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avait forcée à chercher une nouvelle condition. Quoiqu'elle fit tout pour me cacher la grandeur de ses sacrifices, mon cœur la devinait, et la reconnaissance n'ôtait rien au supplice de vivre de ses privations. Je savais tout ce qu'une femme peut savoir, excepté vivre du travail de ses mains; d'ailleurs le chagrin avait miné ma santé, au point de me ravir la possibilité d'une occupation continue.

Il ne me restait qu'une ressource; c'était de servir. La première fois que j'y pensai, des larmes de sang coulèrent de mes yeux. La fierté,qui sauve souvent du vice, qu'il faut modérer et ne jamais éteindre, se révolta avec une violence dont il serait impossible de calculer la force. Moi, née avec une fortune immense, entourée d'esclaves pendant ma jeunesse, de protégés dans tous les temps; moi n'ayant plus rien qu'un nom respectable par des traits héroïques, que l'histoire attestera à la postérité la plus reculée... servir! Oh! mon Dieu, vous vîntes encore à mon secours, et l'orgueil s'abaissa devant les préceptes de votre morale.

A force d'y réfléchir, je me rendis peu à peu cette idée plus fam ilière; je m'y accoutumai enfin, au point de pouvoir en parler à Augustine, sans lui découvrir une répugnance plutôt vaincue que détruite. Elle voulut s'y opposer, mais je fus inflexible; et je la suppliai d'employer ses efforts pour me procurer une place telle que je la désirais, c'est-à-dire le soin de présider à l'éducation de quelques jeunes personnes, seul emploi auquel je fusse véritablement propre. Il était inutile de lui prescrire de me recommander sous un autre nom que le mien, et seulement comme une infortunée qui avait tout perdu dans la révolution.

Quelques semaines après, Augustine, le cœur gros, les yeux mouillés de larmes, vint me dire qu'elle m'avait obéi, et me présenta une lettre pour une femme fort riche, qui désirait avoir auprès d'elle une personne instruite, des moeurs respectables, et pour laquelle elle promettait les plus grands égards. Je pris la lettre et ne pus remercier Augustine autrement qu'en lui serrant la main. Je m'appesantirai sur cette époque si remarquable de ma vie.

Je tenais la lettre destinée à me servir de recommandation; j'avais les yeux fixés sur l'adresse,et je ne la voyais pas. Absorbée dans l'immensité des pensées qui se succédaient, je ne pensais plus. La foudre, je crois, serait tombée à mes pieds, que je n'aurais pas été émue. Insensiblement mes idées s'éclaircirent, et je demandai: Que dirai-je ? Je ne trouvais pas de réponse à cette question. J'examinai enfin le nom de la personne que j'allais servir; elle s'appelait Depréval, et je réfléchissais machinalement sur ce nom, comme s'il eût pu m'apprendre quelque chose de l'avenir que je redoutais. Extrêmement fatiguée de ne pouvoir m'arrêter à rien, je me conchai. Pas un instant de sommeil. Une femme, la veille d'être présentée à la cour, n'était pas plus occupée de sa toilette que moi de la mienne. Je

craignais d'inspirer de la pitié; je craignais encore plus de ne pouvoir adoucir un air de dignité que la nature et l'habitude de commander avaient répandu sur toute ma personne. Je redoutais surtout de ne pouvoir supporter avec résignation les questions auxquelles il fallait m'attendre. Le jour me surprit, et je n'avais encore rien résolu. J'aurais souhaité éloigner le moment fatal, mais j'appréhendais, en le différant, de manquer l'occasion de cesser d'être à charge à la pauvre Augustine. Ceux qui n'ont pas connu l'éclat et l'opulence en naissant, se feront difficilement une idée de ce qu'il en coûte pour subir l'humiliation. Il ne faut qu'un jour pour payer bien cher des jouissances qui pourtant ne donnent aucun véritable plaisir puisqu'elles ont toujours en la monotonic de l'habitude. On ne les apprécie qu'en les perdant.

A dix heures, j'étais prête, et je balançais encore. L'idée d'arriver trop tôt, de faire anti-chambre, de me trouver peut-être, pour essai, la camarade d'un de mes anciens laquais; l'idée plus affreuse d'être congédiée après avoir subi un insolent interrogatoire, me poursuivaient involontairement. Enfin, je m'arme de courage, je descends rapidement l'escalier, et me voilà dans les rues, marchant à pas précipités, tremblante qu'on ne lût sur mon visage ce qui se passait dans le fond de mon âme. J'étais vêtue de noir, et je n'osais arrêter les yeux sur personne, quoiqu'un voile assez épais me mit à l'abri des regards. J'arrive à la porte de ma maîtresse future; je la demande, appréhendant qu'elle ne fut sortic; on me répond qu'elle est chez elle, et j'en éprouve une sorte de chagrin. Je monte; mes genoux fléchissaient. Je m'adresse au premier domestique que je rencontre,en le priaut de me faire parler à sa maîtresse ; il me dit d'attendre, qu'il va faire avertir une des femmes de madame ; je m'assieds, et j'attends. Une demi-heure se passe, pendant laquelle une foule d'allants et de venants, tous pour monsieur, m'ôtent la faculté de réfléchir sur toute autre chose que la crainte d'être reconnue. Une femme arrive, me demande qui je suis, et ce que je veux à sa maitresse. Je désire lui parler.-De quelle part -De la mienne.-Votre nom?-Je ne peux le dire qu'à elle-même.-Madame est rentrée fort tard; elle n'a point encore sonné.-J'attendrai.

Madame sonna à l'instant même, et presque aussitôt on vint me dire que je pouvais entrer. Je suis mon introductrice à travers plusieurs pièces dont l'ameublement, l'élégance, la richesse m'étonnèrent, moi qui avais joui autrefois de tout ce qu'on admirait. Nous entrons dans une chambre à coucher où il faisait un léger demi-jour; madame était encore au lit. Je lui présente ma lettre en tremblant ; elle m'engage à m'asseoir, me demande excuse de s'habiller devant moi, ajoutant qu'elle avait préféré me faire entrer à me laisser dans une antichambre où il passait continuellement du monde. Son ton d'aménité me rassura; cependant je n'osais lever les yeux

sur elle. Tout ce que je pus remarquer, tandis qu'on lui présentait une robe du matin, garnie de dentelles, c'est qu'elle était d'une taille admirable et remplie de grâces naturelles. Enfin la toilette s'achève; elle ordonue à sa femme de chambre d'ouvrir et de nous laisser. Tandis qu'elle brise le cachet de la lettre, la parcourt, je baisse les yeux, je jette mon voile en arrière. Au même instant, j'entenda un cri perçant; cette femme tombe à mes pieds en répétant : en répétant:" Madame de Senneterre! ô ciel! madame de Senneterre!" Je la regarde, c'était Suzette!

Elle était sans connaissance; je la porte sur son lit ; je sonne, on accourt, on lui prodigue des secours dont j'avais presque autant besoin qu'elle, car j'étais retombée sur un fauteuil, ne pouvant ni parler ni agir. Son mari, les personnes qui se trouvaient chez lui, tous les gens de la maison étaient accourus, et attendaient avec inquiétude qu'elle reprît ses esprits. Bientôt elle ouvre les yeux et me cherche; la foule me cachait; elle me demande, et j'approche.

"Oh ! madame, ma bienfaitrice!" s'écrie-t-elle. Je lui mets la main sur la bouche, en lui recommandant le secret.

Impossible, impossible, madame. Comment cacherais-je ma joie ? pourquoi rougirais-je de ma reconnaissance? pourquoi rougiriez-vous de vos malheurs, vous dont la vie fut un acte continuel de vertus et de bienfaisance? Monsieur, dit-elle à son mari, vous ne la reconnaissez donc pas? Elle est si changée! vous ne reconnaissez pas madame de Senneterre?"

Son mari s'approcha de moi avec autant d'embarras que d'empres sement, et me fit un compliment qui me prouva ce qu'il est si facile de vérifier chaque jour, que chez les femmes la sensibilité et le goût suppléent à l'éducation, tandis qu'un homme qui a eu le malheur de n'en pas recevoir, n'est jamais plus mal placé que dans une situation qui fixe les regards sur lui.

Suzette demanda qu'on nous laissât seules, avertit son mari, d'un ton caressant, qu'elle n'irait pas dîner en ville, le pria de l'excuser sur sa santé; et aussitôt que nous fûmes tête à tête, elle me prodigua des caresses d'un ton si aimable et si respectueux, qu'elle fit passer dans mon âme toutes les émotions qui agitaient la sienne.

"Vous ne me quitterez point, n'est-il pas vrai, madame ? vous aurez ici votre appartement, vous y serez servie comme si vous étiez ma mère. Eh! ne l'avez-vous pas été ? Libre de commander dans toute la maison; moi-même je ne me présenterai chez vous que lorsque vous le permettrez. Qu'est devenue Augustine? Est-ce qu'elle vous a aussi abandonnée ? "

(A suivre)

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