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tention de l'y comprendre ; mais elle voulut en être, & vendit toutes fes hardes qu'elle gardoit auparavant avec beaucoup de curiofité & d'attache. Dès ce moment elle ne s'en foucia plus du tout, & fut enfuite la plus négligée en fes habits & en fon linge. Elle fut jusqu'à l'âge de 28. ans fans communier, ce qu'elle fouf froit avec douleur, pleurant beaucoup, lorfqu'elle voyoit les autres approcher de la SainteTable. Depuis on confulta des Docteurs, qui jugérent qu'on pouvoit l'admettre à la Communion, parce qu'elle avoit une connoissance suffifante. Elle le confeffoit par truchement, difant fes fautes à une Sœur, qui diftinguoit bien fes fignes & fon bégaiement, car elle n'étoit pas entiérement muette : & cette Sœur expliquoit au Prêtre ce qu'elle difoit, & lui faifoit entendre la pénitence qui lui étoit impofée. Quand elle avoit fait quelque faute, elle alloit à la Supérieure lui en demander pénitence, menant avec elle quelque Sœur qui l'entendoit, pour s'expliquer à la Mere.Depuis qu'el le cut participé aux Sacremens, elle fit beaucoup de progrès dans la vertu. Sa dévotion envers le Saint Sacrement éroit extraordinaire ; car elle demeuroit prefque toujours à l'Eglife, lorfqu'il étoit expofé. Elle faifoit réglément deux fois le jour l'Oraifon mentale, outre plufieurs autres Priéres & pratiques de piété, dont elle ne fe laffoit point. Elle étoit très-mortifiée : elle faifoit fouvent feule ce qui lui étoit ordonné, fe privant ainfi de la confolation d'entretenir les Sœurs qui pouvoient l'entendre. Elle tomba malade le Dimanche des Rameaux, & ne voulut point aller à l'Infirmerie, jufqu'à ce que fe fentant défaillir, elle s'alita le Mercredi-Saint, faifant figne qu'elle mouroit bien

tôt. Elle mourut le Vendredi-Saint, témoignant une grande confolation, de mourir un jour auffi faint que celui de la mort de Jefus-Chrift.

I.

Translation de la maifon de P. R. des Champs à Paris.

LIVRE SECOND.

Etablissement de P. R. à Paris: Inftitut du faint
Sacrement: Solitaires de P. R. des Champs.
Perfécution à caufe du Chapelet fecret du faint
Sacrement,& de M. de S. Ciran; Autres événe-
mens depuis 1626. jufqu'en 1643-

A Mere Angélique depuis fon retour de Maubuiffon cu 162, quiverna fa muilon avec un zéle qui ne fe ralentifloit point, & un fuccès qui y répondoit. Au bout de deux ans elle forma un projet qu'elle exécuta la même année ; c'étoit de quitter le Monaftére de P. R. de la campagne, & de venir s'établir à Paris. Ce qui lui fit naître cette penfée, fut que fa maifon n'avoit pas de bâtimens fuffifans pour contenir le nombre des Religieufes qui s'étoit confidérablement augmenté par la troupe qu'elle avoit amenée de Maubuiffon. La Communauté étoit de 84. perfonnes. D'ailleurs les bâtimens. étoient en fort mauvais état. Il auroit fallu les reconftruire: & comme l'habitation de P. R. étoit mal faine à caufe des marécages qui s'y étoient formés, depuis que la conduite des eaux avoit été négligée; Madame Arnaud qui étoit veuve depuis quelques années, crut que s'il Ly avoit quelque dépenfe à faire, il valoit mieux Fa faire dans un lieu plus fain & plus commode. L'affaire ayant été conclue, Madame Ar

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naud s'employa fortement pour obtenir l'agrément de M. l'Archevêque, qui n'acquielça qu'avec grande peine, & après de longues follicitations. Elle obtint auffi du Roi Louis XIII. les Lettres Patentes néceffaires à cet effet, auflibien que la permiffion de M. de Cîteaux. Elle acheta au Fauxbourg Saint Jacques, dans un canton qu'on nominoit Clagni une grande maifon qu'elle paya 24000. liv. argent comptant. Elle fit accommoder le bâtiment pour fervir de Monaftére, & y fit porter toute forte de meubles, même pour la Sacriftie. On difpo fa les logis comme on put on fit un dortoir d'une galerie; on lambrifla les greniers pour pratiquer des cellules, & la Salle fut changée en une Chapelle.

Lorfque les lieux furent prêts, la Mere Angélique y vint avec 18. Religieufes, laissant aux Champs le refte des filles qui y demeurérent un an. En 1626. elle alla les chercher. En allant & en revenant, elle entra chez les Carmélites. Car elle avoit quelque liaison avec ces Religieufes, qui venoient tout récemment de s'étaBlir en France. Elle les eftimoit fort, quoique tout ne lui plût pas chez elles. Elle croyoit y trouver un peu trop de goût & de penchant pour les voies extraordinaires, pour les vifions par exemple. Elle n'y rencontroit pas cet efprit d'une entiére fimplicité, ni un amour de la pauvreté, tel qu'elle l'infpiroit à les filles. M. de Bérulle qui étoit l'ame de ce nouvel établiffement, y attiroit des filles de condition : & c'étoit en partie ce qui faifoit entrer trop d'humain dans cette œuvre. La Mere Angélique ne put s'empêcher de marquer fon étonnement fur les dépenfes exorbitantes qui fe firent chez ces Religieufes, pour les tableaux du Réfec

toire du Chapitre, du Choeur & de l'Eglife, qui étoient d'un très-grand prix, & encore plus pour un Tabernacle d'argent doré qui revenoit à 40000. écus. Elle étoit encore plus choquée des dots exceffives qu'on prenoit dans ce Cou→ vent, de 1o. & 15. mille livres, fans compter les habits dont la dépenfe montoit à 100. piftoles, & quelquefois plus. Au refte l'union de la Mere avec ces bonnes filles fe foutint toujours bien chrétiennement; elle étoit fort bien reçue dans le Couvent, & les Carmélites l'appelloient la Mere Thérese, à cause d'une conformité qu'elles trouvoient dans fon visage avec celui de cette Sainte : c'étoit quelques poreaux, qu'elles affuroient être placés au vifage de la Mere Angélique, dans les mêmes endroits où Sainte Thérele en avoit. Elle de son côté eftimoit & refpectoit fincérement ces Religieufes; & lorfqu'on l'entend affez fouvent dans les Rélations différentes de P.R. blâmer certains points de leur conduite, il ne faut pas s'imaginer qu'elle le fit par aucun mépris; car voici ce qu'elle dit dans une occafion pour les excufer;

Ce font des perfonnes fi faintes & des ames fi fidéles à tout le bien qu'elles connoissent, » qu'il eft vifible qu'elles ne font cela que man» que d'inftruction, & on a tout fujet de croire » que fi elles avoient là dedans la lumière dont ɔɔ Dieu nous a favorisées, elles y feroient bien plus fidéles que nous fans comparaison.

Toutes les Religieufes de P. R. entrérent en 1626. dans la Mailon de Paris. On laiffa dans celle des Champs un Chapelain pour deffervir l'Eglife. Le Saint Sacrement y fut toujours confervé, autli-bien que le droit de Paroiffe. Dieu donna en ce tems-là à la Mere Angélique une fatisfaction qui n'a guéres d'exemple. Dès que

la Communauté fut placée à Paris, Madame fa Mere prit la réfolution d'exécuter ce qu'elle projettoit depuis quelque tems de fe faire Religieufe. Elle demanda donc à fa fille l'habit de Religion. Après l'avoir reçu, elle entra au Noviciat où elle édifia le Couvent d'une maniére finguliére,auffi-bien qu'après la profeffion qu'elle fit trois ans après; comme nous le verrons plus au long, lorfque nous en ferons à sa mort qui arriva en 1641.

II.

fon de la Ju

Le defir de conferver l'efprit & la ferveur de la Réforme dans P. R. fit naître le deffein à la La Mere AnMere Angélique de faire deux changemens im- gélique fair portans dans l'état de la maifon, l'un qui con- paffer fa maififtoit à fe mettre fous la jurifdiction de l'Orifdiction de dinaire; l'autre de fe démettre de fon titre Citeaux fous d'Abbeffe pour rétablir l'Election, & faire les celle de l'OrAbbeffes triennales. Son motif quant au pre- dinaire. mier article étoit l'oppofition qu'elle trouvoit quelquefois dans fes bons deffeins du côté de quelques Supérieurs Réguliers, joint au peu de fecours qu'elle recevoit des Religieux Bernardins qu'on lui donnoit pour Confeffeurs de la maison. Il eft bon de l'entendre elle-même dêduire fes raifons dans un Mémoire qu'elle compofa en 1653. pour rendre compte de ce qu'elle avoit fait, à M. l'Avocat Général Bignon. Elle

expofe l'état déplorable où elle trouva fa maifon au commencement du fiécle ; & comment le Religieux Confeffeur de ce tems-là autorifoit les abus; Que dans les commencemens de fa Réforme, » l'Ordre ne lui envoyoit que des → écoliers Bernardins pour prêcher, dont les fermons étoient fi pitoyables qu'ils fervoient de rifée aux Religieufes : Que M. Boucherat, » Général de l'Ordre qui l'appuyoit de très-bon >> cœur dans l'oeuvre de la Réforme, lui avoit

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