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"Que le spectacle du carnage;
"Du trône justement on l'a précipité.

"Nous allons respirer sous nos rois légitimes,
"Plus de factions, plus de crimes,

"Être heureux, voilà notre lot:

"Et tous ces paysans, au lieu d'aller se battre,
"Vont, selon le désir du brave Henri quatre,

37

"Le dimanche, en chantant, mettre la poule au pot ;"
"Car notre roi, c'est notre père:

"Vive Louis dix-huit! à bas Napoléon!"

Historien véridique et sincère,

Je vous ai peint le caractère

De mon optimiste gascon,

Qui fut, pendant ces tems de dispute et d'orage,
Le plus heureux, s'il ne fut le plus sage.
Quelque malin peut-être prétendra

(Ceci soit dit par parenthèse)

Que l'on reconnaîtra la nation française
Dans mon Pangloss: sur ce point-là

Je laisserai chacun discourir à son aise.
Au reste, qu'on applique à tous ceux qu'on voudra
Le portrait que je viens de faire,

Ce portrait n'est pas moins celui de mon barbier,
Et si l'on croit qu'il est imaginaire,

Qu'on s'informe dans mon quartier.

Bulletin de l'Académie Ebroïcienne.

37 Henri IV. disait, "Si Dieu me donne vie, je ferai qu'il n'y aura point de laboureur en mon royaume qui n'ait moyen d'avoir une poule dans son pot le dimanche."

CHARLEMAGNE; USAGES ET COUTUMES DE

SON TEMPS.

"IL était d'une taille haute de sept de ses pieds, bien formé en toutes ses parties, hormis qu'il avait le col un peu trop gros et trop court et le ventre trop en devant; sa démarche était grave et ferme, il avait la voix tant soit peu claire. Il avait les yeux ouverts et brillans, le nez long et aquilin, le visage gai et serein; le teint vif et frais, rien d'efféminé dans son geste et dans son port, l'esprit doux, facile et

jovial, la conversation aisée et familière. Il était humain, courtois et libéral, actif, laborieux, vigilant et fort sobre, quoique le jeûne lui fit mal. Ennemi des flateurs et ami de la vérité. Il haïssait les modes nouvelles et étrangères; il s'habillait fort modestement, si ce n'était dans les cérémonies publiques, où la majesté de l'état doit paraître dans son souverain.

Durant ses repas il se faisait lire l'histoire des rois ses prédécesseurs, ou quelques livres de Saint Augustin, prenait deux ou trois heures de repos après son dîner, interrompait son sommeil la nuit, se levant deux ou trois fois, écoutant les différends et rendant justice à toute heure, même en s'habillant: il passait le printems et l'été à la guerre, partie de l'automne à la chasse, l'hiver dans les conseils et dans les occupatious du gouvernement, quelques heures du jour et de la nuit à l'étude des lettres, de la grammaire, de l'astronomie et de la théologie; aussi était-il un des plus savans hommes et des plus éloquens de son siècle : les ouvrages qu'il a laissés à la postérité en font foi.

Avec cela clément, miséricordieux, aumônier, qui nourrissait les pauvres, jusqu'en Syrie, en Egypte et en Afrique, qui employait ses trésors à récompenser les gens de guerre et les gens doctes, à bâtir des ouvrages publics, des églises et des palais, à réparer les ponts, les chaussées et les grands chemins, à rendre les rivières navigables, à garnir les ports de bons navires, à civiliser les nations barbares, à porter la gloire de la nation française avec éclat dans les royaumes les plus éloignés, et sur-tout prenait soin de policer son état par de bonnes lois, et tournait toutes ses actions au bien de son peuple et à l'avancement de la religion chrétienne."-(Mézerai.)

Charlemagne s'occupait du soin de faire fleurir les arts et les sciences. On ne peut lui refuser un génie vaste. Il forma des écoles, dans lesquelles on enseignait la grammaire, l'arithmétique et le chant ecclésiastique.

Il forma aussi une académie, qu'il voulut présider sous le nom de David. Chacun des membres de cette assemblée avoit pris des noms empruntés de l'Ecriture et d'autres de la Fable.

La vraie religion dans ces temps était ignorée. Ce n'était que superstitions et cérémonies absurdes. Il y avait beaucoup de devins, d'enchanteurs; c'est-à-dire, de gens plus adroits que les autres, et qui profitaient de la simplicité de ceux qui donnaient créance à leurs visions.

Nous avons vu, sous les rois prédécesseurs de Charlemagne, se perpétuer un usage absurde. Un criminel, pour éviter la rigueur des lois, se retirait dans les églises; l'on ne pouvait l'arracher de cet

asile sans commettre un crime. Il fallait user de ruse pour engager le criminel à sortir, de lui-même, de cette enceinte sacrée.

Charlemagne renversa ce préjugé ridicule; il ne voulut plus que le sanctuaire de la divinité servît de retraite au crime. Il extirpa aussi de ses états la mendicité, persuadé que ce fléau est un ver rongeur pour les grandes villes. Mais il fit cette réforme avec toute la sagesse, toute la prudence nécessaires en pareille occasion. Il voulut que chaque infortuné retournât dans son pays, et que ses concitoyens lui donnassent tous les secours qu'exigeaient sa situation et ses malheurs. Si Charlemagne bannit de ses états la mendicité, il voulut au moins réparer les fautes de l'infortune, en ordonnant expressément que les biens donnés à l'église fussent divisés de la sorte: les deux tiers pour les pauvres, et l'autre pour le clergé.

C'est à Charlemagne, que l'on doit l'usage de compter par livres, sous et deniers; mais avec la différence que notre livre n'est qu'une livre numéraire; au lieu que celle de Charlemagne était et numéraire et réelle, valant douze onces d'argent.

Voltaire remarque, à cette occasion, qu'une communauté, qui, du temps de Charlemagne, aurait dû cent vingt livres, s'acquitterait aujourd'hui avec un écu de six livres.

Le luxe attira aussi les regards de Charlemagne, qui fit des lois pour fixer le prix des étoffes, et qui détermina le genre d'habillement que devait avoir chaque classe.

Le roi avait un conseil composé de nobles et de prêtres. Souvent chacune de ces classes se retirait en particulier, pour discuter ses propres intérêts: mais dans les causes qui intéressaient le bien général, l'on se rassemblait pour recueillir toutes les opinions.

Le vol n'était point puni dans ce tems aussi rigoureusement qu'il l'est de nos jours: le coupable ne perdait la vie qu'à la troisième récidive; les deux premières fois on se contentait de le mutiler, en lui coupant le nez ou les oreilles.

Ce fut aussi sous son règne qu'on quitta la langue latine, pour adopter les premiers principes de la nôtre, qui commença par un jargon informe, qu'on nomma langue romance; l'on fut des siècles à parler cet idiôme: il était réservé aux écrivains du règne de Louis XIV. d'en faire la principale langue de l'Europe.

Comme il était permis à tout homme de venger son injure, le duel était fort en usage; tous les différends se terminaient par cette loi sanguinaire et féroce. L'on faisait précéder ces combats de diverses pratiques religieuses; l'on bénissait les armes, dans la crainte qu'elles ne fussent enchantées, et l'on était persuadé que la justice

divine punissait le criminel par la main de son adversaire. Les moines, les ecclésiastiques, qui ne pouvaient ou ne voulaient point s'exposer, nommaient des hommes à leur place.

Il y avait un moyen, approuvé par la loi, pour éviter le duel; c'était de payer des compositions en raison de la nature du crime. La composition pour le meurtre d'un ecclésiastique était beaucoup plus forte que celle pour un laïc. Annales de l'Empire Français.

SUPERSTITION.

Er puis, il m'est arrivé une chose ridicule.

On est venu relever mon bon vieux gendarme,' auquel, ingrat égoïste que je suis, je n'ai seulement pas serré la main. Un autre l'a remplacé homme à front déprimé, des yeux de bœuf, une figure inepte.

Au reste, je n'y avais fait aucune attention. Je tournais le dos à la porte, assis devant la table; je tâchais de rafraîchir mon front avec ma main, et mes pensées troublaient mon esprit.

Un léger coup, frappé sur mon épaule, m'a fait tourner la tête. C'était le nouveau gendarme avec qui j'étais seul.

Voici à peu près de quelle façon il m'a adressé la parole:
-Criminel, avez-vous bon cœur?

-Non, lui ai-je dit.

La brusquerie de ma réponse a paru le déconcerter. Cependant il a repris en hésitant :

-On n'est pas méchant pour le plaisir de l'être.

-Pourquoi non? ai-je répliqué. Si vous n'avez que cela à me dire, laissez-moi. Où voulez-vous en venir?

-Pardon, mon criminel, a-t-il répondu. Deux mots seulement. Voici si vous pouviez faire le bonheur d'un pauvre homme, et que cela ne vous coûtât rien, est-ce que vous ne le feriez pas ?

J'ai haussé les épaules.-Est-ce que vous arrivez de Charenton?2 Vous choisissez un singulier vase pour y puiser du bonheur. Moi, faire le bonheur de quelqu'un ?

Il a baissé la voix et pris un air mystérieux, qui n'allait pas à sa figure idiote.

-Oui! criminel, oui, bonheur! oui, fortune! Tout cela me sera venu de vous. Voici: je suis un pauvre gendarme. Le service est lourd, la paye est légère; mon cheval est à moi et me ruine. Or, je mets à la loterie pour contre-balancer. Il faut bien avoir une 1 A sort of military policeman. 2 The Bedlam of Paris-are you mad? 3 To make up for it.

3

industrie. Jusqu'ici il ne m'a manqué pour gagner que d'avoir de bons numéros. J'en cherche partout de sûrs; je tombe toujours à côté. Je mets le 76; il sort le 77. J'ai beau les nourrir, ils ne viennent pas*...-Un peu de patience, s'il vous plait; je suis à la fin. Or, voici une belle occasion pour moi. Il paraît, pardon, criminel, que vous passez aujourd'hui. Il est certain que les morts qu'on fait périr comme cela voient la loterie d'avance. Promettezmoi de venir demain soir, qu'est-ce que cela vous fait? me donner trois numéros, trois bons!.. Hein ?-Je n'ai pas peur des revenants, soyez tranquille. Voici mon adresse: Caserne Popincourt, escalier A, n. 26, au fond du corridor. Vous me reconnaîtrez bien, n'est-ce pas ? -Venez même ce soir, si cela vous est plus commode.

J'aurais dédaigné de lui répondre, à cet imbécille, si une espérance folle ne m'avait traversé l'esprit. Dans la position désespérée où je suis, on croit par moments qu'on briserait une chaîne avec un cheveu.

-Écoute, lui ai-je dit, en faisant le comédien autant que le peut faire celui qui va mourir, je puis en effet te rendre plus riche que le roi, te faire gagner des millions, à une condition.

Il ouvrait des yeux stupides.

-Laquelle? laquelle? tout pour vous plaire, mon criminel.

-Au lieu de trois numéros, je t'en promets quatre. Change d'habits avec moi.

-Si ce n'est que cela s'est-il écrié, en défaisant les premières agrafes de son uniforme.

Je m'étais levé de ma chaise; j'observais tous ses mouvements; mon cœur palpitait; je voyais déjà les portes s'ouvrir devant l'uniforme de gendarme, et la place, et la rue, et le palais de justice derrière moi !

Mais il s'est retourné d'un air indécis :— -Ah ça! ce n'est pas pour

sortir d'ici ?

J'ai compris que tout était perdu. Cependant j'ai tenté un dernier effort, bien inutile et bien insensé !

-Si fait, lui ai-je dit! mais ta fortune est faite...

Il m'a interrompu.

-Ah bien, non! tiens! et mes numéros! pour qu'ils soient bons il faut que vous soyez mort.

• Nourrir un numéro means to keep staking money upon the same number. There are ninety numbers, four of which are drawn every month. Suppose you play upon number 14, there are eighty-nine chances against you. You may stake from one franc to any sum upon a number; if it comes out, you receive 250 times your stake.

5 Die.

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