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fait l'aveu qu'il ne fçavoit comment faire pour » lui donner de bons Confeffeurs, & qu'il auroit volontiers renoncé à toute fupériorité fur » les Couvens de filles pour cette raison : » Que lorfqu'elle alla à Maubuiffon, le Con»feffeur Bernardin traverfa autant qu'il put » toutes fes vues, & fe rangea même du parti » de Madame d'Eftrées dans l'entreprife fcandaleufe qu'elle fit de rentrer à Maubuiffon, & » de l'en faire enlever par violence: Que les Religieux qui font dans les Couvens de filles, ne refpirent que procès, & engagent les filles à plaider à tout propos : Qu'après la mort » de M. Boucherat, fon fucceffeur lui ôta un » excellent confeil qu'elle avoit, l'Abbé de la » Charmoie, & la menaça de la faire rentrer » dans ce qu'il appelloit les coutumes de l'Ordre, c'eft-à-dire, dans les abus de la propriété, de l'ufage du gras, &c. déclarant qu'il ne vouloit point de fingularité: Qu'elles étoient traitées dans l'Ordre deNovatrices & de Schif» matiques: Que fi elle fe croit obligée de remontrer combien peu de fecours les Religieu»fes peuvent attendre des Réguliers pour la - conduite du fpirituel, elle fe croit également obligée de taire les malheureufes inventions » de plufieurs d'entr'eux pour le renversement des » bonnes mœurs, & les défordres fécrets &

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publics dont elle gémit devant Dieu, qui font >> venus de cette part: Que les Religieux font » extrêmement dominans dans les maisons, & → veulent fe mêler de tout, rendant ainfi les Religieufes efclaves de leurs volontés : Qu'enfin ils apportent toujours une grande dépenfe à la maifon, tant pour leur table qu'ils veu> lent bien fervie, & dont ils font prefque con∞ tinuellement une table d'hôte par l'affluence

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d'amis qu'ils invitent, que pour les frais de » Doctorat qu'il faut faire pour le Pater, pour les études d'un parent, d'un neveu, &c. co Voilà en abrégé les motifs qui déterminérent la Mere à renoncer à la Jurifdiction de l'Ordre, & à paffer fous celle de l'Ordinaire. J'ai trouvé dans les Rélations de P. R. un trait que je joindrai à tout cet expofé, parce qu'il confirme les raifons de la Mere. Etant laffe de certains Religieux, avec qui la vertu des filles & les bonnes mœurs n'étoient point en sûreté, elle s'avifa de propofer au Chapelain de la Maison, Prêtre Séculier, de fe faire Religieux de Cîteaux; afin d'avoir enfuite dans fa perfonne un Confeffeur dont elle fur sûre. Il le fit, & revint Bernardin à P. R. mais ce n'étoit plus le même homme qu'auparavant: il avoit beaucoup perdu de fa premiére régularité; en un mot il ne valoit guéres mieux que les autres.

La Mere Angélique fit donc les démarches néceffaires pour ce changement, & elles lui réuffirent. Elle obtint du Pape Urbain VIII. en 1627. un Bref qui la tiroit de la dépendance de l'Ordre, & la mettoit fous celle de l'Ordinaire, l'Archevêque de Paris. Le Bref conferve en même-tems aux Religieufes la jouiffance de toutes les graces, & de tous les Priviléges dont jouiffoit, & pourroit jouir dans la fuite l'Ordre de Citeaux. Cette pieufe Abbeffe ne prévoyoit pas ce que l'événement a appris, que ce changement feroit la caufe de la deftruction du Monaftére. Car en choififfant l'Archevêque de Paris pour Coopérateur au bien qu'elle avoit établi dans fa maifon,'elle l'a jettée, fans y penfer, entre les mains de fon deftructeur. Mais il ne faut pas toujours prononcer fur les démarches des Saints par leurs fuites peu heureufes. L'au

III.

raculeufe de

la Mere.

tre changement qui regardoit le rétablissement d'une Abbeffe élective & triennale, ne fe fit que

3. ans après en 1630. Nous en parlerons dans le tems.

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Je placerai ici un événement de l'année 1627. Guérifon mi- qui a toujours été regardé comme miraculeux la Sœur Ma- & dans lequel la Mere Angélique a visiblement deleine des influé comme principal inftrument. Elle avoit Anges de parmi fes penfionnaires deux petites coufines gerDrui, coufine maines, filles de M. fon oncle Marion de Drui. germaine de L'aînée des deux, âgée de 12. ans, tomba malade. Depuis le mois de Juillet jufqu'à la fin de Septembre c'étoit une toux violente & des quintes fi longues & fi exceffives, que les paffans qui l'entendoient de la rue, en étoient effrayés. A la fin de Septembre, il lui prit une fiévre continue, & une oppreffion de poitrine accompagnée de divers accidens. Les Médecins employérent inutilement leurs remédes qui ne la foulageoient point, Elle demanda à fa coufine la Mere Angélique la confolation de recevoir l'habit de Religieufe. On le lui donna dans fon lit le jour de la Préfentation. Le lendemain elle empira tellement qu'on lui adminiftra à la hâte l'Extrême-Onction ; & le Médecin qui n'en attendoit rien, pria qu'on l'avertît quand elle feroit paffée, parce qu'il fouhaitoit la faire ouvrir. Elle fut enfuite 18. heures en létargie, & au fortir de cet état elle tomba dans des convulfions très-violentes qui lui prenoient deux fois par jour. Le bras & la jambe droite étoient racourcis de deux doigts. Dans les convulfions elle s'agitoit avec véhémence, & fe meurtrif fait. On étoit obligé de la mettre à terre fur des matelats, parce qu'elle ne pouvoit fe tenir dans le lit. Elle étoit dans fon liten S, ayant la moi ié du corps appuyé dehors fur un efcabeau..

voyant.

M. fon pere voulut la voir. On la porta au Parloir fur un petit lit. Il fut faifi en la Mais un bon garçon payfan qu'il avoit avec lui, & qu'il eftimoit beaucoup pour la grande fainteté, dit à la jeune malade: » Petite brebiet»te de Notre Seigneur, le bon Dieu fera votre » médecin: « ce qu'il répéta plufieurs fois. Après 8. mois de langueur, une Religieufe propofa de la vouer au Saint Sacrement pour obtenir fa guérifon de Jefus-Chrift, parce que les Médecins affuroient qu'elle étoit eftropiée pour toute la vie. Ceci arriva le Mercredi-Saint. La Mere Angélique entra dans cette vue, & la petite accepta de tout fon cœur la propofition qu'on lui en fit. Elle ne fouhaitoit d'être guérie que pour pouvoir être Religieufe. Dès ce moment elle crut très-fermement qu'elle feroit guérie. La jeune fille communia le Jeudi-Saint, le Samedi-Saint, & le jour de Pâques; car elle avoit beaucoup de piété, & communioit souvent à une Tribune de l'Eglife, où on la portoit. Le mal augmenta confidérablement le Vendredi & le Samedi Saints. Le Lundi de Pâques la Mere Angélique dit à une Soeur d'aller trouver la maJade, & de lui dire qu'elle marchât au nom de Notre Seigneur au Saint Sacrement. La Religieufe s'en défendit, & pria la Mere d'y aller plutôt elle-même. Elle y alla d'un pas délibéré, & avec un vifage enflammé elle dit à l'enfant : » » Ma fille, confiez-vous en Dieu: puis la pre» nant par la main; levez-vous par obéiffance, » lui dit-elle, au nom de Notre Seigneur au >> Saint Sacrement. L'enfant se leva fur le champ fur fes pieds, ce qu'elle n'avoit pas fait depuis plus de cinq mois : monta les huir dégrés de la Tribune où elle étoit, pour aller à fa chambre. Elle marcha tout le jour fans boiter : son braş

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droit s'étendit. Elle mangea à fon dîner du bœuf & du mouton dont elle n'avoit pas mangé depuis 8. mois non plus que d'aucune viande folide. Le foir elle eut une légére convulfion qui fut la derniére ; & la toux par où le mal avoit commencé, la quitta avant la fin de la neuvaine. Elle alla auffi chanter au Chœur dès le deuxième jour de fa guérison. Les Médecins, M. Charles & M. Bouvard,accoururent au fpectacle, & dirent qu'ils étoient prêts à donner leur atteftation du miracle. Il y eut grande affluence de monde qui venoit voir la fille guérie ; & elle paffoit les journées entiéres à recevoir ces vifites fans en être fatiguée.

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Ce bon Payfan qui l'avoit vue malade, vint auffi la voir avec M. fon pere, & lui dit : » Eh »bien, ma petite Sccur, petite brebiette de No»tre Seigneur, ne vous avois-je pas bien dit " que Dieu feroit votre Médecin ? M. de Saint Ciran qui vint à la maison, voulut faire parler ce garçon pour l'éprouver. Que dites » vous, Frere Antoine, lui dit-il, de la préfomption & de la témérité de Madame de P. » R. qui a voulu faire comme Saint Pierre, di»fant à cet enfant : Levez-vous au nom de Je » fus-Chrift? Il répondit:» Je dis, Monfieur » que ce n'a point été présomption, mais sa foi » & fa charité qui l'ont portée à cela : & il continua de foutenir fon dire, quoiqu'on continuâr exprès de contefter. Cette jeune Demoiselle a été depuis Religieufe fous le nom de Sœur Madeleine-des-Anges de Drui.

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Tout ce récit eft extrait de l'acte autentique que j'ai devant les yeux à ce moment, figné de dix Religieufes qui reftoient en 1663. de celles qui avoient été témoins en 1627. de la merveille, dont voici les noms : Sœur Marie-des

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