Images de page
PDF
ePub

confusion que,

non-seulement les évêques et les prêtres, mais encore les simples fidèles, ont besoin de lumières et de force, pour ne point s'écarter de la vérité et ne point se séparer du centre d'unité. Redoublons de prières; demandons instainment à Dieu qu'il nous éclaire, nous fortifie et nous dirige dans les voies du salut. Prions pour notre commune patrie sa paix, sa gloire et son salut ne peuvent nous être indifférens. Quoique je sois à une autre extrémité de la terre, et que je paroisse ne plus tenir à la France par aucun lien, je ne laisse passer aucun jour sans prier pour elle. Je m'occupe continuellement du désir de la voir exempte de trouble, et jouir d'une paix et d'une tranquillité solide: mais en même temps je me félicite d'avoir embrassé l'état de missionnaire, et rends grâce à la divine Providence de m'avoir épargné la vue de tant de maux qui affligent ma patrie, et de m'avoir soustrait aux dangers multipliés de me perdre, auxquels j'y serois exposé. Si l'on compare notre vie, qui est, aux yeux du monde, une vie de peine et de travaux, à -celle qu'il faut mener, et à la conduite qu'il faut tenir au milieu des troubles affreux qui agitent la France, elle paroît exempte de dangers, et même douce et tranquille.

a

La religion fait toujours de nouveaux progrès dans la province du Su-tchuen, et la

foi paroît s'y propager à proportion du dépérissement qu'elle éprouve dans notre patrie. C'est bien le cas de s'écrier avec saint Paul: «O profondeur des richesses de la sagesse et de la science de Dieu! Que ses jugemens sont incompréhensibles et ses voies impénétrables »! O altitudo divitiarum sapientiæ et scientiæ Dei! Quàm incomprehensibilia sunt judicia ejus et investigabiles viæ ejus! (Ep. de saint Paul aux Rom., ch. 11, v. 33.)

Je vous marquai, l'an passé, que d'anciens chrétiens dispersés s'étoient enfin approchés du tribunal de la pénitence, après en avoir été éloignés pendant très-longtemps: la divine Providence m'en a encore envoyé, dans la dernière administration, un certain nombre d'autres, également dispersés, qui ne s'étoient pas confessés depuis huit, douze, trente et quarante ans, quelques-uns même de toute leur vie. La plupart au moins avoient toujours fait profession du christianisme. Une femme septuagénaire n'avoit pu voir le prêtre, malgré sa boune volonté, depuis beaucoup d'années, parce qu'elle étoit trop éloignée, trop foible de corps, et vivoit au milieu de parens païens. Enfin, au mois de mars de cette année, comme on la transportoit chez d'autres parens, aussi païens, elle passa par une ville où j'étois occupé à l'administration. Les chré

tiens la retinrent, me l'amenèrent, et trouvèrent moyen de faire différer le voyage de plusieurs jours. A voir l'empressement et l'avidité de cette femme à écouter les instructions, il étoit aisé de juger combien elle avoit son salut à coeur. Je l'administrai; il est vraisemblable qu'elle ne trouvera plus une occasion si favorable. C'est ici que l'on peut admirer les voies de la divine Providence à l'égard des élus.

La ville où j'étois se nomme Tchangcheou-hien; elle est située à deux journées audessus de Tchong-king-fou, sur le bord du fleuve qui descend dans la province du Hoûkouang. Les chrétiens qui sont dans le district de cette ville étant très-dispersés, c'est principalement là qu'il s'en est trouvé ci-devant et qu'il s'en trouve encore beaucoup qui depuis long-temps n'ont point approché des sacremens, les uns par impuissance, les autres parce que le défaut de secours et les persécutions les ont fait tomber dans le relâchement ou même l'apostasie. Dans la dernière administration, j'ai eu la consolation de voir plusieurs de ces apostats revenir au bercail. Deux chefs de famille qui avoient autrefois, en temps de persécution, affiché dans leur maison la tablette des païens, l'ont détruite et ont rétabli celle de la religion chrétienne.

Puisque je suis sur l'article de Tchangcheou, je n'en sortirai pas sans vous rap

[ocr errors]

уа

porter quelques traits particuliers qui me paroissent plus dignes d'attention. Un mandarin subalterne de cette ville, qui, dans la persécution générale, avoit beaucoup vexé les chrétiens de la campagne, mourut, il y a quelques années. Un de ses fils, âgé de dixsept ans, s'associa avec un chrétien pour le commerce. A portée d'entendre souvent parler des véritables principes de la religion chrétienne, et d'en lire les livres, ce jeune homme se détermina l'année dernière, de lui-même, c'est-à-dire par le seul mouvement de la grâce, et saus y avoir été excité par aucun chrétien, à l'embrasser. Il vouloit aussitôt adorer le vrai Dieu et faire profession ouverte du christianisme; mais les chrétiens, soit timidité, soit prudence, craignant qu'une personne de cette qualité ne leur attirât quelque persécution, ou voulant éprouver la sincérité de sa conversion, refusèrent alors de l'admettre dans leur assemblée pour adorer Dieu en public. Il resta plusieurs mois en cet état, apprenant les prières et renouvelant souvent sa demande; mais personne n'osoit condescendre à ses vœux. Enfin, à la nouvelle année chinoise, les chrétiens, vaincus par sa persévérance, et persuadés de la sincérité de sa conversion, l'admirent au premier acte d'adoration publique et aux prières communes auxquelles il fut toujours depuis très-assidu. J'arrivai

peu de temps après à la ville, pour administrer la chrétienté. Les chrétiens, le jugeant encore trop nouveau dans le christianisme pour voir un Européen et entendre la messe des catéchumènes, l'éloignèrent, sous différens prétextes, des assemblées, même les dimanches et fêtes, et lui prescrivirent de réciter ses prières en particulier, jusqu'à nouvel arrangement. Le jeune homme acquiesca facilement : mais une entrevue qu'il eut avec les deux jeunes gens qui m'accompagnent, et les discours des chrétiens, lui firent soupçonner que le maître de la religion étoit arrivé, et que c'étoit pour cette raison qu'on l'éloiguoit des assemblées; il renouvela ses instances, et venoit presque tous les jours à la maison où j'étois, pour sonder le terrain et se faire introduire en ma présence. On lui disoit que le maître qu'il vouloit voir étoit celui qui l'instruisoit (c'étoit mon catéchiste, âgé de 27 ans); il n'en croyoit rien, et persistoit à demander l'entrevue d'un autre maître qui ne paroissoit point. Quinze jours s'écoulèrent ainsi; enfin on ne put déguiser plus long-temps, et on l'introduisit en ma présence. Je vis en lui un jeune homme d'un naturel heureux et d'une éducation au-dessus du commun; en sondant l'origine et les motifs de sa conversion, je n'y trouvai rien que de surnaturel. Les chrétiens n'avoient osé jusqu'alors lui remettre le catéchisme en

« PrécédentContinuer »