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simples précautions, et les variations de la température les saisissent si vivement dans nos climats, qu'ils y sont aussitôt pris de nostalgie; ils les parcourent avec un dédain superbe, et, portant le regret de leur belle patrie avec eux, la comparent sans cesse et tout haut à tout ce qu'ils voient. Ils ont l'air de vouloir mettre en loterie l'Italie comme une propriété, et de chercher des actionnaires pour leurs billets. Si quelque chose pouvait ôter l'envie de passer les Alpes, ce serait l'espèce de criée qu'il faut subir à propos de toutes les villes et de tous les villages, dont les noms seuls font battre le cœur et enfler la voix d'un Italien aussitôt qu'il les prononce.

Les meilleurs voyageurs, et ceux qui font le moins de bruit, ce sont les Allemands. Excellens piétons, fumeurs intrépides, et tous un peu musiciens ou botanistes. Ils voient lentement, sagement, et se consolent de tous les ennuis de l'auberge avec le cigare, le flageolet ou l'herbier. Graves comme les Anglais, ils ont de moins l'ostentation de la fortune, et ne se montrent pas plus qu'ils ne parlent. Ils passent inaperçus et sans faire de victimes de leurs plaisirs ou de leur oisiveté.

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Quant à nous autres Français, il faut bien avouer que nous savons voyager moins qu'aucun peuple de l'Europe. L'impatience nous dévore, l'admiration nous transporte; nos facultés sont vives et saisissantes, mais le dégoût nous abat au moindre échec. Quoique notre home soit généralement peu comfortable, il exerce sur nous une puissance qui nous poursuit jusqu'aux extrémités de la terre, nous rend revêches et mal habiles à supporter les privations et les fatigues, et nous inspire les plus puérils et les plus inutiles regrets. Imprévoyans comme les Italiens, nous n'avons pas leur force physique pour supporter les inconvéniens de notre maladresse. Nous sommes en voyage ce que nous sommes à la guerre, ardens au début, démoralisés à la débandade. Quiconque voit le départ d'une caravane française, dans les chemins escarpés de la Suisse, peut bien rire de cette joie impétueuse, de ces courses folles sur les ravins, de cette hâte facétieuse, de toute cette peine perdue, de toute cette force prodiguée à l'avance sur les marges de la route, et de cette vaine attention donnée avec enthousiasme aux premiers objets venus. Celui-là peut être bien certain qu'au bout d'une heure la caravane aura épuisé tous les moyens possibles de se lasser au physique et au moral, et que vers le soir elle arrivera dispersée, triste, harassée, se traînant avec peine jusqu'au gîte, et n'ayant donné aux véritables sujets d'admiration qu'un coup d'œil distrait et fatigué.

Or, tout ceci n'est peut-être pas aussi inutile à noter qu'il te semble.

Un voyage, on l'a dit souvent, est un abrégé de la vie de l'homme. La manière de voyager est donc le criterium auquel on peut connaître les nations et les individus ; l'art de voyager, c'est presque la science de la vie. Moi, je me pique de cette science des voyages. Mais combien, à mes dépens, je l'ai acquise! Je ne souhaite à personne d'y arriver au même prix, et j'en puis dire autant de tout ce qui constitue ma somme d'idées faites et d'habitudes volontaires.

Lettres d'un Voyageur; Revue des Deux Mondes.

SAINT GERMAIN EN LAYE.

CETTE ville doit son origine à Robert, qui, vers l'an 1010, fonda dans la forêt de Laye un monastère en l'honneur de saint Germain l'Auxerrois. Henri I. confirma les privilèges que son père avait accordés à cette abbaye, et elle s'accrut de jour en jour. Les habitants des contrées environnantes y vinrent en foule pour entendre la parole de Dieu; beaucoup s'y fixèrent, charmés d'ailleurs des agréments du pays. Un siècle s'était à peine écoulé, que Saint-Germain commençait à devenir remarquable. Louis VI. fit jeter les premiers fondements du château, qui n'était d'abord qu'une forteresse flanquée de tours. En 1143, Louis VII. établit son séjour à Saint-Germain: cette ville devint alors commerçante. Saint Louis eut, à son tour, une affection particulière pour elle; mais en 1346, le prince de Galles mit le feu au château. Charles V. le fit rebâtir ensuite; puis, en 1419, il retomba au pouvoir des Anglais. Plus récemment, François 1", qui faisait de ce château sa demeure ordinaire, le fit réparer, et surmonter de cette plate-forme d'où l'œil étonné découvre un horizon si magnifique. Il rétablit aussi les autres édifices incendiés par les Anglais. Henri II. naquit au château de Saint-Germain, le 31 Mars, 1518, et Charles, son fils, le 27 Juin, 1550. Henri IV. affranchit, en 1598, les habitants de Saint-Germain de tout impôt, car cette ville était le séjour favori de Marie de Médicis. Henri IV. s'y rendait aussi fréquemment, pour visiter la belle Gabrielle. Louis XIII. naquit à Saint-Germain, aussi prit-il plaisir à embellir le château, témoin des jeux de son enfance. Ce fut de même le berceau de Louis XIV. C'est à Saint-Germain que se passa, entre Louis XIII. et son fils, cette scène douloureuse que l'histoire nous a transmise. En 1643, Louis XIII. fut attaqué d'une fièvre lente qui consumait ses jours. Dès qu'il sentit sa fin approcher, il fit baptiser son fils et demanda au dauphin, après la cérémonie, comment il se nommait depuis qu'il avait reçu le sacrement; l'enfant royal, âgé de cinq ans seulement, répondit: "Je m'appelle Louis XIV." Ces mots per

cèrent le cœur de Louis XIII.; il répliqua douloureusement: "Pas encore, mon fils, mais bientôt peut-être, si c'est la volonté de Dieu." Hélas! cette volonté ne tarda pas à se manifester, puique le monarque mourut le 14 Mai, 1643. Les dissensions qui troublèrent les premières années du règne de Louis XIV. obligèrent, en 1649, la régente Anne d'Autriche à se réfugier à Saint-Germain. Après la mort de sa mère, Louis XIV. y fixa sa résidence; il fit alors dessiner ce vaste parterre qu'on a transformé depuis en tapis de verdure, planter ces arbres majestueux qui forment encore aujourd'hui une promenade délicieuse, élever cette terrasse magnifique qui n'a pas sa pareille en Europe; depuis encore, il fonda l'hôpital, rebâtit la paroisse: mais ce monarque ne devait pas jouir long-temps des charmes de ce séjour vraiment royal, il abandonna subitement Saint-Germain pour Versailles. On prétend que l'aspect des clochers de Saint-Denis lui faisait toujours involontairement envisager le terme de sa gloire; sans cesse il se rappelait ces paroles de Louis XIII., qui, placé près d'une fenêtre du château, jeta, sans le vouloir, les yeux sur ce clocher, et dit soudain avec une profonde mélancolie aux seigneurs qui l'entouraient: "Mes amis, voilà ma dernière demeure." Après avoir abandonné le château de Saint-Germain, Louis XIV. le donna à madame de La Vallière, pour l'éloigner de sa personne. Ce château fut ensuite l'asile et le tombeau de Jacques II., roi d'Angleterre, dont voici l'épitaphe:

C'est ici que Jacques second,

Sans ministres et sans maîtresse,
Le matin allait à la messe,

Et le soir allait au sermon.

Au surplus, Jacques est le dernier grand personnage qui ait habité le château de Saint-Germain. Dans les premières années de son règne, Louis XVI. chassait souvent, il est vrai, à Saint-Germain; mais il ne s'arrêtait que très-rarement au château.

L'Anacharsis Français.

1 C'est à l'Abbaye de St. Denis, située à deux lieues de Paris, que sont enterrés les Rois de France.

CHARLATANS, JONGLEURS, etc.

O vous, élégans dandys, riches fashionables de la Chausséed'Antin et du faubourg Saint-Honoré,' femmes de cour, femmes du bon ton, qui ne sortez jamais qu'en équipage, et qui, du fond de vos carrosses dorés, apercevez à peine et en courant ce peuple innom

The "west end" of Paris.

brable qui bourdonne à vos pieds; élus du sort, enfans gâtés de la fortune, qui ne hantez que les palais, et à qui la vie ne s'est jamais montrée qu'en toilette, venez! je veux vous introduire aujourd'hui dans un monde que vous ne connaissez point, monde grossier, trivial, monde des carrefours et des ruisseaux, monde en sabots et en guenilles, mais monde singulier, original, amusant et digne des regards du sage.

Me suive donc qui voudra! c'est aujourd'hui dimanche, il fait beau, et nous pouvons parcourir les promenades.

Quelle immense population s'agite dans les jardins publics, sur les quais, sur les boulevards, dans les Champs-Elysées! quelle fourmilière d'hommes! L'étudiant, le bourgeois, le militaire, le boutiquier de la rue Saint-Denis, le commis marchand, la grisette, tout le monde s'est fait beau, tout le monde court, tout le monde veut se divertir. Que de rendez-vous donnés! que de parties arrangées! On se hâte, on se croise dans tous les sens. C'est le jour du linge blanc et des habits neufs; les valets sont mis comme les maîtres. Des artilleurs, des dragons, grande tenue, taille cinq pieds huit pouces, se promènent d'un air vainqueur avec des femmes de quatre pieds, lesquelles sont toutes fières d'être vues en public avec leur amoureux qui a un plumet et des épaulettes, un plumet surtout! Une femme dont l'homme a un plumet regarde toutes les autres femmes d'un air de supériorité et de dédain. Elle s'identifie avec son protecteur, elle porte l'épée; elle a l'orgueil de son état, et méprise comme il faut le pékin. En général, voulez-vous être heureux en amour? faites-vous soldat, ayez un plumet. Le plumet est la clef du cœur. Les femmes ne savent pas résister à la puissance du plumet.

Avançons cependant. Quelle sérénité sur tous ces visages! En ce jour de joie et de vacance, on oublie les affaires, les soucis de la semaine. On met de côté toute idée importune jusqu'au lundi matin. Les maisons sont désertes, tout Paris est dans la rue. C'est dans la rue qu'on joue, dans la rue qu'on boit, dans la rue qu'on mange.

À Paris, rien ne se fait par petite quantité: tout se fait par charretées, par montagnes, comme au pays de ripaille. Il est certains entrepreneurs de grosse pâtisserie dont le four, les dimanches, vomit des millions de petits pains, de tartes, de galettes, véritable volcan en activité, sorte d'éruption gastronomique dont les laves toutes 3 4 feet 6 inches.

26 feet 2 inches English.

+ Nickname given by the soldiers to civilians or townspeople.
There are certain pastry-cooks.

In the land of Goshen.

7 Rolls.

chaudes se répandent, en un clin d'œil, jusqu'aux extrémités des faubourgs, comme un torrent, comme un déluge de gâteaux à la graisse.

Cela vous soulève le cœur ? eh bien! nous avons de quoi le remettre, ce cœur si délicat, si susceptible. Voici la limonade à la glace à un sou le verre. Belle et philantropique invention! entreprise populaire et libérale, s'il en fut jamais! De la limonade fraîche, de la limonade sucrée, non plus pour nos Lucullus de la Bourse, non plus dans les brillans salons du Palais-Royal, mais au coin de la borne et pour le malheureux qui souvent manque de pain! O merveilleuse importation des arts utiles! ô perfectibilité! ô siècle mémorable entre tous les siècles! n'est-ce pas un des plus grands bienfaits des temps modernes !

Qu'on dise encore que la condition d'homme ne s'améliore pas ! qu'on le dise en présence de ce philantrope de la place du Châtelet, espèce de Tortoni errant et vulgaire, qui vend des glaces à deux liards! Des glaces à deux liards, n'est-ce pas sublime? qui l'eût prévu, que ces jouissances tout aristocratiques deviendraient un jour des jouissances plébéiennes ? Comme pourtant les révolutions marchent! quels espaces franchis! Il n'y avait pas si loin, peutêtre, de Louis XIV. à 1830, que des glaces à la vanille aux lèvres d'un ramoneur. Ainsi les douceurs de la civilisation, les voluptés du luxe et les recherches du sybaritisme, descendent peu à peu jusqu'aux Parias de la nation. C'en est fait, l'égalité triomphe, tous les priviléges sont morts, même celui des sorbets, même celui de la limonade.

Heureux Parisien! tous les arts, toutes les contrées s'épuisent pour satisfaire à ses goûts, à ses caprices. Toutes les denrées indigènes, il les trouve sous sa main et à bon compte; il n'a qu'à se baisser pour en prendre; mais c'est peu: on lui apporte les productions exotiques, les fruits de l'équateur, et il ne les paye guère plus cher que les poires et les pommes du voisinage. Désirez-vous goûter de la noix de coco, de cette grosse amande blanche enfermée dans une coque noire et dure? en voici. On vous en fera" pour un sous, pour deux sous, pour plus, pour moins, comme vous voudrez. Désirez-vous manger de la canne à sucre, de ce roseau inappréciable d'où coule une ambroisie plus douce que celle des dieux de la fable? en voici également. Dites pour combien vous en voulez : le marchand est là, couteau en main, prêt à vous en couper un morceau d'un pouce, un morceau d'un pied, à votre choix. Ce n'est pas bon, dites-vous; c'est un bois sec et sans saveur: mais comptez-vous pour 7 Disagrees with 8 your stomach. Cheap. • They will give you some.

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