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Le savant Ruellius, pour témoigner à quel point le chou est une plante aimée de la nature elle-même, résume toutes ses qualités dans cette remarquable expression: "Nullam terram aversatur." Ce qui veut dire en français libre: "Il pousse partout."

Il s'est rencontré dans la pâtisserie friande un petit gâteau fin, délicat, exquis: on l'a nommé un chou.

Dans l'ancien temps, les femmes tenaient ce légume en si grand honneur, qu'elles en appliquèrent le nom à un des plus beaux ornemens de leur coiffure.

Les femmes d'aujourd'hui (c'est une justice à leur rendre) commencent à suivre, en cela, l'exemple glorieux de nos aïeules. Un ruban capricieux, une gaze légère ont pris le nom de ce légume, qui donna aussi son nom à la plus jolie teinte verte, au vert jadis le plus à la mode. En ce moment, les noeuds en rosette sont forcés de baisser pavillon devant les nœuds en chou.

Mais ce qui place notre plante favorite au premier rang des excellentes choses, c'est l'usage habituel dont elle est dans le Dictionnaire de l'Amour.

Vous êtes un homme ou une femme, je suppose, vous voulez exprimer toute votre tendresse à l'objet aimé, quel mets vous viendra à la bouche? est-ce concombre ou épinard, oseille ou petit pois ? non; ce sera chou. Vous direz: mon petit chou.. Cher petit chou, que je t'aime !

Personne n'a jamais dit à personne: Chère petite asperge, que je

t'adore!

De même que les poètes appelèrent une jolie femme du nom d'une rose, la plus jolie des fleurs, de même les amoureux se donnent le nom de la plante la plus aimable.

Heureux l'homme qui entend murmurer à ses oreilles : "Mon petit chou!" Heureuse la femme qui entend le même mot susurrer tout près de son cœur ! Ceux-là seuls peuvent vraiment se croire en possession de la félicité la plus parfaite, car chou et même petit chou est le synonime d'amour et de constance. Thésée qui trahit Ariane, Enée qui abandonna Didon, Lovelace qui victima Clarisse, n'ont jamais employé, même à table, ce mot que Werther, le type de la fidélité, mangeait chaque matin en tartines. Il est vrai que sur sa sauer kraut (choucroûte) le fidèle Werther avait l'habitude de mettre des confitures. Mais rien ne prouve que les confitures aient la puissance d'exalter le cœur et de fixer l'amour. Du moins telle est l'opinion de Goethe lui-même, l'amant le plus fidèle et conséquem

ment le plus grand mangeur de choucroûte dont le beau sexe et la littérature allemande puissent justement s'énorgueillir.-L'Entr'acte.

-Unphysicien vient de mettre littéralement la lumière en bonteille. S'étant aperçu que le vide électrisé devenait lumineux, il a fait construire un ballon de trois pouces de diamètre avec un col long de trente; il l'a rempli de mercure et l'a renversé dans une cuvette pour le vider; le mercure descendit et se maintint à vingt-huit pouces dans le col; il ferma hermétiquement au chalumeau son ballon audessus du mercure, et obtint un globle avec un vide absolu; il est entendu qu'il avait assujetti auparavant sur un axe du globe les pointes électriques qui reçoivent le fluide d'une pile galvanique placée dans un coin de l'appartement. Ce globe lumineux est suspendu au plafond de sa chambre, et produit l'effet d'un petit soleil artificiel dont la lumière ne blesse pas les yeux comme celle du vrai soleil, (Echo du Monde savant.)

MOTS GRECS.

Bientôt, les Erudits seuls pourront lire les annonces et les puffs des journaux sans le secours d'un Dictionnaire. On dirait que les Français veulent faire parade de leurs connaissances classiques, qu'ils ont pris à tâche de prouver combien ils ont mis à profit les années de paix et de tranquillité, qui ont succédé à celles où le cahos révolutionnaire et la vie toute guerrière du règne de Napoléon ne leur permettaient pas de s'occuper de Grec et de Latin. Les nouvelles inventions ont aujourd'hui le double mérite d'avoir un beau nom Grec. L'un annonce sa pâte Onicophone, dont l'usage donne aux ongles un émail brillant et une couleur rosée; celui-ci vante sa pommade Melainocome, qui fait croître et épaissir les cheveux et les empêche à jamais de blanchir. Un autre corrige le bégaiement au moyen de sa méthode Orthophonique, et celui-là les défauts du corps à l'aide de l'Orthopédie.

La lecture des ouvrages modernes n'est pas plus facile que celle des petites-Affiches. On ne dit plus le mal de dents, mais l'odontalgie; La névralgie a remplacé les maux de nerfs; Le mot déluge est devenu trop commun, on l'a remplacé par catachlysme: et, le mal du pays, par nostalgie. George Sand parle de l'Ankylose des ressorts d'une voiture, et de l'Antomédon d'un char à banc. Tout cela est fort beau, fort classique, sans doute, mais, soit dit sans

méchanceté, ne se rencontre-t-il pas quelquefois des lecteurs qui disent, comme le Bourgeois Gentilhomme, Oui j'entends cela, mais faites comme si je ne le savais pas, expliquez-moi ce que cela veut dire.

L'HOMME D'AFFAIRES.

Un homme d'affaires est marié à une femme digne d'être son associé; il prête à un de ses cliens passablement solvable une somme de 600 fr. pour un an, à 50 pour 100, les intérêts en dedans: c'està-dire qu'il fait souscrire à l'emprunteur un billet de 600 fr., et, lui, en remet 300. Cette négociation conclue, il attend avec joie sa femme pour lui en faire part. Elle rentre, apportant la maigre provision du jour, pour le prix de laquelle elle s'est débattue une heure au marché; elle rentre, et son mari lui explique sa belle opération; mais la femme lui jette un regard de dédain, et lui dit :-Tu as prêté 600 fr. pour un an à 50 pour 100, et tu as donné cent écus?— Oui.-Eh bien il fallait prêter pour deux ans, tu n'aurais rien donné du tout. Voilà qui me paraît admirable: cette femme était digne d'être le mari.

- La Signora Emilia Cassella, de Florence,* vient de mettre au jour un petit ouvrage que les maîtres et les mamans verront avec plaisir. C'est un recueil de conversations en Français et en Italien adapté à l'usage des Jeunes personnes. Nous en avons parcouru les pages, et, partout, nous y avons trouvé le ton de la conversation familière sur tous les sujets, ainsi que les locations, qui appartiennent essentiellement à la langue usuelle et aux personnes du monde. Ces conversations sont suivies d'un Vocabulaire Français Italien et Anglais fort utile.

CORRECTION MATERNELLE.

Le petit Vidame d'Amiens était gaucher de nature et par entêtement, ce qui contrariait sa tendre mère la Duchesse de Chaulnes. Un jour, elle le vit donner un soufflet à sa tante: elle se mit à crier impatiemment: Toujours de la main gauche !. . . .

(Marquise de Créqui.)

* Memorietta Italiana, o Conversazioni Familiari, per le Fanciulle. J. Souter, London.

GUILLAUME TELL. (Suite.)

LE lendemain du jour où les choses que nous venons de raconter s'étaient passées, on annonça au bailli Hermann Gessler de Brunegg un messager du chevalier Beringer de Landenberg. Il donna ordre de le faire entrer.

Le messager raconta l'aventure de Melchtal et la vengeance de Landenberg.

A peine eut-il fini, qu'on annonça un archer du seigneur de Wolfranchiess.

L'archer raconta la mort de son maître, et de quelle manière le meurtrier s'était échappé, grâce au secours que lui avait porté un homme nommé Guillaume, de Burglen, village placé sous la juri-. diction de Gessler. Le bailli promit qu'il ferait justice de cet homme.1

Il venait d'engager sa parole, lorsqu'on annonça un soldat de la garnison de Schwanau.

Le soldat raconta que le gouverneur du château ayant insulté une jeune fille d'Art, avait été surpris à la chasse par les deux frères de cette jeune fille et assommé par eux; puis les assassins s'étaient réfugiés dans la montagne, où on les avait poursuivis inutilement,

Alors Gessler se leva, et jura que si le jeune Melchtal, qui avait cassé le bras à un valet de Landenberg, que si Conrad de Baumgarten, qui avait tué le seigneur de Wolfranchiess dans son bain, que si les jeunes gens qui avaient assassiné le gouverneur du château de Schwanau tombaient entre ses mains, ils seraient punis de mort. Les messagers allaient se retirer avec cette réponse, mais Gessler les invita à l'acompagner auparavant sur la place publique d'Altorf.

Arrivé là, il ordonna qu'on plantât en terre une longue perche,3 et sur cette perche il plaça son chapeau dont le fond1 était entouré par la couronne ducale d'Autriche, puis il fit annoncer à son de trompe que tout noble, bourgeois ou paysan, passant devant cet insigne de la puissance des comtes de Halsbourg, eût à se découvrir en signe de foi et hommage; alors il congédia les messagers en leur ordonnant de raconter ce qu'ils venaient de voir, et d'inviter ceux. qui les avaient envoyés à en faire autant dans leur juridictions respectives, ce qui était, ajouta-t-il le meilleur moyen de reconnaître 1 That the man should be punished. Had taken refuge.3 Pole.4 The crown of which. Must uncover himself.- 6 To know.

VOL. II.

S

les ennemis de l'Autriche; enfin il plaça une garde de douze archers sur la place, et leur ordonna d'arrêter tout homme qui refuserait d'obéir à l'ordonnance qu'il venait de rendre."

Trois jours après, on vint le prévenirs qu'un homme avait été arrêté pour avoir refusé de se découvrir devant la couronne des ducs d'Autriche. Gessler monta à l'instant à cheval, et se rendit à Altorf, accompagné de ses gardes. Le coupable était lié à la perche même au haut de laquelle était fixé le chapeau du gouverneur, et autant qu'on en pouvait juger à son justaucorps de drap vert de Bâle, et à son chapeau orné d'une plume d'aigle, c'était un chasseur de montagne. Arrivé en face de lui, Gessler donna ordre qu'on détachât les liens qui le retenaient. Cet ordre accompli, le chasseur, qui savait bien qu'il n'en était pas quitte,10 laissa tomber ses bras, et regarda le gouverneur avec une simplicité aussi éloignée de la faiblesse que de l'arrogance.-Est-il vrai, lui dit Gessler, que tu aies refusé de saluer ce chapeau ?—Oui, monseigneur. Et pourquoi cela ?—Parce que nos pères nous ont appris à ne nous découvrir que devant Dieu, les vieillards et l'empereur.-Mais cette couronne représente l'empire.-Vous vous trompez, monseigneur, cette couronne est celle des comtes de Habsbourg et des ducs d'Autriche. Plantez cette couronne sur les places de Lucerne, de Fribourg, de Zug, de Bienne et du pays de Glaris qui leur appartiennent, et je ne doute pas que les habitants ne lui rendent hommage; mais nous qui avons reçu de l'empereur Rodolphe le privilége de nommer nos juges, d'être gouvernés par nos lois, et de ne relever que de l'empire, 12 nous devons respect à toutes les couronnes, mais hommage seulement à la couronne impériale.

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Mais l'empereur Albert, en montant sur le trône romain, n'a point ratifié ces libertés accordées par son père.-Il a eu tort, monseigneur, et voilà pourquoi 13 Uri, Schwitz et Unterwalden ont fait alliance entre eux, et se sont engagés, par serment, à défendre mutuellement envers et contre tous 14 leurs personnes, leurs familles, leurs biens, et à s'aider les uns les autres pas les conseils et par les armes.-Et tu crois qu'ils tiendront leur serment? dit en souriant Gessler. Je le crois, répondit tranquillement le chasseur. Et que les bourgeois mourront plutôt que de le rompre ?-Jusqu'au dernier. -C'est ce qu'il faudra voir.

7 The command he had just issued. To inform him.-9 Bonds.10 That was not all, i. e., that he was not going to be let off so easily.—"1 Of appointing.- 12 And of being subjects to the Empire alone.-13 That is the reason why.- Against whom it might happen.

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