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neté féodale; mais l'empire d'Autriche, érigé sur ses ruines, a survécu à la chute de cette Confédération elle-même et à celle de son fondateur en sorte que

l'Europe actuelle ne compterait non plus qu'un empereur, si les descendants de Pierre-le-Grand ne s'étaient fait reconnaître d'elle sous ce titre, après se l'être vu d'abord contesté.

C'est à cette existence si longtemps unique que la couronne impériale dut son éclat particulier, plus encore peut-être qu'à sa prépondérance dans la balance politique, si l'on en excepte toutefois le temps où Charles-Quint l'a portée. Les rois, de leur côté, par leur puissance d'une part, et de l'autre par les pompes de leur sacre et les idées religieuses qui s'attachent à cet acte, s'étaient naturellement élevés à la seconde place, rivale quelquefois de la première ('), et marchaient à la tête des princes souverains, leurs égaux à d'autres titres, primi inter pares.

De là la supériorité non contestée de la dignité impériale ou royale sur toutes les autres dignités souveraines, jusqu'à l'époque où les grandes républiques, en Angleterre sous Cromwell, et plus tard dans l'Amérique du Nord et en France, ont revendiqué pour leurs

(1) C'est ainsi qu'au moyen âge plusieurs rois, n'osant prendre le titre d'empereur, prétendaient que leur couronne était impériale et leur royaume un empire, afin de mieux établir leurs droits à une indépendance et à une égalité parfaites. Aujourd'hui encore en Angleterre on emploie dans les actes publics le terme de imperial crown (Voyez BLACKSTONE, Commentaries, t. I, p. 235).

Sur l'usage des rois de France de prendre le titre d'empereur dans leurs traités avec les États musulmans, voyez LAUGIER, Histoire de la paix de Belgrade, t. I, p. 65.

chefs temporaires le même rang et les mêmes hon

neurs.

Aujourd'hui, par suite de la marche des temps et des prétentions d'égalité entre les grandes puissances, le titre d'empereur n'implique plus aucune supériorité de fait sur celui de roi, et ne confère au prince qui le porte aucune prééminence avouée, ni par conséquent aucuns priviléges distincts. De même, les prérogatives particulières attribuées à la dignité royale, et comprises sous le nom d'honneurs royaux, ont cessé peu à peu d'être le partage exclusif des rois. De nos jours, l'électeur de Hesse et les grands-ducs régnants en jouissent, ainsi, comme nous venons de le dire, que les grandes républiques, y compris la Suisse, pour autant que ces prérogatives se concilient avec les formes du gouvernement républicain.

Pour l'État ou le souverain qui en est en possession, les honneurs royaux consistent principalement :

1o Dans la préséance sur tous les États ou souverains qui ne jouissent point de ces honneurs ;

2o Dans le droit de nommer aux missions diplomatiques des ministres publics de première classe;

3o De placer la couronne impériale ou royale sur l'écusson national, d'en timbrer les armoiries du prince et, s'il est roi, de la poser sur sa tête à son sacre;

4o D'employer le titre de frère dans la correspon-dance entre souverains du même rang..

§ 65.

De la préséance et du rang respectif des souverains.

En vertu du droit de préséance ('), les mandataires de l'État ou du souverain qui est en possession de ce droit, précèdent, dans les cérémonies publiques, les réunions solennelles, et dans la signature des traités (2) les représentants de l'État ou du souverain qui ne jouit pas des honneurs royaux: il en est ainsi pour les souverains eux-mêmes qui pourraient se trouver réunis.

Bien avant que les assemblées politiques désignées sous le nom de congrès eussent donné lieu à l'application de ce droit entre les mandataires des puissances, les conciles avaient eu à s'en occuper pour régler l'ordre respectif des rangs entre les délégués de l'Église, égaux dans la hiérarchie ecclésiastique, inégaux en tant que sujets de princes supérieurs ou inférieurs les uns aux autres.

Pour appuyer les prétentions de préséance dans ces réunions imposantes, tantôt on alléguait la date plus

(1) Un grand nombre d'écrits ont été publiés sur le rang et la préséance entre les souverains de l'Europe; on les trouve indiqués dans : OMPTEDA, Litteratur des gesammten Völkerrechts, t. II, §§ 490-498. —Voy. aussi KAMPTZ, Neue Litteratur des Völkerrechts, etc., §§ 124437; ROUSSET, Cérémonial diplomatique (t. IV et V du supplément au Corps diplomatique de DUMONT); - BIELFELD, Institutions politiques, t. II, p. 234.

(2) Les dispositions du recès général du congrès de Vienne, en 1815, paraissent avoir mis fin à ces disputes de préséance dans la signature des traités. Par ce règlement, il a été stipulé que les signatures se suivraient dans l'ordre alphabétique, d'après la lettre initiale du nom de chaque puissance (voy. t. II, p. 143).

ou moins reculée de l'indépendance d'un État, l'ancienneté de la famille régnante ou l'époque de l'introduction du christianisme dans le pays; tantôt on s'appuyait sur la forme du gouvernement, le nombre des couronnes réunies sur une même tête ou l'éclat particulier de l'une de ces couronnes; ou bien encore sur des exploits glorieux ou de grands services rendus à la chrétienté. Ces questions de préséance se décidèrent fréquemment sous l'influence dominatrice des papes ('), dont la partialité mal déguisée a plus d'une fois témoigné de l'inégale docilité des princes à flatter leur ambition ou leur orgueil aussi les souverains lésés par ces décisions ne les ont-ils jamais subies sans protester.

Aujourd'hui que la suprématie temporelle de la tiare sur les couronnes n'est plus qu'un souvenir historique, aucun État ne consentirait à reconnaître le pape comme arbitre souverain dans une question de préséance: entre États ou chefs d'État dont la dignité est égale, cette

(1) Une bulle de Jules II, de l'année 1504, qui a longtemps fait loi à cet égard, avait réglé ainsi qu'il suit l'ordre des puissances telles qu'elles existaient alors en Europe: l'empereur d'Allemagne, le roi des Romains (héritier désigné de l'Empire), les rois de France, d'Espagne, d'Aragon, de Portugal, d'Angleterre, de Sicile, d'Écosse, de Hongrie, de Navarre, de Chypre, de Bohême, de Pologne, de Danemark (comprenant alors la Suède); puis, à la suite de ces couronnes, la république de Venise, la confédération Helvétique, le duc de Bretagne, le duc de Bourgogne, l'électeur Palatin, l'électeur de Saxe, l'électeur de Brandebourg, l'archiduc d'Autriche, le duc de Savoie, le grand-duc de Florence, le duc de Milan, le duc de Bavière, le duc de Lorraine (voy. GUNTHER, Europäisches Völkerrecht, t. I, p. 249). Ce règlement, comme on le voit, ne fait point mention de la Russie, qui ne comptait pas encore parmi les puissances européennes.

question, si elle surgissait encore, ne pourrait guère se décider qu'en raison de l'ancienneté de possession du titre de souveraineté.

Cependant, quoique le droit des gens soit le même pour les grands et pour les petits États, pourvu que ceux-ci soient indépendants, il est de fait que dans leurs rapports politiques l'inégalité de puissance assigne des positions très-différentes aux divers États : la difficulté consisterait à trouver une base équitable sur laquelle ces distinctions de rang pussent s'établir.

Jusqu'ici les puissances de l'Europe n'ont pu s'entendre sur ce point. Au congrès de Vienne, cette question fut vainement soulevée. La commission nommée le 10 décembre 1814, par les plénipotentiaires des huit puissances signataires du traité de Paris, « pour s'occuper des principes à établir pour régler le rang entre les couronnes et tout ce qui en est la conséquence, présenta, à la vérité, son travail, dans lequel elle établissait trois classes de puissances relativement au rang entre les ministres; mais les objections qui s'élevèrent contre cette classification firent abandonner ce projet. On se contenta (le 19 mars 1815) de faire un règlement sur le rang des agents diplomatiques, règlement auquel les puissances réunies aux conférences d'Aixla-Chapelle, en 1818, ont ajouté un article supplémentaire (voy. ci-dessus, p. 132). Ces dispositions définissent les différentes classes de ministres publics, et la préséance entre eux se règle aujourd'hui d'après la classe. Aux termes de ce règlement, «< il n'est apporté aucune innovation relativement aux représentants du pape. » Ces termes, quoique un peu vagues,

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