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§ 51.

Des courriers.

Quoique la correspondance des cabinets avec leurs agents diplomatiques, ou avec tout autre fonctionnaire envoyé en mission en pays étranger, ait lieu sous la sauvegarde du droit des gens, l'intérêt des gouvernements exige cependant, en maintes circonstances, que des dépêches leur soient transmises par une voie plus directe et plus prompte que celle que peut offrir la poste ordinaire, et l'on se sert à cet effet de courriers (1).

En temps de paix la personne de ces courriers est inviolable, la visite et, à plus forte raison, la saisie de leurs dépêches sont sévèrement interdites; aussi toute contrainte exercée contre eux est-elle regardée comme une violation manifeste du droit des gens, soit qu'elle ait été commise sur le territoire de la puissance auprès de laquelle réside le ministre à qui le courrier est adressé, ou qui l'a expédié, soit qu'elle ait lieu dans les États d'une autre puissance qu'il aurait eu à traverser. Mais ce privilége n'empêche pas cependant qu'en telles circonstances graves, dans le cas,

(1) Il n'est pas sans exemple que des ministres publics aient été privés, par les gouvernements mêmes auprès desquels ils étaient accrédités, du droit d'envoyer des courriers. C'est ainsi que sir Charles Whithworth, ambassadeur d'Angleterre à Saint-Pétersbourg, en 1800, se vit, sur le refus d'un passe-port demandé pour un courrier, dans la nécessité de confier ses dépêches à la poste, et de porter plainte pour ce fait à son gouvernement: on n'avait assigné d'autre raison de ce refus sinon que c'était le bon plaisir de l'empereur.

par exemple, où le ministre aurait violé lui-même le droit des gens en formant ou en favorisant des complots contre la personne du prince ou la sûreté de l'État, il ne s'expose à voir sa correspondance saisie (1), pour découvrir la trame et les complices. L'État, en effet, en admettant un surveillant privilégié, ne saurait souffrir que sous la sauvegarde de ses immunités il fomente des troubles ou des révoltes

pour l'État comme pour l'individu, quand l'existence personnelle est compromise le droit de défense implique les moyens extrêmes aux risques et périls de l'agresseur. Pour que l'inviolabilité du courrier soit respectée il faut qu'il se légitime par quelque marque extérieure, telle qu'une plaque ou tout autre signe distinctif, et surtout par des passe-ports en règle, où sa qualité soit établie.

Pour faciliter et accélérer la marche des courriers, la plupart des gouvernements les exemptent de la visite de leur voiture aux frontières; et ce motif indique assez combien sont blàmables ceux d'entre eux qui abusent de cette franchise pour se rendre porteurs d'objets prohibés, et qui ne doivent s'en prendre qu'à eux-mêmes des suites fâcheuses auxquelles ils s'ex

(1) On a été, en pareil cas, jusqu'à arrêter le ministre lui-même, ainsi qu'il arriva au marquis de Bedmar à Venise et au prince de Cellamare à Paris. C'était aller au delà de ce que le droit des gens autorise en de telles circonstances, l'arrestation du ministre public étant inadmissible en droit. Mais, comme nous l'avons dit ailleurs, des mesures de sûreté peuvent être prises contre lui: on peut faire cerner son hôtel, pour l'empêcher de communiquer au dehors; on peut même le faire reconduire sous escorte à la frontière, s'il est nécessaire d'en venir à cette extrémité (voy. § 27).

posent. Cette exemption cependant n'est pas toujours admise, et les paquets portant un cachet officiel sont seuls légalement exempts de toute visite.

En temps de guerre, si l'on n'est point convenu d'un arrangement quelconque relatif à la sûreté des courriers de l'ennemi, ou de ses alliés, les puissances belligérantes se croient en droit de les faire arrêter et de se saisir de leurs dépêches. C'est pour cette raison qu'on s'empresse, aux premières paroles de rapprochement, d'assurer, avant tout, le libre envoi des courriers respectifs.

Lorsque, pour ces fonctions, on ne se sert pas de courriers expressément employés ad hoc, et désignés sous le nom de courriers de cabinet ('), on choisit pour les remplacer soit des fonctionnaires civils ou militaires (tels que des secrétaires de légation, des attachés, ou des aides de camp, si l'ambassadeur est officier général), soit des personnes de confiance qui ne sont pas toujours des employés du gouvernement, et que les passe-ports qu'on leur délivre qualifient quelquefois de courriers porteurs de dépêches.

Les employés du ministère des affaires étrangères sont également, quelquefois, expédiés en courrier, pour porter des lettres ministérielles aux Envoyés de leur gouvernement.

(1) En Prusse, les courriers de cabinet forment un corps spécial connu sous le nom de Feldjaeger.

CHAPITRE VIII.

DES DEVOIRS ET DES FONCTIONS DE L'AGENT DIPLOMATIQUE.

§ 52.

Des devoirs de l'agent diplomatique.

Le premier soin du ministre que la confiance de son gouvernement appelle à devenir le chef d'une mission diplomatique doit naturellement se porter sur la connaissance préalable des relations établies entre les deux cours, et la nécessité qui en résulte pour lui de s'initier pleinement à l'état actuel des affaires dont la gestion devient l'objet de ses devoirs. Les dépêches de ses devanciers, déposées aux archives du ministère des affaires étrangères, lui fourniront à cet égard toutes les données désirables. Il s'y renseignera, en les étudiant, sur les négociations ouvertes qu'il est chargé de poursuivre, sur les intérêts politiques ou commerciaux engagés, sur le caractère du prince auprès duquel on l'accrédite, sur celui des personnes influentes à sa cour ou dans ses conseils, sur les voies et moyens qui faciliteront sa tâche et sur les écueils où il pourrait se heurter, et, en général, sur la marche à suivre pour mener les affaires à bonne fin. Si des contestations s'étaient élevées sur quelque point relatif

au cérémonial, les dépêches écrites à ce sujet l'éclaireront sur ses prérogatives; et le mettront en garde, en temps utile, contre des concessions compromettantes, ou des prétentions abusives qui troubleraient les bons rapports existants.

Ainsi préparé à l'exercice de sa charge par la connaissance des faits accomplis et de l'état actuel des affaires, l'instruction du ministre est complétée par les explications qui lui sont données avant son départ et qui lui tracent la ligne de conduite générale qu'il doit suivre pour s'acquitter pleinement de sa mission ().

Aussitôt qu'il est arrivé à son poste, il est bon, si déjà il n'en est instruit d'avance, que l'Envoyé s'informe auprès de l'un de ses collègues, ministre d'une puissance amie et accrédité à la même cour, de l'étiquette et des usages reçus pour le cérémonial des audiences et les visites à faire ou à recevoir. Comme ces usages varient dans presque toutes les cours, il doit se conformer à ceux qu'il trouve établis s'il n'y voit rien d'incompatible avec les priviléges de sa charge le caractère dont il est revêtu, le rang de son souverain et les instructions particulières qu'il peut avoir reçues à ce sujet serviront de règle à sa conduite.

Les premières démonstrations de courtoisie sont dues par l'agent diplomatique au ministre secrétaire d'État ayant le département des affaires étrangères, soit qu'il lui fasse savoir son arrivée par une personne attachée

(1) Voy. Instructions, § 20, et T. II, p. 245.

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