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pas comment il en serait autrement pour le premier que pour le second. Il y a contrat judiciaire pour tous les deux. Cet effet une fois produit par l'appel principal pour les deux parties, un nouvel appel principal ne serait-il pas inutile pour l'intimé qui voudrait profiter de la remise en question de tout ce qui a été jugé, et faire réformer quelque chose de la décision de première instance? En réclamant cette réformation il présente une demande reconventionelle, qui doit être affranchie de toutes formes, de même que la demandé de la même nature qu'il aurait faite en première instance.

De là l'appel incident peut être interjeté par simples conclusions. On en a douté quelque temps, parce qu'on se bornait à lire le texte de l'art. 443, C. P. C., qui déclare seule ment l'appel incident recevable en tout état de cause, saus le dispenser formellement de la signification à domicile prescrite à peine de nullité pour l'appel principal.

Mais la difficultéa disparu dès qu'on a remarquéque, d'après l'art. 470, les règles établies pour les tribunaux de première instance doivent être observées dans les cours d'appel, et qu'il est de règle constante dans les tribunaux, que les demandes incidentes se forment par un acte ou par requête d'avoué, et même par simples conclusions sur la barre (art. 337, 406, C. P. C.) (1).

Il y a plus on a décidé que l'appel du garanti, provoqué contre le demandeur priucipal par celui du garant, peut être formé incidemment paracte d'avoué, et c'est de toute justice; car, la loi ne distinguant pas, on doit regarder comme appels incidents, tous ceux que les parties en cause peuvent émettre, soit envers l'appelant principal, soit les unes envers les autres, en ce qui concerne les objets remis en question. En décidant le contraire, on forcerait un garanti, dont les intérêts sont à couvert par un jugement, à se plaindre de cette sentence, de peur qu'après les délais expirés, quant à lui, uncautrepartie ne vint agiter des questions que lui-même ne serait plus admis à discuter. Cet inconvénient serait manifeste dans une cause où une garantic adjugée à une partie en première instance, laisserait celle-ci sans aucun intérêt à attaquer la décision des premiers juges, tant qu'elle serait respectée par les autres parties; et il serait contradictoire de mettre en cause ce garanti avec son son garaut, tandis qu'on le mettrait en même temps hors d'état de répondre à l'action d'une partie appelée en cause par celui-ci (2).

(1) Cassation, 12 février 1806; Bordeaux, 10 mars 1809; Turin, 14 mars 1809; Limoges, 9 août 1811, Colmar, 31 juillet 1812; t. 3, p. 44, vo dppol, n. 12.

(2) Golmar, 19 mai 1826, t. 34, p. 36.

Ne résulte-t-il pas de là qu'une partie a le droit d'appeler incidemment, non pas uniquement parce qu'elle est intimée, mais bien plutôt parce que l'appel principal a eu pour effet de remettre en litige tout ce qui a été jugé en première in. stance?

Aussi, la Cour de cassation a jugé que la partie qui a figuré dans un jugement qu'elle a intérêt à faire réformer, peut interjeter appel incident de cette décision, quoiqu'on ne l'ait pas intimée sur l'appel principal qui en a été interjeté, et qu'elle pouvait le faire en intervenant par simple requête d'avoué (1).

Voilà donc une preuve que l'appel incident prend sa source, non dans la qualité de l'intimé et dans le droit de se défendre qui doit lui appartenir, mais bien dans l'état litigieux résultant de l'appel principal.

Maintenant, entre qui la cause a-t-elle été remise en cet état? On vient de voir que ce n'est pas toujours seulement entre l'appelant et l'intimé.

Toutefois, ce sera le plus souvent entre eux, et de là on a conclu à tort en règle générale, que l'appel incident n'a lieu qu'entre l'appelant principal et l'intime.

Préoccupé de cette idée, on a décidé qu'il n'aurait pas lieu d'intimé à intimé, parce que l'un ne se défend pas contre l'autre (2). On a dit encore que l'intimé ne peut appeler incidemment qu'à l'égard de l'appelant principal, mais qu'à l'égard des autres parties intimées il doit recourir à la voie de l'appel principal (3).

Mais bientôt il a fallu faire des exceptions, et reconnaître que l'appel incident aurait lieu d'intimé à intimé, lorsque l'appel principal remettrait en question de l'un à l'autre la chose jugée en premier ressort. On a donc jugé qu'en matière de collocation dans un ordre, les intimés pourraient appeler incidemment entre eux (4).

On a, par une autre exception, décidé que l'intimé ne pourrait appeler incidemment vis-à-vis de l'appelant avec lequel il a fait cause commune. Il n'aurait que le droit d'adhérer aux conclusions de celui ci, et faire déclarer commun l'arrêt à intervenir entre eux (5).

Enfin, on a jugé que l'appel principal profitant à tous les consorts solidaires, il autorise contre eux l'appel incident de

(1) Cassation, 26 octobre 1808, t. 3, p. 186, vo Appel, n. 84.

(2) Toulouse, 31 mars 1828, t. 35. P. 222.

(3) Turin, 6 juillet 1808; Bourges, 12 février 1823, t. 3, p. 178, vo Appel, n. 74, t. 25, p. 46.

(4) Paris, 6 janvier 1826; Cass., 31 juillet 1827,t. 30, p.303 et t. 34, p. 14. (5) Paris, 23 novembre 1825, t. 30, p. 300.

la part de celui-là même qui anrait commencé des poursuites contre l'un d'eux, en vertu du jugement dont est appel (1). On n'eût point été forcé de faire ces exceptions, si on n'eût point établi en principe que l'appel incident n'a lieu qu'entre l'appelant et l'intime; et on n'eût point proclamé ce principe, si on eût reconnu que l'appel incident devait être permis entre les parties pour lesquelles la chose jugée en première instance est remise en question par l'effet de l'appel principal.

Or, ce n'est point de leur qualité d'intimé ou d'appelant que provient ce résultat et ce droit; c'est de l'appel principal

même.

L'appel principal ne s'étend qu'au jugement qui fait l'objet du procès; il en résultera donc que l'appel incident ne pourra frapper que ce jugement.

Aussi est-il constant qu'un appel incident n'est pas recevable s'il ne se rattache pas à un appel principal (2).

On a, par cela même, décidé qu'il ne suffit pas qu'il existe déjà un appel principal pour qu'on puisse interjeter un appelincident de tout autre jugement rendu dans la même cause (3).

De même, lorsqu'un curateur agissant en cette qualité interjette appel d'un jugement rendu contre son pupille, l'intimé ne peut se rendre incidemment appelant du jugement qui a nommé le curateur (4).

Cependant en serait-il de même si un jugement étranger à l'appel principal était opposé durant l'instance d'appel par une partie à l'autre?

La cour de Nimes a jugé la négative pour l'intimé (5); mais malgré la doctrine des auteurs, la jurisprudence ne l'a point proclamée pour l'appelant principal (6).

Une simple observation suffira pour démontrer que la cour de Nîmes a bien jugé, et que sa doctrine doit être appli quée même à l'appelant principal. Il est vrai qu'en parlant de l'appel incident, le Code de procédure suppose qu'il porte sur le jugement même qui est l'objet de l'appel principal dès lors on pent soutenir qu'il y a contradiction à appeler incidemment d'une décision dont il n'existe pas d'appel pricipal, et conclure que la partie qui se rend seule appelante d'un jugement, doit suivre la forme tracée par le Code de procédure. (7)

(1) Amiens, 11 décembre 1841, t. 23, p. 378.

(2) Cass., 13 août 1827, t. 34, p. 17.

(3) Cass., 26 mai 1814, t. 3, p. 415, vo Appel, n. 250.

(4) Aix, 24 mai 1809, t. 3, p. 176, v° Aspel, n. 71.

(5) Nimes, 7 janvier 1812, t. 3, p. 354, vo Appel, n. 196.

(6) Cassation, 24 juin 1813, t.. 3, p. 415, vo Appel, n. 250 aux observa

tions.

(7) Rennes, 9 mars 1820, t. 14, p. 598, vo Faux incident, n. 6o.

Mais il faut observer que les mots appel incident, indiquent seulement une contestation qui n'est pas l'objet principal du débat judiciaire devant le tribunal supérieur, et que de même que la demande incidente devant les premier juges suppose bien une demande principale et ne suppose pas nécessairement une demande qui porte sur le même objet, de même l'appel incident devant le second degré de juridiction suppose bien un appel principal, mais sans qu'il soit nécessaire que cet appel soit relatif au même jugement.

Il y a eu long-temps division entre les tribunaux sur le point de savoir si, lorsqu'un jugement renferme des chefs distincts et indépendants, et que l'un de ces chefs est seul l'objet de l'appel principal, l'intimé peut appeler incidemment des autres chefs (1). L'affirmative est maintenant constante et nous n'en rappellerons point les motifs. Mais elle l'eût été plus tôt si on se fût demandé quel est l'effet de l'appel principal; on aurait reconnu qu'il met tout le jugement de première instance à néant quoique dirigé contre un seul chef de cette décision, appellatur, disent les lois romaines, de tanto et discutitur de toto; quia appellatio est communis etiàm -parti quæ non appellaverit. De là on aurait bientôt conclu que l'intimé peut appeler incidemment de tous les chefs du jugement de première instance.

Maintenant, quand cessera pour l'intimé le droit d'appel incident? Evidemment il durera jusqu'à la fin de l'instance, née de l'appel principal, parce que jusqu'alors la chose jugée en première instance se trouvera en litige (2) (article 443, G. P. C.), lors même que l'appelant principal aurait signifié le jugement depuis plus de trois mois (3); mais s'il n'y a plus de litige sur l'appel principal, il n'y a plus de possibilité d'appeler incidemment.

De là, on conclut que si l'appel principal est déclaré non recevable, il ne doit pas être fait droit sur l'appel incident. Nous 'avons contesté cette doctrine trop générale; mais elle n'en constate pas moins le principe sur lequel elle est fondée (4).

Quand l'appelant principal se désiste de son appel, il semble qu'il met fin au litige, puisqu'il laisse acquérir force de chose jugée à la décision de première instance. Faut-il donc dire alors que l'appel incident doit cesser d'être recevable?

D'abord, nulle difficulté si l'intimé accepte le désistement, car il consent à remettre les choses au même état qu'aupara

(1) Voy. l'état de la jurisprudence, t. 3, p. 90, vo Appel, n. 36.
(2) Voy. arrêt de Metz, 24 août 1813, t. 3, p. 402, vo Appel, n. 241.
(3) Turin, 9 février et 19 mars 1808, t. 3, p. 165, vo Appel, n. 64,
(4) Foy. t. 3, p. 472, vo Appel, n. 295.

vant et il perd par là le bénéfice de son appel incident antérieur à l'acceptation (1).

Mais, que décider s'il n'a pas accepté le désistement? Plusieurs Cours veulent que l'appel incident antérieur au désistement conserve ses effets et qu'il ne les produise pas dans le cas contraire (2). Nous adoptons cette doctrine.

D'autres Cours ont déclaré que l'appel incident était toujours recevable, même après le dési stement de l'appel principal; mais elles veulent qu'alors l'appelant principal puisse donner suite à son appel (3).

En tout cas, il faudrait que le désistement eût été signifié à l'avoué de l'intimé et non à sa partie elle même (4).

Il est évident qu'il n'y a plus possibilité de litige ni par conséquent possibilité d'appel incident lorsque l'intimé a donné un acquiescement au jugement de première instance. Mais il faut que cet acquiescement soit postérieur à l'appel principal; car ce n'est qu'après cet appel que la chose jugée est remise en litige, et que, par suite, s'ouvre le droit d'appel incident. Ainsi donc la partie qui aura signifié un jugement sans réserve et qui y aura acquiescé d'après ce que nous avons dit dans la revue de l'acquiescement, sera recevable à appeler incidemment (5).

Son acquiescement l'empêchera bien d'interjeter appel principal; mais dès qu'un pareil appel de son adversaire remettra l'affaire en litige, le débat se r'ouvrira en faveur des deux parties, et en même temps la voie de l'appel incident. Cette voie ne se fermera pour l'intimé qu'autant qu'il y renoncera depuis l'appel principal, c'est-à-dire, depuis qu'elle lui a été ouverte.

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Or, quand peut-on dire qu'il l'a abandonnée? Ce sera quand il aura conclu, contradictoirement à la confirmation pure et simple du jugement dout est appel, sans faire aucune réserve.. Toutes les Cours, excepté la Cour de Toulouse, l'ont formellement décidé (6).

(1) Poitiers, 16 janvier 1824, t. 26, p. 12.

(2) Rennes, 19 janvier 1814; Metz, 15 juin 1814; Douai, 5 juillet 1819, t. 3, p. 411, vo Appel, n. 248; Paris, 24 février 1826, 29 décembre 1825, Aix, 2 février 1826, t. 31, p. 235, 298; Montpellier, 23 mai 1828, t. 35, p. 297; Lyon, 3 février 1830; t. 41, p. 484.

(3) Amiens, 15 décembre 1821, t. 23, p. 382; Bordeaux, 21 août 1827, t. 34, p. 108.

(4) Paris, 3 juin 1825; t. 31, p. 298.

(5) Cass., 23 fruct. an 12, 12 fév. 1806, 21 août 1811, 10 mai 1820; Bordeaux, 10 mars 1809; Turin, 14 août 1809, t. 3, p. 44 et 337, vo Appel, n. 13, 181.

(6) Cass., 27 juin 1820, t. 3, p. 461, vo Appel, n. 288.

(7) Aix, 13 janvier 1826, t. 31, p. 237; Angers, a5 février 18a9, t. 36,

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