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cir le fait, & elle avoua ingénument qu'elle s'étoit fait un lit de ces fagots, & qu'elle n'avoit pas cru devoir rompre le filence pour se plaindre de ce qui étoit de manque dans fa cellule. Il eft fans doute qu'une telle dévotion pour le filence n'étoit pas fans une dévotion pareille, pour la mortification du corps.

Eloge de la

Sœur Claire-
Martine pour

1620.

La Mere Angélique en revenant à P. R. y XLVIII. trouva une sœur de moins, qu'elle regretta extrêmement pour fa vertu, & qui étoit morte en 1620. Elle fe nommoit Claire-Martine Pinot, fa fimplicité fille d'un Avocat. On s'eft long-tems fouvenu inimitable s d'elle dans P. R. pour l'eftime qu'on faifoit de morte en fa vertu, qui dès l'âge de 7. ou 8. ans avoit ceci de fingulier: elle refufoit l'argent que fon Pere vouloit lui donner pour fes menus plaifirs, comme l'on dit ; parce que, difoit-elle, elle ne fe plaifoit qu'aux chofes folides. Lorfqu'elle fut âgée de 16. ans, fon Pere voyant le grand defir qu'elle avoit d'être Religieufe, la mit chez les Urfulines. Elle y édifia toute la maison dans fon Noviciat. Mais comme elle n'avoit pas de talent pour l'Inftruction de la Jeunesse, qui eft l'objet principal de cet Inftitut, on lui propofa d'être Sour Converfe. Elle l'accepta tout uniment. Elle alla à la cuisine, où elle travailla pendant quelques femaines. Les Supérieurs de la maison lui déclarérent qu'on ne pouvoit la recevoir ni comme Converfe, ni comme Sœur de Chœur. Elle reçoit tranquillement fon congé au grand étonnement des Religieufes, qui auroient bien voulu la garder; fon Confeffeur charmé de fa vertu, l'adreffa à P. R. Elle y entra, & y fut reçue. Elle ya cette même fimplicité. Sans faire rien que de commun, elle faifoit tout de la maniére la plus parfaite : ce qui donnoit lieu aux Soeurs de dire, Tome I.

vécu 10. ans avec

F

XLIX.

Commence

כל

que jamais on ne lui a vu faire aucune action qu'on pût juger être un péché véniel. Rien ne troubloit l'humeur tranquille qui naiffoit de cette inimitable fimplicité. Un jour la Mere des Novices qui la faifoit chanter, lui tira brufquement des mains le Livre du chant, en lui difant qu'il étoit inutile de lui montrer,qu'elle lui faifoit perdre fon tems: la Sœur fans fe troubler lui répondit avec la plus grande douceur : » » Ce n'eft pas vous, ma Mere, qui perdez vo» tre tems; c'eft mei: car pour vous, Dieu ré>> compenfera votre patience. Autre trait de fimplicité & d'obéiffance. On apporte une médecine par mégarde dans le lieu où elle couche. C'étoit le tems du filence. Elle ne fait aucune queftion; penfant que c'eft pour elle, elle prend la médecine, quoiqu'elle fe portât très-bien, & même qu'elle auroit du communier ce jour-là, &l'avale tranquillement. Sur la fin de fa vie elle fouffrit de grandes peines d'efprit, qu'elle cut la patience de fupporter, fans chercher aueun foulagement dans la communication avec les Supérieurs. Comme elle avoit contre fon ordinaire le vifage trifte & défait, on fe douta de quelque chofe, & on en avertit dans la maifon. On lui parla, & on lui dit de s'adreffer à un Directeur. Celui-ci lui confeilla de s'ouvrir à la Supérieure, laquelle remit à quelques jours à l'entendre, La malade fupporte fans parler tous ces délais, & meurt dans un accès de colique qui l'emporta avant que cette Supérieure eut fait ce qu'elle attendoit d'elle. Ce qui rendoit fa mémoire recommandable à P. R. c'étoit cette égalité d'ame qui fe montre par tous ces traits.

Vers l'année 1623, commença la liaison de M. de S. Ciran avec P. R. M. d'Andilli l'aliaifon de M. Voit connu dès 1620. à Poitiers,où cet Abbe

ment de la

demeuroit, dans un voyage qu'il y fit. L'Abbé de s. Ciran fe trouva à Paris en 1623. Là il apprit la belle avec P. R. en action de la Mere Angélique qui avoit amené 1623. avec elle 30. pauvres filles de Maubuiffon. II lui écrivit fans la connoître une Lettre de félicitation à ce fujet, dans laquelle il admiroit cet inftinct de grace qui lui avoit fait pratiquer d'une maniére fi parfaite le défintéreffement prefcrit aux maifons Religieufes par les faintes régles de l'Eglife, quoique la Mere les ignorât abfolument dans la fpéculation. Il s'établit alors un commerce de Lettres entre l'Abbé & la Mere. Il venoit auffi à P. R. & s'entretenoit avec elle avec une grande fatisfaction. Il lui fit un jour ce beau compliment, » qu'il avoit bien vu des Abbeffes réformer leurs maisons, mais

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qu'il en avoit vu peu réformer leurs perfon»nes. « Il fit quelques conférences à la grille de P. R. cette année, dont la Mere & les Religieufes étoient extrêmement contentes. Cependant il n'y eut pour lors aucun rapport entre la Mere & l'Abbé pour la direction: parce que la Mere s'étoit formé une idée fi haute du mérite de cet Abbé, qu'il ne lui venoit pas même en pensée qu'il fût d'humeur de fe rabaiffer jufqu'à la conduite particuliére des perfonnes. L'Abbé étoit bien éloigné d'une difpofition fi peu raisonnable; mais il eft vrai qu'il avoit pour maxime, de ne prévenir jamais perfonne à ce fujet ; & de ne s'engager que lorfqu'il lui paroiffoit par la fuite des événemens que la Providence l'ordonnoit ainfi. M. de S. Ciran donc jufqu'en 1633. ne paroiffoit que rarement à P. R. & feulement pour y faire quelque conférencé, ou bien lorfqu'il étoit appellé par la Mere dans les occafions où elle fe trouvoit fans reffource pour Je temporel, & avoit befoin de confolation, &

A

L.

même de fecours d'argent que cet Abbé lui fai foit trouver.

La grande réputation de la Réforme & de la La Mere tra- Réformatrice de P. R. fe répandoit de plus en forme de plu- plus dans le Royaume. Plufieurs maifons

vaille à la Ré

fleurs mai- nédictines & Bernardines s'adrefférent à la Mere fons, le Lys, Angélique, pour établir chez elles quelque chofe Poiffy, Gif, de pareil à ce qu'elle avoit fait à P. R. & à Les Illes à Au- Maubuiffon. En 1623.Madame de la TrimouilFontaine, S. le, Abbeffe du Lys proche Melun, lui demanda Aubin, Tard, à ce deffein quelques-unes de fes Religieufes. La

xerre,Gomer

Mere lui envoya la Sœur Anne-Eugenie de l'Incarnation fa propre Soeur, & la Sœur Marie des Anges Suireau: la premiére en qualité de Prieure, & la feconde en celle de Maîtresse des Novices, quoiqu'elle n'eût encore que 23. ans. Elles y demeurérent 3. ans, & édifférent beaucoup & l'Abbeffe & fa Communauté. Ce ne fut pas fans avoir beaucoup à fouffrir du côté des incommodités de la vie. Comme la Dame de la Trimouille n'étoit pas paifible dans fa place, & qu'elle étoit en procès avec une concurrente, elle n'avoit pas encore une autorité abfolue; ce qui fut caufe qu'elle ne put pas accommoder ces deux Religieufes comme elle F'auroit fouhaité. Elles étoient fort mal logées, La Sour Marie des Anges couchoit dans un galtas fi peu exhauffé que l'on pouvoit toucher de la main les tuiles, d'où il venoit fur elle beaucoup de vent pendant la nuit. Elle en eut de grandes fluxions. Ces deux Sœurs vou-i lant garder l'abftinence ordonnée par la Régle. de S. Benoît, furent reduites à faire leur répas tous les jours d'un même mêts qui étoit un morceau d'omelette. Elles dévoroient toutes ces incommodités, fans même fe plaindre, par le grand zéle qu'elles avoient pour donner aux Re

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ligeufes & aux Novices des exemples de pénit tence & d'amour de la pauvreté. Car elles fe propofoient de faire goûter le bien qu'elles venoient établir, beaucoup plus par leur conduite, que par des paroles. Il n'y avoit que 4. filles au Noviciat: : ce qui donnoit lièu à la Maîtreffe des Novices de s'appliquer à chacune avec un foin tout particulier. Pour la Prieure, elle gagna peu-à-peu quelques-unes des Religieufes,qu'el le avoit trouvées étrangement ennemies de la Réforme. La Mere Angélique fit un voyage au Lys en 1625. avec trois de fes Religieufes pour animer davantage la bonne œuvre & ci→ menter le travail des deux Sœurs. Elle y fit par occafion un petit bien. Une Religieufe du Lys que l'ambition dominoit, avoit réuffi par fes menées à fe faire donner un Prieuré. Elle y étoit allé. Mais la pefte s'étant mife dans le lieu elle fe mit en chemin pour venir à Paris chez fes parens. Au milieu du chemin les chevaux de la voiture demeurérent en place; enforte qu'on ne put pas les faire avancer. La Religieufe prend le parti de revenir au Lys; elle y trouva la Mere Angélique à qui elle parla. Enfuite de quoi elle le réfolut d'y refter toujours, pour y vivre faintement ce qu'elle a accompli, & eft devenue un exemple de vertu jufqu'à fa mort. L'Abbeffe du Lys quelque tems après vint paffer un an à P. R. pour s'inftruire elle-même plus particuliérement de la vie Religieufe: elle voulut même être dans le Noviciat, & faire tous les exercices des Novices.

La Mere Angélique fit auffi dans ce tems-là un voyage au monaftére de Poiffy,où elle paffa huit ou dix jours. Ce fut la Marquise de Meignelai qui l'exigea d'elle. Elle trouva un petit commencement de Réforme dans Madame la

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