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Comme quelques souverains conservaient (et conservent encore) des titres de possessions qu'ils n'avaient plus, et sur lesquelles ils avaient même tout à fait cessé de soutenir des prétentions; et que, d'un autre côté, plus d'une puissance, en réservant ces titres, élevait des prétentions sur des États qu'un autre souverain possédait réellement, on vit souvent ces rivalités allumer des guerres ou faire échouer des négociations. Pour lever toute difficulté et tout embarras, on introduisit l'usage d'insérer dans les traités un article séparé de non præjudicando, par lequel on se prémunissait réciproquement contre toutes conséquences à tirer des titres employés de part et d'autre (1).

Des titres de parenté.

Ce n'est pas seulement pour indiquer les liens du sang qui existent entre les souverains que ceux-ci

vure, dans l'ouvrage publié, à Rostock, par Tiedmann, sous ce titre : Wappen-Almanach der souverainen Regenten Europa's.)

(1) Après la cession de la Norvége au roi de Suède, en 1814, le roi de Danemark conserva pendant quelque temps encore le titre el les armes de ce royaume. Mais par une déclaration et une contre-dé claration ajoutées au traité du 1er septembre 1819 entre ces deux puissances, le roi de Danemark consentit à en supprimer l'usage à l'avenir (Voy. G. F. de MARTENS, Nouveau recueil des traités, T. II, p 653). Il serait à souhaiter que le nouveau système politique de l'Europe, qui se dit fondé sur les droits inviolables des nations, mit fin à ces sortes d'abus. Les rois d'Angleterre ont renoncé de nos jours, et volontairement, au titre de roi de France, qu'ils prenaient depuis la mort de Charles VI; mais les rois de Sardaigne, d'Espagne et des Deux-Siciles, l'empereur d'Autriche, etc., portent encore des titres de territoires dont ils sont depuis longtemps dépossédés.

se servent dans leur correspondance des titres de parenté; le cérémonial en a aussi introduit l'usage pour désigner les relations politiques ou religieuses, l'égalité ou l'inégalité de rang existant entre eux.

C'est par suite de cet usage que tous les souverains catholiques donnent au pape le titre de Très-SaintPère, de Vénérable ou Très-Vénérable Père, de Sainteté, parfois aussi celui de Béatitude, en signant dévoué ou très-dévoué fils, et sont qualifiés par lui Carissime in Christo fili, ou Dilectissime in Christo fili; ou, en italien, Dilettissimo, Carissimo figlio, lors même que le texte de la lettre est rédigé en français ; et que les empereurs et les impératrices, ainsi que les rois et les reines, s'accordent réciproquement les titres de frère et de sœur. Les grands-ducs régnants et l'électeur de Hesse jouissent également de cette prérogative.

C'est aussi pour cette raison que l'étiquette ne permet point aux souverains qui ne jouissent pas des honneurs royaux (voy. T. Ier, § 83) de donner aux rois ces mêmes titres. Ils leur donnent celui de cousin, qu'ils accompagnent ordinairement de quelques termes respectueux, et plus souvent encore celui de sire, bien que le souverain auquel ces princes ont à écrire ne se serve à leur égard que du titre de cousin (1).

Ce n'est plus guère que dans le style diplomatique allemand qu'on se sert encore des titres de parrain et de marraine.

(1) En France, le titre de cousin était donné; par le roi aux dues et aux maréchaux de France.

Lorsque des princes non régnants s'écrivent entre eux, ils n'emploient généralement que les titres de prince et princesse, et d'altesse impériale, royale ou sérénissime. (Voy., chap. vi, Correspondance des souverains.)

Des titres religieux.

Indépendamment des titres de possessions que portent les souverains, plusieurs d'entre eux y ajoutent encore des titres religieux, que les papes ont accordés à leurs prédécesseurs. C'est ainsi que le roi de France, comme fils aîné ou premier-né de l'Église catholique-romaine, recut le titre de Roi Très-Chrétien, ou Majesté Très-Chrétienne; les rois d'Espagne, depuis Ferdinand d'Aragon, qui expulsa les Maures de la péninsule ibérique, celui de Roi Catholique, ou Majesté Catholique, que leur donna le pape Alexandre VI; le roi d'Angleterre, depuis Henri VIII, qui avait écrit un ouvrage contre la doctrine de Luther, celui de Défenseur de la Foi, conféré par le pape Léon X ('); les rois de Portugal, depuis 1748, en récompense du dévouement qu'avait montré le roi Jean V à la cour de Rome, celui de Roi Très-Fidèle, ou Majesté Très-Fidèle (2); l'empereur d'Allema

(1) Titre que les souverains protestants d'Angleterre continuent de porter.

(2) Les historiens diffèrent sur le sens qu'il faut donner à cette épithète, les uns prétendant qu'elle signifie très attaché à la cour de Rome, les autres très-orthodoxe; et il y a des motifs pour justifier les deux interprétations.

gne, en 1758, comme roi de Hongrie, celui de Roi Apostolique (1).

Il faut encore observer ici que les empereurs de Russie se donnent le titre d'Autocrate [autocrator (2)], et que l'empereur turc est désigné également par celui de Grand-Seigneur et de Sultan.

Des nouveaux titres pris par quelques souverains de l'Europe.

Après l'établissement de la Confédération du Rhin, qui fut conclue le 26 septembre 1805, et dont l'empereur Napoléon fut, par l'acte fédératif, nommé Protecteur, plusieurs membres de cette Confédération prirent de nouveaux titres les électeurs de Bavière, de Saxe, de Wurtemberg, celui de roi; le margrave de Bade et le landgrave de Hesse-Darmstadt, celui de grand-duc; le prince de Nassau, celui de duc (3).

(1) Charles-Quint fut le premier qui, en sa qualité de roi d'Espagne, exigea ce titre, qu'il avait déjà comme empereur. L'empereur d'Autriche et le souverain de la Grande-Bretagne sont les seuls qui fassent eux-mêmes usage de ces épithètes dans leurs titres; les autres souverains se contentent de se les faire donner par les puissances étrangères, qui ne font plus de difficultés aujourd'hui pour les leur accorder.

Aussi longtemps que les empereurs d'Autriche portèrent le titre d'empereur romain, ils y ajoutèrent aussi celui de toujours auguste (semper augustus).

(2) Qui signifie, souverain absolu; les impératrices russes se qualifient autocratrices.

(3) Le titre de grand-duc de Francfort et de Wurtzbourg, ainsi que celui de prince-primat, qui furent portés par le grand-duc de Francfort, ont cessé d'exister depuis la dissolution de la confédération rhénane. A l'époque où existait le grand-duché de Francfort,

Ces titres ne furent d'abord reconnus que par quelques-unes des puissances de l'Europe; ils le furent plus tard généralement par les puissances signataires du traité de Paris, du 30 mai 1814, et par l'acte du congrès de Vienne, en 1815, auxquels accédèrent tous les souverains de l'Europe.

Les titres adoptés par plusieurs souverains à cette même époque du congrès de Vienne furent également reconnus, soit après notification, soit par l'acte même du congrès.

C'est ainsi que les titres suivants furent reconnus ou accordés, savoir pour l'empereur de Russie, celui de Tzar et Roi de Pologne; pour le roi d'Angleterre, comme électeur de Hanovre, celui de Roi de Hanovre (); pour le roi de Sardaigne, celui de duc de Gênes; pour la branche othonienne de Nassau, celui de Roi des Pays-Bas et Grand-Duc de Luxembourg; pour le roi de Prusse, celui de Grand-Duc de Posnanie et du Bas-Rhin (2); pour les ducs de Mecklenbourg-Schwérin, de Mecklenbourg-Strélitz et de SaxeWeimar, celui de Grand-Duc (3).

le prince Eugène, vice-roi d'Italie, était reconnu comme l'héritier présomptif du grand-duché. En 1844, ce prince se retira en Bavière, où il reçut les titre et nom de prince de Leuchtenberg.

(1) Le trône de Hanovre étant aujourd'hui occupé par un prince de la famille royale d'Angleterre autre que le roi, le souverain de la Grande-Bretagne ne prend plus le titre de roi de Hanovre.

(2) Par l'article 16 de l'acte de la Confédération du Rhin, il est dit encore que Sa Majesté ajoutera à ses titres ceux de duc de Saxe, landgrave de Thuringe, margrave des deux Lusaces et comte de Henneberg.

3) Le duc d'Oldenbourg, auquel ce même titre fut accordé, n'en fit point usage; mais son successeur le prit.

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