ces agents, doit leur assurer l'inviolabilité : ils n'ont d'ailleurs à prétendre à aucun cérémonial

(1) BIELFELD, T. II, p. 176 et 181. Il y en eut de nombreux exemples sous les règnes de Louis XIV et de Louis XV, et pendant la guerre d'Amérique, mais surtout dans les premières années de la République française.

(2) G.-F. de MARTENS, Précis du droit des gens, § 249.

CHAPITRE III.

DE LA CLASSIFICATION DES AGENTS DIPLOMATIQUES.

§ 12.

De l'origine des différentes classes de ministres.

Le droit des gens universel ne connaît point de division de ministres en différents ordres; il les considère tous comme chargés des affaires de l'État qu'ils représentent, mais seulement quant aux affaires dont la gestion spéciale leur est confiée. C'est de cette qualité qu'il fait dériver les différents droits qu'il leur attribue. Mais le droit des gens positif a introduit plusieurs classes ou ordres de ministres ('), que l'on distingue par la diversité du caractère représentatif qui leur est attribué, et, dès lors, par le cérémonial qui leur est dû.

Cette distinction n'a pas toujours existé; aussi, dans des temps plus anciens, ne trouve-t-on en Europe

(1) J.-J. MASCOV, Principia juris publici, lib. VI, ch. iv, § 13-28; HAGEDORN, Discours sur les différents caractères des envoyés ordinaires, etc., Amst., 1736; J.-J. MOSER, Vorrede zum Belgrader Friedensschluss, in-4°; BIELFELD, Instit. pol., T. II, p. 174. Voyez surtout FABER (GUTSCHMIDT), Diss. de prærogativa ordinis inter legatos, Lipsiæ, 1755; sur l'Allemagne en particulier, KULPIS, De Legationibus statuum imperii, lib. II, cap, п, § 4, p. 460.

qu'une seule catégorie de ministres publics, qualifiés tantôt du nom d'ambassadeurs, tantôt même de celui de procureurs.

Pour leurs affaires privées, les princes nommaient de simples agents, et dans les missions de cérémonie ils employaient de simples gentilshommes; mais ni les uns ni les autres n'étaient considérés et traités comme ministres publics.

Ce n'est que plus tard, lorsqu'au quinzième siècle, et surtout au seizième, la vanité des cours et des ministres éleva l'attribution du caractère représentatif de l'ambassadeur jusqu'au degré suprême, que l'éclat dont ce fonctionnaire dut dès lors s'environner, les difficultés du cérémonial, et les dépenses considérables occasionnées par ces missions, donnèrent lieu à l'envoi de ministres publics revêtus d'une moindre dignité. Ces agents ne pouvaient prétendre au grand cérémonial, parce qu'ils ne représentaient point la personne du souverain, et on les qualifia du simple nom de résidents (1), réservant la qualification exclusive d'ambassadeur aux ministres plénipotentiaires seuls qui devaient figurer avec tout l'éclat du caractère représentatif. Mais ces Résidents, étant ministres publics, eurent nécessairement le pas sur les simples agents chargés des affaires privées des princes, alors même que ces agents étaient accidentellement commissionnés par l'État. Ceux-ci cependant, dans ce cas, furent depuis

(1) Sur l'ancienneté de cet usage, voy. HowEL, Discourse on precedency of kings, whereinto is also adjoined a treatise of ambassadors, London, 1664, p. 184 et suiv.; LETI, Cerem. hist. politico, T. VI, passim.

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