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court, on se sauve dans toutes les chambres; le plus grand désordre règne dans le salon, et, à travers tout ce tapage, on entend les éclats, de rire du maître de la maison qui vient de voir une des chauvessouris s'attacher à la perruque de l'Ecossais, m 5. „Atrodil stuuŤ Cette plaisanterie dut clore le bal. Je sortis en même temps que le joueur à la bouillotte, qui continuait de répéter tout le long de l'es calier ; Je suis dans mon argent! Je ne gagne pas!. Je ne fais rien!?. Je suis rentré dans mon argent !"—Journal de Paris, dist

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IMPRESSIONS D'UNE FAMILLE ANGLAISE PENDANTS UN SEJOUR EN FRANCE.

INTRODUCTION.

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MONSIEUR,

2943 Plusieurs articles, que j'ai remarqués dans le Caméléon,... m'ont fait penser que, ne vous renfermant pas dans ce qui est purement littéraire et historique, vous vous êtes également proposé un autre objet, non moins important, celui de reproduire des tableaux de mœurs qui nous fassent faire connaissance, à nous autres Insulaires, avec les habitudes de la vie en France. Mes compatriotes vous sauront gré, sans doute, de vos efforts et de vos intentions, s'ils ont, comme moi, la conviction qu'on ne saurait arriver à la vraie содnaissance d'une langue, sans étudier, en même temps, les mœurs et la manière de vivre de ceux qui la parlent, et dont elle sert à exprimer les idées et les besoins. Pénétrée de l'utilité dont le Caméléon sera pour nous, en marchant vers ce double but, j'ai cru aussi que je pourrais vous aider à l'atteindre. Je vais vous dire comment; vous jugerez ensuite, si je me suis trompée.

I

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Il y a quelques mois que je suis de retour d'un séjour que j'ai fait en France avec toute ma famille. Le but de ce séjour, qui a été d'une assez longue durée, n'était pas l'économie, qui conduit un si grand nombre d'Anglais par de là la Manche; ce n'était pas, non plus, de nous perfectionner dans la langue, dont nous avions déjà une assez grande habitude; mais c'était de voir, par nos yeux, un pays si intéressant; de juger, par une expérience de tous les jours et de tous les moments, de l'état actuel de l'esprit, de la morale, de la religion et de l'humeur de ses habitants. Occupant dans le monde une position honnête, mais modeste, qui ne nous mettait point trop en évidence, qui ne nous imposait aucune contrainte, aucuns de ces

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sacrifices que la société, parfois exigeante, demande à ceux qui en occupent les premiers rangs; jouissant, en même temps, des avantages d'une fortune aisée, nous avons pu nous livrer à nos goûts en toute liberté, donner à nos désirs et à notre curiosité d'outre-mer une pleine et entière satisfaction. Nous avons pu tout voir et tout étudier, parce que nos moyens et nos loisirs nous le permettaient, et nous avons pu le faire sans interruption et avec une tranquillité parfaite, parce que nous passions, pour ainsi, inaperçus, que nous n'attirions pas sur nous les regards, qui se portent toujours sur ceux qui occupent les sommités de la société.

Mais, non contents de voir, nous avons voulu également nous rendre compte de ce que nous voyions. Nombre de faits, de situations, de choses, enfin, passent inaperçues pour les habitants, parce qu'elles font partie de leur existence, de leur mode habituel, mais elles frappent l'étranger dont l'esprit est imbu d'idées différentes et façonné à d'autres manières. Il en résulte un choc, qui frappe sa pensée, une émotion soudaine des sens et de l'esprit, qui constitue ce que les voyageurs de nos jours sont convenus d'appeler Impressions. Dès les premiers jours de notre arrivée, nous formâmes la résolution d'étouffer tous les préjugés qui nous porteraient ou à blâmer ou à trouver ridicule ce qui ne serait pas dans nos idées nationales, de chercher, au contraire, à nous expliquer nos impressions et à en approfondir les causes; et, ensuite, de tout mettre par écrit. Nous convînmes donc de tenir un journal de famille, où chacun inscrirait ses propres réflexions, raconterait ce qu'il aurait vu de remarquable. Il nous sembla qu'un journal de ce genre aurait aussi un double avantage. Ce serait, à la fin de notre voyage, un recueil amusant d'esquisses de mœurs, d'aperçus de la position sociale, politique et religieuse des français; recueil d'autant plus piquant, qu'écrit par des personnes des deux sexes et de différents âges, il embrasserait une sphère d'objets plus étendue, puisque chacun des collaborateurs, ou s'attacherait plus particulièrement aux choses qui entreraient plus spécialement dans les goûts de son âge, de son sexe et de ses habitudes, on bien verrait les objets d'un point de vue plus ou moins rapproché, suivant qu'il serait plus ou moins avancé dans la vie, qu'il aurait plus ou moins l'expérience du monde. Ce journal produirait un effet salutaire sur nos esprits, en ce qu'un examen juste des choses, là où, d'abord, nons ne verrions qu'à blâmer, nous montrerait peutêtre la nécessité et le résultat indispensable des événements, plutôt que la volonté individuelle: nous crûmes que ce journal éveillerait en nous des sentiments d'indulgence et que, alors, au lieu de cenVOL. II. I

surer et de blåmer nos voisins, nous serions plutôt portés à les plaindre du mal que nous aurions observé, tandis que nous les aimerions davantage du bien qu'ils auraient offert à nos yeux. L'expérience a réalisé notre attente.

C'est donc ce journal, monsieur, que je viens vous offrir. Il m'a semblé que vous pourriez en tirer un parti avantageux, et que vos lecteurs Anglais liraient avec plus de plaisir, et certes avec plus de confiance, des détails sur la France présentés par des personnes à qui l'éducation première, les mêmes principes et les mêmes habitudes doivent donner une même manière, à peu près, de voir les choses; qu'enfin, il y aurait, entre les narrateurs et les lecteurs, communauté de sentiments. A vous parler franchement, cependant, je ne m'attends nullement à ce que vous admettiez le journal en entier dans vos pages. Les enfantillages, les mouvements de mauvaise humeur, les élans d'orgueil national de Master Tom, les longues réflexions morales de mon fils aîné, les tirades où il se plaît quelquefois à donner cours à son indignation, les importants détails de mes filles sur les modes, sur la parure de telle ou telle personne, tout cela, je le sens, n'intéresserait guères vos lecteurs. Ce sera donc à vous à choisir, à prendre ce qui vous conviendra, et à laisser le reste. Tout ce que je puis dire, c'est que si, d'un côté, nous sommes flattés de pouvoir contribuer à remplir l'objet que vous vous proposez, de l'autre, notre vanité ne sera nullement blessé de vous voir élaguer ce qui ne vous paraîtra pas convenable.

House, Essex, 12 Mai, 1837.

F. W.

L'annonce que le Caméléon a déjà faite deux fois des Impressions d'une famille Anglaise pendant un séjour en France, prouve que nous n'avons pas hésité à accepter la proposition de notre aimable correspondante. C'était une bonne aubaine pour nous et pour nos lecteurs. Le seul regret que nous ayions, c'est que le journal soit en Anglais. Une bonne traduction, quoiqu'on en dise, n'est pas chose aisée: nous réclamons donc d'avance l'indulgence de nos auteurs, si quelquefois, pour éviter des Anglicismes, nous ne rendons pas toujours heureusement le ton naturel et le laisser aller dans lesquels le journal est généralement écrit.

La longueur de la lettre de Mrs. F. W. et l'abondance des matières déjà annoncées n'ont pas permis de commencer les extraits dans le présent numéro, mais, à l'avenir, nous leur consacrerons toujours quelques pages.

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L'office du matin venait de finir à l'église de St. Sulpice à Paris. Chacun se pressait vers le grand portail; deux jeunes personnes semblaient attendre que la foule s'écoulât pour faire signe à leur cocher d'avancer. A l'âge quelles paraissaint avoir, on eût pu les prendre pour sœurs jumelles, si la différence de leur mise n'eût indiqué la distance qui les séparait. La première portait une robe virginie, eau pâle, taillée à la grecque, sur laquelle on voyait une longue chaîne en or au bout laquelle était suspendu un riche médaillon. Un magnifique cachemir lui couvrait les épaules. Elle marchait la première et agitait de sa main droite, qu'enfermait un gant blanc d'une peau très fine, un petit mouchoir de batiste brodé aux quatre coins, et encadré d'une belle maline. À ce signe, un gros cocher, revêtu d'une riche livrée, fit approcher la voiture le plus possible; mais l'élégante demoiselle ne pouvait encore descendre; la foule ne s'était pas dissipée.

Faites-moi la charité, lui dit sourdement un vieillard, au teint pâle, aux joues amaigries, et couvert des haillons de la misère : elle recula en jetant sur lui un regard de mépris.

- Ayez pitié de moi, continua-t-il, fixant sur elle des yeux qui semblaient vouloir pénétrer jusqu'au fond de son âme. Sans répondre, elle secoua son châle, qu'il avait touché.

Se peut-il que la prière d'un malheureux, affaibli par les jeûnes et les souffrances, glisse sur votre cœur sans le toucher. Qui donc, ajouta-t-il, soulagera le pauvre infirme, si ceux que la fortune a comblés de ses dons s'y refusent ?

-

Avancez donc Suzanne? dit la jeune dame avec impatience, en se tournant brusquement vers la jeune fille qui semblait être à ses ordres. Celle-ci avait pour toute parure une robe de percale unie; et un chapeau de paille couvrait presqu'entièrement son visage enchanteur.

-Eh quoi! c'est en ces lieux que vous me refusez l'aumône ? dit le mendiant, en s'approchant de plus près.

-Faites-moi grâce de vos leçons, répondit la vaine jeune fille, en le repoussant avec mépris; mais son œil rencontra celui du pauvre, et elle en fut troublée. Donnez quelque chose à ce malheureux," dit elle. Et, légère comme un sylphide, elle s'élança dans sa calèche. Suzanne n'attendait que cet ordre; et, même, si elle

n'eût craint d'être vue d'Armandine, elle eût déjà fait passer dans la main de cet homme, la monnaie, qu'à cet effet, elle tenait entre ses doigts.

Bonne demoiselle, dit-il, en pressant de ses lèvres violettes cette main bienfaisante. Dieu vous le rendra! Des larmes étaient dans ses yeux, en regardant la jolie Suzanne.

- Eh bien avancez donc ? que faites-vous là? est-ce à moi à vous attendre ? s'écria l'orgueilleuse Armandine. Cette belle enfant rougit et une juste indignation se peignit dans son regard; elle s'élança sur le marchepied que le valet tenait encore baissé. Pendant qu'il le relevait, le mendiant, attachant sur elle un œil attendri, répéta:-Oui, Dieu vous le rendra! L'étoile du bonheur luira à son tour sur votre tête. Un sourire de mépris effleura les livres d'Amandine.

- Je dis vrai, reprit-il: récompense à la vertu; punition à l'orgueil. Touts les traits du mendiant exprimaient la colère en regardant cette fille froide et hautaine. Puis, ramassant une paille, il la jeta en l'air, et, lorsquelle retomba, il la foula aux pieds. Voilà ton image, cœur fier et sans pitié.

La voiture s'éloigna. Le sot et insolent personnage, dit Amandine dédaigneusement: si je n'eusse craint de me donner en spectacle à cette populace, je l'aurais fait arrêter. Suzanne soupira! Vous le connaissez donc ?

Moi, mademoiselle, pas plus que vous.

Cependant, vous, semblez tellement émue, que l'on serait tenté de croire que quelques liens vous attachent l'un à l'autrre.—Je vous répète, dit Suzanne, avec un peu d'humeur, que je ne le connais pas. Je le vis pour la première fois à la sortie du bal de votre tante, où, s'attachant encore à vos pas, il vous priait de lui accorder quelques secours, que vous lui refusâtes, ajouta-t-elle, en appuyant sur cette phrase.

Votre cœur généreux a dû bien souffrir, car vous semblez éprouver pour ce misérable un sentiment qui n'est pas ordinaire.

Suzanne fixa sur Amandine un regard dans lequel sa belle âme se peignait tout entière.

Ce regard était noble et imposant.-Ce que j'éprouve, en effet, ne peut vous être connu; l'orgueil seul remplit votre cœur, l'humanité ne saurait y pénétrer.

Vous êtes bien hardie de me parler ainsi! redescendez à votre place. Et vous, mademoiselle, remontez à la vôtre. Car on s'abaisse toujours à vouloir trop s'élever.-Quoi, impertinente vous osez me

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