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et les vieilles mœurs et le vieux paganisme du Nord se reflétaient" dans les sagas.

C'est donc à ces sagas qu'il faut avoir recours pour connaître l'histoire primitive de ces tribus de pirates, qui, au moyen-âge, envahirent l'Europe entière; l'histoire des Angles" et des Normands, l'histoire des compagnons de Rurik, qui s'en alla, au IXe siècle, fonder un royaume en Russie, et de Robert Guiscard, qui asservit à son pouvoir la moitié de l'Italie. Ce sont là les documens essentiels dont les antiquaires suédois et danois se sont servis, et quiconque voudra écrire sur l'histoire ancienne du Nord sans étudier les sagas court grand risque de ne faire qu'une œuvre fautive et incomplète.Revue des Deux Mondes (Lettres sur l'Islande de M. X. MARMIER.) 14 Were reproduced.

15 Les Angles faisaient partie de la confédération saxonne; ils habitaient le district d'Angle (aujourd'hui duché de Sleswick.) Hengist et Horsa, qui abordèrent en Angleterre vers l'an 449, étaient des Jutes, mais la plus grande partie des hommes de guerre qui les suivaient étaient des Angles. De là vint le nom d'Engla-land, d'où l'on a fait par contraction England (Angleterre.)—Turner History of the Anglo-Saxons.

PARNY CHEZ SON LIBRAIRE.'

UN jour Parny lui demande un ouvrage dont il avait un besoin pressant..." Je ne l'ai pas," lui dit Frocard; "il est à mon magasin : si je n'étais pas seul en ce moment, j'irais vous le chercher.-Allez toujours; je vais garder votre boutique." À ces mots Parny s'assied au comptoir, et se met à écrire quelques vers d'un nouveau poëme dont il s'occupait à cette époque. Comme il était dans tout le feu de la composition, entre un de ces prétendus beaux esprits qui, sous les dehors d'un jargon de salon, avec quelques phrases qu'ils ont retenues, préparées, et quelques citations dont ils ont pris l'habitude, cachent souvent une ignorance complète, qui ne peut échapper aux yeux pénétrans du vrai mérite. Le faux savant voyant au comptoir un homme sec et pâle, à moitié chauve et vêtu d'une vieille redingote grise, le prend pour le libraire, et lui demande avec cette assurance et ce ton sentencieux d'un littérateur à la mode, s'il ne pouvait pas lui procurer les Poésies marotiques. Parny, se trouLe Chevalier Evariste de Parny, dont les jolies poésies érotiques lui ont valų le titre de "Tibulle Français."

2 Warehouse.

3 Do go, I will mind the shop for you. ♦ On which he was engaged.

5 Affecting the high-flown language of the drawing-room.

• Quotations.

7 Thin and pale-looking man.

vant obligé de représenter l'honnête Frocard, et ne voulant pas le priver de la vente d'un ouvrage, se lève, cherche dans la boutique les œuvres de Clément-Marot, et les remet à l'inconnu. Celui-ci ouvre au hasard le premier volume, et tombe sur la ballade des Enfans sans souci, qui commence par ces vers :—

"Qui sont ceux-là qui ont si grande envie

"Dedans leur cœur et triste marisson....."

"Quel est ce grimoire-là ?" s'écrie le faux bel-esprit.-Ne m'avezvous pas demandé les poésies marotiques ?-Ce n'est pas cela, mon cher: ce n'est pas cela du tout.-Je ne crois pas qu'il en existe d'autres. Les poésies marotiques que je désire, sont celles où il est question d'une certaine Eléonore"...Je ne connais dans ce genre que les essais de Parny: répond ce poète avec embarras et déjà rougissant malgré lui.-Parny! c'est cela même: ce sont ses poésies marotiques... Erotiques, voulez-vous dire? Erotiques, marotiques: c'est bien à-peu-près la même chose.-Oui, à peu-près; réplique Parny, réprimant un sourire et devinant sans peine le personnage... Les voici! ajoute-t-il aussitôt, en lui remettant deux volumes in-16, reliés en maroquin et dorés sur tranche.-Quel prix ?-Ma foi, je ne saurais trop vous le dire.-Comment, vous ne savez pas le prix de vos livres ?-Ces deux petits volumes sont d'une reliûre plus précieuse que le texte ; mais je crois qu'ils valent bien... six francs.—Sur quoi, mon cher, vous me ferez la remise d'usage aux gens de lettres.En conscience je ne puis vous en faire aucune: répond Parny l'observant.-Puisque c'est votre dernier mot..." L'inconnu paie aussitôt et sort, en laissant tomber un regard protecteur sur celui qu'il ne s'imaginait pas être l'auteur du recueil charmant qu'il emportait, et dans lequel il se proposait de puiser les moyens de se montrer avec de nouveaux avantages, et de se faire passer pour belesprit.-BOUILLY, Encouragements de la Jeunesse.

12

* Poète qui vivait du temps de François Premier, dans le 16o siècle.

• Gibberish.

10 My good fellow.

11 Jeune personne morte à l'âge de quatorze ans, sur laquelle Parny a composé de jolis vers.

12 The allowance customary to.

ADIEU.

HOMMAGE À L'ACADÉMIE DE Marseille.

Si j'abandonne aux plis de la voile rapide
Ce que m'a fait le ciel de paix, et de bonheur;
Si je confie aux flots de l'élément perfide

Une femme, un enfant, ces deux parts de mon cœur,

Si je jette à la mer, aux sables, aux nuages,
Tant de doux avenirs, tant de cœurs palpitans,
D'un retour incertain sans avoir d'autres gages
Qu'un mât plié par les autans;

Ce n'est pas que de l'or l'ardente soif s'allume
Dans un cœur qui s'est fait un plus noble trésor;
Ni que, de son flambeau, la gloire me consume
De la soif d'un vain nom plus fugitif encor;
Ce n'est pas qu'en nos jours la fortune du Dante
Me fasse de l'exil amer manger le sel,

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Non, je laisse en pleurant, aux flancs d'une vallée,
Des arbres chargés d'ombre, un champ, une maison
De tièdes souvenirs encor toute peuplée,

Que maint regard ami salue à l'horizon.
J'ai sous l'abri des bois de paisibles asiles,

Où ne retentit pas le bruit des factions,
Où je n'entends, au lieu des tempêtes civiles,
Que joie et bénédictions.

Un vieux père, entouré de nos douces images,
Y tressaille au bruit sourd du vent dans les créneaux,
Et prie, en se levant, le maître des orages

De mesurer la brise à l'aîle des vaisseaux;
De pieux laboureurs, des serviteurs sans maître,
Cherchent du pied mes pas absens sur le gazon,
Et mes chiens, au soleil, couchés sous ma fenêtre,
Hurlent de tendresse à mon nom.

J'ai des sœurs qu'allaita le même sein de femme,
Rameaux qu'au même tronc le vent devait bercer;
J'ai des amis dont l'âme est du sang de mon âme,
Qui lisent dans mon œil et m'entendent penser;
J'ai des cœurs inconnus, où la muse m'écoute,
Mystérieux amis, à qui parlent mes vers,
Invisibles échos répandus sur ma route
Pour me renvoyer des concerts.

Mais l'âme a des instincts qu'ignore la nature,
Semblables à l'instinct de ces hardis oiseaux,
Qui leur fait, pour chercher une autre nourriture,
Traverser d'un seul vol l'abyme aux grandes eaux.
Que vont-ils demander aux climats de l'aurore?1
N'ont-ils pas sous nos toits de la mousse et des nids,
Et, des gerbes du champ que notre soleil dore,
L'épi tombé pour les petits?

Moi, j'ai comme eux le pain que chaque jour demande,
J'ai comme eux la colline et le fleuve écumeux;
De mes humbles désirs la soif n'est pas plus grande,
Et, cependant, je pars et je reviens comme eux;
Mais, comme eux, vers l'aurore une force m'attire,
Mais je n'ai pas touché de l'œil et de la main
Cette terre de Cham, notre premier empire,
Dont Dieu pétrit le cœur humain.

Je n'ai pas navigué sur l'océan de sable,
Au branle assoupissant du vaisseau du désert ;
Je n'ai pas étanché ma soif intarissable,

Le soir, au puits d'Hébron de trois palmiers couvert.
Je n'ai pas étendu mon manteau sous les tentes,
Dormi dans la poussière où Dieu retournait Job,
Ni, la nuit, au doux bruit des toiles palpitantes,
Rêvé les rêves de Jacob.

2

Des sept pages du monde une me reste à lire,
Je ne sais pas comment l'étoile tremble aux cieux,
Sous quels poids de néant la poitrine respire,
Comment le cœur palpite en approchant des dieux !
Je ne sais pas comment, au pied d'une colonne,
D'où l'ombre des vieux jours sur le barde descend,
L'herbe parle à l'oreille, ou la terre bourdonne,
Ou la brise pleure en passant.

Je n'ai pas entendu, dans les cèdres antiques,
Les cris des nations monter et retentir;
Ni vu, du haut Liban, les aigles prophétiques
S'abattre au doigt de Dieu sur les palais de Tyr;
2 Seven wonders.

VOL. I.

1 East.

F

Je n'ai pas reposé ma tête sur la terre,
Où Palmire n'a plus que l'écho de son nom,
Ni fait sonner au loin, sous mon pied solitaire,
L'empire vide de Memnon.

Je n'ai pas entendu, du fond de ses abymes,
Le Jourdain lamentable élever ses sanglots,
Pleurant avec des pleurs et des cris plus sublimes
Que ceux dont Jérémie épouvante ses flots;
Je n'ai pas écouté chanter en moi mon âme
Dans la grotte sonore où le barde des rois

Sentait, au sein des nuits, l'hymne à la main de flamme,
Arracher la harpe à ses doigts.

Et je n'ai pas marché sur les traces divines,
Dans ce champ où le Christ pleura sous l'olivier ;
Et je n'ai pas cherché ses pleur sur les racines
D'où les anges jaloux n'ont pu les essuyer!
Et je n'ai pas veillé pendant des nuits sublimes
Au jardin où, suant sa sanglante sueur,
L'écho de nos douleurs et l'écho de nos crimes,
Retentit dans un seul cœur.

Et je n'ai pas couché mon front dans la poussière,
Où le pied du Sauveur en partant s'imprima;
Et je n'ai pas usé, sous mes lèvres, la pierre,
Où, de pleurs embaumé, sa mère l'enferma !
Et je n'ai pas frappé ma poitrine profonde
Aux lieux où, par sa mort, conquérant l'avenir,
Il ouvrit ses deux bras pour embrasser le monde ;
Et se pencha pour le bénir.

Voilà pourquoi je pars, voilà pourquoi je joue
Quelque reste de jours inutiles ici bas.
Qu'importe sur quel bord le vent d'hiver secoue
L'arbre stérile et sec et qui n'ombrage pas ?
L'insensé! dit la foule.-Elle-même insensée !
Nous ne trouvons pas tous notre pain en tout lieu :
Du barde voyageur le pain, c'est la pensée;

Son cœur vit des œuvres de Dieu!

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