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solue que le droit des gens universel exempte le ministre public et sa suite de la juridiction du pays où il est accrédité, en tant que l'extension de cette immunité porterait sur tous les actes de la vie civile, bien que le principe de l'exterritorialité lui garantisse cette exemption pour sa personne et ne le rende justiciable que des tribunaux de son pays (').

En fait, le droit international positif reconnaît certaines exceptions à cette franchise, sans craindre de porter atteinte pour cela, soit à l'inviolabilité personnelle du ministre, soit à la dignité du caractère dont il est revêtu, soit à l'indépendance absolue nécessaire à l'exercice régulier de ses fonctions.

Ainsi, bien que les dettes contractées par un ministre ne puissent pas l'exposer à des saisies ou autres actes exécutoires dans son hôtel, pendant le cours de sa mission, il est à peine douteux, nonobstant les conventions (2) ou les usages, s'il ne pourrait pas

tives accordées aux diplomates, les unes dérivant de la nature même de leurs fonctions, les autres n'étant que la conséquence des conventions ou des usages. Les premières seules sont reconnues par le droit des gens universel, les autres découlent du droit des gens positif.

(1) GROTIUS admettait l'exemption dans sa généralité, tant au civil qu'au criminel, pour tout le personnel de la légation, et la regardait comme fondée sur le consentement tacite des nations. BIJNKERSHOECK discute cette opinion dans son traité, classique sur cette matière : De foro legatorum, traduit en français par BARBEYRAC, sous le titre : Du juge compétent des ambassadeurs; Lahaye, 1723. Voy. chap. xi, 10. Voy. aussi WHEATON, Progrès du droit des gens. 2o édit, 1846. T. I, p. 287.

(2) Voy., quant à l'Angleterre, l'acte du parlement britannique de 4708; quant à la Hollande, l'ordonnance des États-généraux du 9 septembre 1679; quant à la Prusse, la déclaration du roi du 24 septembre 1798, ensuite de laquelle le décret de prise de corps ne peut

être arrêté par ses créanciers au moment de son départ. On a vu des exemples de cette mesure rigoureuse, favorisée même par le gouvernement local (').

Comme propriétaire d'immeubles dont il se serait rendu acquéreur dans le pays où il réside, l'envoyé diplomatique peut se trouver impliqué dans des procès dont il ne pourrait, comme défenseur, décliner les juges, si même il n'y avait volontairement recours comme demandeur. En qualité de représentant légal de mineurs dont il aurait accepté la tutelle, il peut être partie dans des affaires litigieuses. Dans ces circonstances et autres semblables, des condamnations peuvent l'atteindre, des jugements le frapper, qui pourraient aller jusqu'à des saisies-arrêts ou des expropriations mobilières et immobilières, exception faite, bien entendu, de l'hôtel de la légation et de ce

être lancé que contre ceux des agents diplomatiques qui, sans être accrédités auprès du gouvernement, ne font que traverser les États prussiens. Quant au Portugal, voy. l'ordonnance de l'année 1748. - Il est évident que l'agent diplomatique assez imprudent pour prendre des engagements personnels auxquels il ne peut satisfaire renonce, au moins tacitement, à toute immunité à l'abri de laquelle il pourrait les éluder, et qu'il s'expose sciemment aux poursuites nécessaires pour l'obliger à y faire honneur; car un souverain ne saurait souffrir que ces immunités devinssent préjudiciables à ses sujets. Un agent politique qui, par sa mauvaise foi, avilit lui-même son caractère ne saurait exiger que d'autres le respectent.

(1) Voy. Causes célèbres du droit des gens, par Ch. de MARTENS, T. I, p. 47, sur l'arrestation pour dettes de l'ambassadeur de Russie à Londres, M. de Mathweof, et la satisfaction donnée pour ce fait au tzar, en 1708. — On trouve dans le même ouvrage, T. II, p. 440, l'exemple du refus de passe-port fait, en 4772, par le gouvernement français au baron de Wrech, ministre de Hesse-Cassel à Paris, pour n'avoir point satisfait ses créanciers.

que son toit recouvre. En aucun cas, en effet, l'autorité locale ne doit en franchir le seuil, pour la mise à exécution d'un acte judiciaire, s'agit-il même, à l'occasion d'un décès, d'ouverture de testament, d'inventaire, de liquidation de succession, de constitution de tutèle, etc.; toutes mesures qui ne peuvent être prises que par le ministre lui-même ou par ses ordres).

Nous ne comptons point parmi les cas d'exception à l'affranchissement de la juridiction locale la circonstance, d'ailleurs très-rare, que le ministre accrédité serait le sujet du souverain territorial, et que celui-ci ne l'aurait pas formellement exempté de cette juridiction; ni cette autre circonstance, que l'agent diplomatique pourrait se trouver en même temps, dans d'autres fonctions, au service de l'État qui l'aurait agréé comme chargé d'affaires d'une puissance étrangère 2). Du moment, en effet, que le souverain du pays a consenti à reconnaître dans 'un de ses sujets l'envoyé d'un autre gouvernement, il doit respecter en lui, dans toute l'étendue du droit, le caractère dont il est revêtu, par cela seul que c'est à la personne publique et non à l'individu que les immunités et prérogatives sont accordées (3).

(1) C'est en vertu de cette même immunité que le ministre peut faire légalement le dépôt de son testament à la chancellerie de la légation.

(2) Ce dont on voit de fréquents exemples dans plusieurs cours d'Allemagne.

(3) WICQUEFORT (L'ambassadeur et ses fonctions, liv. I, section x1) et de cette opinion:

« La considération, dit-il, que les princes ont pour la qualité de ministre public est si grande qu'ils la respectent en leurs sujets.

» ... On entend en ce royaume (de France) que le caractère officie

§ 27.

De l'exemption de la juridiction criminelle.

Le droit des gens universel a des arguments plus décisifs pour exempter l'agent diplomatique étranger de la juridiction criminelle de l'État auprès duquel il réside, que pour l'exempter de la juridiction civile; attendu que, dans une procédure criminelle, il pourrait résulter de la conséquence des actes qui en sont inséparables les inconvénients les plus graves pour les affaires dont l'agent diplomatique est chargé. Il ne faut donc point que les tribunaux puissent intenter ni instruire des procès contre sa personne, ni même contre les personnes de sa suite, ni en ordonner l'arrestation, et bien moins encore prononcer contre eux une condamnation quelconque ().

l'emporte sur la naturalité, et que ni les lois civiles, ni les coutumes locales, non plus que les ordonnances particulières des princes, ne peuvent détruire un droit établi du consentement de tous les peuples.

» S'ils veulent, dit-il ailleurs en parlant des États de Hollande, que leur sujet reconnaisse la justice du pays, qu'ils ne l'admettent point comme ministre public; mais après l'avoir admis et reconnu en cette qualité, qu'ils ne l'empêchent point de jouir de toutes les prérogatives qui sont inséparables du caractère diplomatique, et dont l'exemption de la justice du lieu est la plus importante. »

BIJNKERSHOEK (De foro legatorum, chap. x1) est d'une opinion contraire à celle de Wicquefort.

(1) Appelé à mettre un terme aux calamités de la guerre, ou chargé du soin non moins important de maintenir la paix entre deux États, l'Envoyé est naturellement en butte aux intrigues et aux embûches des parties intéressées à la continuation des hostilités ou à la rup

Toutefois, si parmi les personnes de sa suite il se trouve des sujets du pays où il réside qui se soient

ture de la bonne intelligence entre les deux nations. Il y a toujours d'ailleurs, et dans tous les pays, bien des fonctionnaires prévenus en général contre les membres du corps diplomatique, qu'ils considèrent comme autant d'agents intéressés à travailler contre les intérêts du pays où ils résident.

Il fallait donc que la loi des nations entourât d'une protection toute particulière les agents diplomatiques, pour suppléer à l'insuffisance possible de protection et de bonne foi à laquelle ils pourraient être exposés, ainsi qu'on en a vu plusieurs exemples.

C'est en conséquence de ces prévisions que l'on a admis au nombre des principes du droit des gens positif en Europe l'immunité de la personne et de la demeure, ainsi que des équipages et des effets de l'ambassadeur.

Quant à l'immunité de la personne, il est aisé d'en apercevoir la raison, car, sans une pleine sûreté et une entière liberté individuelle, il lui serait impossible d'atteindre le but de sa mission.

Mais ce qu'on ne voit pas aussi aisément, c'est le motif de l'immunité tant de l'hôtel que des équipages et effets. Aussi les publicistes et, à plus forte raison, les gouvernements penchent-ils à classer cette dernière sorte d'immunité parmi les concessions de pure courtoisie, qu'il est loisible au gouvernement du pays de refuser ou de limiter, selon qu'il le juge convenable.

Cette doctrine, toutefois, nous paraît erronée, ne fût-ce que parce qu'elle laisse du vague sur un objet d'une aussi haute importance.

En effet, ce n'est pas seulement pour la sûreté personnelle de l'ambassadeur qu'on peut avoir à craindre, en certains cas, des atteintes de la part, soit du gouvernement, soit des partis au milieu desquels il s'acquitte de ses fonctions.

Les papiers de la mission sont des objets d'une trop haute importance pour qu'il ne soit pas nécessaire de se prémunir contre les prétextes plus ou moins plausibles que pourraient saisir ou faire naître, pour s'en emparer, les personnes intéressées à faire disparaître des pièces compromettantes.

Ainsi, sous prétexte de la visite des effets et des équipages à la douane, de même que lors d'une visite domiciliaire, dans les cas généralement permis ou ordonnés par les lois du pays, on pourrait

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