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guide dans la méditation que nous allons entreprendre. L'Évangile, selon lui, est un mystère, et sous ce premier point de vue il surpasse la raison; mais ce mystère est la sagesse de Dieu, et sous ce second point de vue il est la raison souveraine. Ce sont des choses que l'œil n'a point vues, que l'oreille n'a point entendues et qui ne vinrent jamais dans l'esprit de l'homme: voilà la partie du mystère qui est au-dessus de la raison. Mais Dieu nous les a révélées par son Esprit : voilà la raison éternelle rendue en quelque sorte intelligible à l'homme, par la révélation de l'Esprit de Dieu.

Suivez-nous, mes frères, avec recueillement et avec intérêt, non point comme ayant à vous entretenir ici des spéculations de telle ou telle école philosophique, mais comme vous prêchant, vous expliquant et cherchant, par tous les moyens. possibles, à faire pénétrer en vous la Parole qui peut seule sauver vos âmes (1).

Et toi, ô mon Dieu, qui es ma lumière et ma vie, ma sagesse et ma force, toi sans qui je ne puis que balbutier sur les mystères de ton amour, soutiens moi, donne efficace à ta Parole, daigne te servir du ministère d'un pauvre pécheur, autrefois plongé dans les plus épaisses ténèbres, pour amener quelques âmes à la connaissance de ton

(1) Jacques, I. 21.

Fils! Et puisque sans ta gràce, toute preuve, tout raisonnement, toute argumentation est inefficace, parle, prouve, convaincs, touche toi-même, afin que la foi qui sera produite dans ces chers auditeurs, soit le fruit, non de la sagesse de l'homme, mais de la puissance de Dieu (1). Ainsi soit-il.!

Si je voulais, mes frères, embrasser dans ce discours tout le champ des doctrines évangéliques, vous le comprenez vous-mêmes, le temps ordinairement fixé pour la durée de ces exercices ne suffirait pas à le parcourir. Obligé donc de me restreindre, je réduis à trois vérités capitales ce système chrétien que l'apôtre nous dit être audessus de la raison, mais non contre la raison. Ces vérités, qui sont l'essence du Christianisme, et sans lesquelles il n'y a pas de Christianisme, sont les suivantes : Misère de l'homme par le péché; rédemption de l'homme par Jésus-Christ; régénération de l'homme par le Saint-Esprit.

Quant à la misère de l'homme, Jésus-Christ l'a signalée, constatée, affirmée, plutôt qu'il ne l'a révélée ; car elle existait avant son apparition dans le monde, et même il n'est venu sur la terre que parce qu'elle existait. Or, comme il n'y a point de retour à Dieu sans connaissance de l'état d'éloignement où nous sommes de lui, ou, pour me

(1) I, Corinthiens II, 5.

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servir de l'expression spirituelle et vraie tout à la fois d'un Père de l'Église (1), comme « on ne monte point au ciel si l'on n'est auparavant descendu » dans les profondeurs et, en quelque sorte, dans » l'enfer de son cœur, pour en sonder la plaie, la première chose que fait Jésus-Christ, c'est de nous montrer nous-mêmes à nous-mêmes, non tels que le monde ou notre orgueil nous font accroire que nous sommes, mais tels que nous sommes réellement. Nous entrevoyons bien, il est vrai, sans la lumière de l'Évangile, quelque partie, quelque faible côté de notre misère, et quel est l'homme qui ne convienne qu'il est pécheur ! Mais ce qui nous manque, pour que cette vue de notre corruption inorale nous soit profitable, c'est de la sentir, et de la sentir telle qu'elle apparaît aux yeux de Dieu, c'est-à-dire grande, profonde dans sa nature, terrible dans ses conséquences. L'homme est naturellement si éloigné de savoir ce que c'est que le péché! Le péché, ce n'est pas seulement, comme on le croit en général, tel ou tel défaut de caractère, tel ou tel acte d'injustice, le mensonge, la fraude, la colère tout cela est le produit du péché, c'en est une manifestation au-dehors, mais ce n'est pas le péché lui-même. Il faut remonter au principe du

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(1) Saint Augustin.

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mal, et pour le voir dans toute sa laideur, il est nécessaire de le considérer dans sa source. Le péché, c'est en général l'éloignement pour Dieu. L'homme est devenu pécheur, dès qu'il a pensé qu'il pouvait se passer de Celui de la main paternelle et libérale de qui il tient tout, et sans lequel il ne serait pas. Il a voulu être son propre maître, son propre législateur, son propre juge; il a prétendu à l'indépendance vis-à-vis de Dieu, lui qui dépend de tout et pour tout; il a disposé de son existence, de sa vie, de ses facultés, de son temps, lui qui n'est maître de rien et qui ne possède qu'une existence empruntée; il s'est fait centre de l'univers, et il a tout fait converger à lui; le monde, il l'a exploité de toutes les manières et sous toutes les formes, au profit de son orgueil ou de sa sensualité; son coeur, il l'a ouvert à toutes les affections, excepté à la seule et grande affection dans laquelle il ne saurait jamais y avoir d'excès; il a cherché à comprendre, à saisir, à embrasser, à posséder tout dans la création, hormis son divin Auteur, et pour parler le langage puissant de l'Écriture, il a adoré et servi la créature, au lieu du Créateur, qui est béni éternellement (1). Voilà le péché dominant, la faute capitale, le principe de la maladie, la source de toutes les

(1) Romains I, 25.

misères de l'homme. Ce péché explique tous les autres, parce qu'il donne naissance à tous les autres. L'homme est sans Dieu (1), et parce qu'il est sans Dieu, il peut se porter aux plus grands excès, comme toute l'histoire est là pour le prou ver. Maintenant que chez cet homme cette corruption foncière, en tous la même, se montre sous la forme de l'orgueil et de l'ambition, chez cet autre sous celle de la sensualité, chez ce troisième sous celle de l'avarice, chez ce quatrième sous celle de la mondanité et de la dissipation; supposez même qu'elle se voile sous les dehors de la moralité, de la philanthropie; ce n'est pas là ce qui importe devant la loi; il suffit que l'homme n'aime pas Dieu, qu'il repousse le sentiment de sa présence, qu'il soit insensible à ses bienfaits, qu'il lutte secrètement contre sa volonté sainte, pour qu'il soit prévaricateur et coupable. Or, voici le point où la raison, souscrivant aux déclarations de l'Écriture et aux faits de l'expérience, doit se trouver d'accord avec l'une et l'autre. S'il est vrai qu'il existe une loi morale, éternelle et immuable comme Dieu et à laquelle est soumise la création entière des intelligences; s'il est vrai que la sanction de cette loi spirituelle et inviolable soit que tout être qui s'attache à Dieu, le bien

(1) Ephésiens II, 12.

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