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vage aurait visé au cœur de Pan lui-même. Parmi les épisodes de cette pastorale, je citerai une petite scène traduite par M. Van Lenep, l'un des écrivains les plus distingués de la Hollande. C'est une dispute à la manière de Théocrite, entre deux paysans, Warner et Godefroi, venus pour se plaindre au heemraet (shérif). Warner affirme que le valet de Godefroi a cassé la patte au meilleur de ses coqs; Godefroi répond que le chien de Warner a chassé son agneau dans le fossé, où il s'est noyé.

WARNER.

O crête rouge! pourquoi ta double couronne pend-elle si tristement? Où trouverais-je ton pareil? Non, Godefroi, je vous châtierai, la méchanceté est trop grande!

GODEFROI. Et qui me rendra mon agneau?

LE HEEMRAET.

mage.

C'est au maître à payer le dom

WARNER. On trouve partout des agneaux, mais jamais on ne vit dans notre village un coq pareil à celui que j'ai perdu. Quel autre, quelque brave qu'il fût, osa lui montrer le bec impunément? Quel rival n'a-t-il pas vaincu et aveuglé? Jamais coq usa-t-il avec plus de courage du bec et des éperons? Haletant, la tête ensanglantée, toujours au combat, il faisait voler les plumes de l'ennemi, tenant contre lui comme une muraille! Quel noble port il avait ! quelle horloge il portait dans sa tête! de quelle voix fraîche et sonore il éveillait le village avant l'aube! Regardez-les bien, ces plumes rouges et dorées. O crête rouge, nul ne peut les voir sans te regretter!

Lucifer, la tragédie la plus connue de Vondel, date de 1651 et précéda de seize ans le Paradis perdu de Milton. Elle ne fut représentée que deux fois, par défense des magistrats. Cette pièce n'avait pas été écrite pour être jouée; ses cinq actes, malgré l'éclat de leur poésie, durent paraître bien froids et bien longs. La jalousie de Lucifer contre l'homme, la nouvelle création de Dieu, sa rébellion et sa chute, remplissent tout le cadre de l'action, où ne vient se mêler aucun sentiment tendre. Le sujet de Salomon, excité à l'idolâtrie par l'une de ses femmes, appartient également au genre admiratif. A l'âge de soixante-douze ans, Vondel publia encore un Jephté, un David, un Samson, un Adonias. Il termina sa carrière dramatique, à plus de quatre-vingts ans, par les Frères Bataves; Phaeton; l'Exil d'Adam; Zunchin, et Noé. Zunchin se passe en Chine; le chœur est composé de missionnaires chrétiens. L'ombre de saint Xavier leur apparaît pour leur annoncer que le règne de l'usurpateur ne sera que passager. Le couplet suivant des compagnons d'Uranie, qui se moquent de la prédiction de Noé annonçant le déluge, est resté célèbre : « Si tout devait boire et périr, où donc irait le cygne, ce joyeux enfant des eaux qui ne se rassasie jamais de baisers? Les flots n'éteignent pas son ardeur amoureuse; c'est sur l'eau qu'il bâtit son nid. Des nourrissons ailés voguent avec lui sur les fleuves et sur les lacs. Il puise une vie nouyelle dans l'élément humide; il y baigne son blanc plumage, et, jusqu'à sa dernière heure, il s'enivre de volupté. En mourant, il chante un

hymne joyeux dans les roseaux; il brave gaîment la mort par une mélodie de triomphe. >>

Poëte dès son enfance, Joseph Vondel ouvrit en 1610, en se mariant (il avait alors vingt-trois ans), une boutique de bonnetier, dont il abandonna la direction à sa femme. Il put ainsi se livrer au travail, sans craindre la misère. Il se lia avec tous les hommes instruits qui pouvaient lui donner de bons conseils, et il entretint une correspondance avec le poëte Hooft et avec Hugo Grotius. Sa tragédie de Palamède, dans laquelle les magistrats trouvèrent des allusions contraires à la foi orthodoxe, lui valut une sérieuse persécution. Après avoir été menacé de la pendaison, il en fut heureusement quitte pour une amende de trois cents florins. La mauvaise conduite de son fils le ruina, et, à l'âge de soixante-dix ans, il fut obligé d'accepter une place de commis au Mont-de-Piété. Vondel mourut à quatrevingt-onze ans, le 5 février 1679.

A côté de Vondel il faut placer une autre illustration de cette époque, qui certes est bien loin de l'auteur de Giselbert d'Amstel pour l'élévation de la pensée et pour l'élégance du style, mais qui se distingue par des qualités toutes différentes. Je veux parler de Gerbrand Adrianszoon Bredero, né à Amsterdam en 1585, mort dans la même ville en 1618. C'était un enseigne d'artillerie, qui dans sa jeunesse s'était livré à la peinture. Bien que Bredero ait donné à la tragédie néerlandaise un peu plus de vérité que ses contemporains, il ne les dépassa ni par l'invention ni par l'habileté dramatique. Le naturel qu'il cherche touche parfois à

la trivialité. Autant Vondel est pompeux, autant Bredero est familier et quelquefois vulgaire. Ses meilleures œuvres sont ses Kluchtspelen, qui tiennent à la fois de la comédie par la finesse de l'observation, et de la farce par le choix des sujets et par l'emploi des personnages grotesques. Ses deux meilleures productions dans ce genre sont les pièces intitulées le Brabançon espagnol et la Meunière.

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dominance du théâtre espagnol et du théâtre français.-
Influence espagnole.
Première
Coup d'œil général.
représentation du Cid au théâtre du Marais: - la salle,—
les spectateurs, la pièce, les acteurs. La vérité
sur la persécution du Cid.- Corneille, Diamante et Guil-
lem de Castro. Découragement de Corneille après le
Cid;-Aristote, son Croquemitaine.-Les célébrités pas-
sées de mode, ou les rivaux de Corneille. - Georges de
Scudéry.-Jean Mairet.-Pierre Du Ryer.-Tristan l'Her-
mite.-La Calprenède.-Benserade.-Claveret aux trousses
de Corneille. Les pièces des cinq auteurs. L'Étoile.-
Desmarets. Le Cardinal auteur dramatique.- Les deux
Boisrobert. Rotrou...

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CHAPITRE XXVI.— XVII SIÈCLE. — Théâtre français (suite).
Période glorieuse de Corneille. Période de déca-
dence. Influence de Corneille sur le théâtre.- Thomas
Corneille et Scarron....

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