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buiffon, & qu'elle reprît le gouvernement de la maison.

La Mere donna ordre fur le champ qu'on fe difposât à partir, parce qu'elle comprit qu'il étoit à propos de ne pas perdre de tems. Il étoit cependant dix heures du foir. Mais la nuit fut convertie en jour par la quantité de flambeaux qui fe raffemblérent dans les rues, toute la Ville accourant pour voir la cérémonie. Tous les Eccléfiaftiques de la ville voulurent accompagner les Religieufes jufqu'à Maubuiffon. Elles marchoient fur deux lignes, accompagnées de deux haies d'Archers à cheval qui marchoient à côté, chacun un flambeau à la main. La Mere étoitˆ efcortée du Commandant & de plufieurs Archers, parce qu'on craignoit pour fa perfonne quelque procédé infolent de la part des Gentilshommes. Les Archers pafférent la nuit à faire fentinelle en dedans & en dehors, dans le doute où l'on étoit, s'il n'y avoit pas quelqu'un de caché dans la maison. Les Religieufes veillérent auffi toute la nuit, & la plupart furent occupées à préparer à manger à tous ces Gardes. On fit de grandes recherches dans la maison fans rien trouver. Vers le matin les Archers qui gardoient le Dortoir, entendirent quelqu'un fe moucher. Ils firent une nouvelle recherche, ils fondérent tous les murs, & découvrirent par là cette armoire haute ou la Dame Laferre s'étoit enfermée. Ils lui commandérent de defcendre, lui ayant préfenté l'échelle: Comme elle faifoit difficulté, & qu'il n'étoit guére poffible de la tirer par force de cette cachette efcarpée, un des Gardes la menaça de lui tirer un coup de fufil, fi elle ne descendoit à l'inftant. Elle obéit; on fe faifit de fa perfonne & des papiers de Madame d'Eftrées, & on l'enferma jufqu'à ce

que l'on fçût de M. de Cîteaux ce qu'il vouloit qu'on en fit. Deux jours après l'Officier fe retira, ne fe jugeant plus néceffaire, & emmena fes Archers, hors so. qu'il laiffa pour garder la maifon, dans la crainte que les amis de la Dame d'Eftrées ne fiffent quelque nouvelle infulte au Couvent. En effet quelques Gentilshommes du voisinage firent beaucoup d'insolences : ils tiroient de nuit & de jour, jufque dans les fenêtres de la Mere.

Les Gardes reftérent fix mois à Maubuiffon. Enfin fur les représentations de la Mere, ils fe retirérent tous ; parce qu'elle voyoit avec peine une manœuvre fi oppofée à la confiance que des perfonnes Religieufes doivent avoir en la protection du Seigneur ; & que d'ailleurs elle plaignoit la dépense que cette garnifon occafionnoit à la maifon, quoique le Roi payât la nourriture. Néanmoins on fut encore obligé de continuer à prendre quelques précautions, jufqu'à ce que la Dame d'Eftrées ayant été découverte & renfermée de nouveau aux filles Pénitentes, il n'y eût plus rien à appréhender. Ainfi toutes les hoftilités cefférent. La Dame de Laferre & une autre furent enlevées par ordre de M. de Citeaux, & renfermées dans des Couvens de l'Ordre. La Dame d'Eftrées paffa enfuite des filles Pénitentes dans les prifons du Châtelet, où le P. Bernard zélé Missionnaire de fon tems, fur-tout pour l'œuvre des prifons, la voyoit & la trouvoit dans un état qui n'annonçoit pas de grands fentimens de pénitence. Il dit qu'un jour il la trouva dans fon lit avec une bouteille de vin & des fauciffes auprès d'elle. L'Abbaye lui faifoit 1200. liv. de penfion, qui ne la met toient guéres à fon aife, parce qu'elle les confumoit en frais de procédures. Car elle plaida

XLIII. Mort de M. Arnaud, pere

toute la vie pour rentrer dans fon Abbaye ; enfin elle mourut fort miférable dans une petite maifon de Fauxbourg 15. ou 20. ans après. La Mere Angélique demeura donc paisible à Maubuiffon : elle y paffa en tout cinq ans, toujours occupée à cimenter par fes foins & par de la Mere Les vertus l'œuvre de la Réforme. Pendant cet Angélique. efpace de tems, il arriva deux événemens qui l'intéreffoient fort, l'un trifte & l'autre agréable. L'événement trifte fut la mort de Monfieur fon Pere qui mourut à la fin de 1619. âgé de 61. ans. Sa fille prioit depuis long-tems pour Iui, & demandoit à Dieu qu'il lui fit la grace de fe dégager du tumulte des affaires, pour ne penfer qu'à celle de fon falut. M. Arnaud demeura malade dans le mois de Novembre d'une hydropifie de poitrine. Tout P. R. fe mit en prières pour un homme que les Religieufes regardoient comme leur pere temporel, & qui en effet leur en avoit tenu lieu en toute occafion. D'ailleurs l'affection toute seule des Religieufes pour la Mere Angélique,étoit plus que fuffifante pour les intéreffer à tout ce qui la touchoit & on peut dire que jamais perfonne n'a été tant aimée qu'elle: il ne faut pas en être furpris; perfonne n'aimoit comme elle. Elle de fon côté redoubloit fes priéres à Maubuiffon. Pendant les 30. jours que dura la maladie, elle ne put prefque repofer les nuits : elle fe réveilloit fréquemment, toute occupée de fon objet, & répétoit à chaque fois, falvùm fac fervum tuum Domine; fauvez, Seigneur, votre ferviteur; à quoi la Sœur Yfabelle qui couchoit auprès d'elle, & qui fe réveilloit à point nommé, répondoit avec autant de cordialité, Deus meus, fperantem in te qui efpére en vous, mon Dieu. Elle eut la confolation d'apprendre

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XLIV.

Agnès.

les nouvelles édifiantes des fentimens dans lef quels fon cher pere étoit entré huit jours avant fa Mort. Il fit vou entre les mains de fon Confeffeur & de M. d'Andilli fon fils, de fe dépouiller de fes biens en efprit de pénitence, s'il revenoit en fanté,& d'en laiffer la difpofition pleine & entiére à fon épouse & à son fils; fe réfervant feulement pour fa nourriture ce qui lui reviendroit de fes Confultations.

Le fecond événement, qui étoit l'événement Bulles de la gracieux, fut l'arrivée des Bulles de la CoadjuCoadjutore- torerie de P. R. pour la Mere Agnès, qui vinrie de P. R. rent de Rome au mois de..... 1620. La Mepour la Mere re Angélique fit un voyage à P. R. pour met tre fa Soeur en poffeffion. Ce voyage ne fut pas le feul qu'elle fit à fa chere maifon de P. R. pendant les cinq ans de fa réfidence à Maubuilfon; & dans chacun des voyages qu'elle y fit au nombre de quatre, elle ne manqua pas de voir en particulier toutes les filles l'une après l'autre, comme une bonne Mere. Dans celui-ci qui avoit pour objet la prife de poffeffion de la Coadjutorerie, elle trouva la Coadjutrice nommée auffi peu joyeuse qu'elle étoit contente elle-même, parce que c'étoit pour celle-là l'entrée dans une charge qui l'effrayoit, & que pour celle-ci c'étoit une porte qui s'ouvroit à elle pour fe démettre, ce qu'elle défiroit depuis fi long-tems. Une rencontre confola un peu la Mere Agnès dans la douleur que lui caufoit la charge qu'on lui impofoit. Les cérémonies qui fe font dans l'Installation, font de faire toucher le Livre des Régles à la perfonne, de lui faire fonner la cloche, de lui faire ouvrir les Livres du Chœur, &c. Or quand la Mere Agnès ouvrit l'Antiphonier qui étoit fur le Pulpitre, l'Antienne qui fe présenta à l'ouverture du Livre, étoit celle-ci: Ifti funt dua

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XLV.

talle Mada

olive & duo candelabra lucentia ante Dominum: Voici les deux oliviers & les deux chandeliers qui luifent devant le Seigneur. L'application de ce paffage étoit facile à faire dans la circonftance préfente. La Mere Agnès faifit ces deux mots dua oliva & dit à la Mere Angélique, » nous ferons deux, ma sœur: pour faire entendre que fa Sœur ne devoit pas penfer à quitter l'Abbaye, mais qu'elle Agnès T'aideroit à porter un fardeau qu'elle eftimoit être au-deffus de fes forces. La chofe arriva ainfi, comme nous le verrons par la fuite. Sur la fin du féjour de la Mere Angélique à Maubuiffon, on penfa à elle pour la faire Ab- La Mere An beffe en titre de cette Maison. Elle n'eut garde gélique infde prêter l'oreille à la propofition. Une fille qui me de Soifne penfoit qu'à quitter une petite Abbaye, par fons Abbeffe un humble éloignement de toute charge, n'é- de Maubuiftoit pas d'humeur d'en accepter une auffi riche fon,& revient & auffi honorable que celle de Maubuiffon. filles qu'Elle fit entendre aux perfonnes qui fe mêloient elle avoit rede l'affaire, qu'il convenoit de jetter plutôt les à Mauyeux fur quelque perfonne de condition, qui au- buiffon. roit plus d'appui pour fe maintenir dans la place. contre les prétentions de Madame d'Eftrées. Elle indiqua Madame de Soiffons, fille naturelle du Comte de Soiffons, Religieufe à Fontevraud. La chofe fe fit ainfi. Lorfque cette Dame vint pour demeurer à Maubuiffon, elle reconnut bientôt le mérite de la Mere Angélique, & lui donna toute fon amitié. Celle-ci en fit ufage pour lui infpirer un grand zéle pour conferver & perpétuer la Réforme dans Maubuiffon. Peu-à-peu la Dame fe refroidit à fon égard par les fuggeftions d'une Religieufe qui étoit auprès d'elle, & qui n'aimoit pas trop la Réforme. La Mere de fon côté ne diminua rien de

à P. R. avec

30.

çues

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