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qu'en rapporte la Sœur Anne-Eugenie Arnaud. » M. L'Evêque du Bellai vint une fois à P. R. pour quelques jours. Il y prêchoit, & écrivoît » (des livres.) Tous les foirs la Mere Agnès & » moi l'allions voir ; & comme il fçut que j'a» vois la fièvre quarte, il me parloit fort gaie» ment. Mais y étant revenu d'autres fois, pen»dant qu'il écrivoit des livres d'hiftoires en» tremêlées de difcours de piété, qui finiffoient » toujours par des Martyres ou des entrées en » Religion, & dans lesquelles il exprimoit tou»jours les paffions humaines, comme font les » Romans, ces lectures m'étoient fort préjudi» ciables, & fa conversation auffi qui étoit fou» vent fur cela. Si Dieu ne m'eut tenue par la » main, je fuffe par-là rentrée dans l'efprit du » monde. Ce qui m'a fait connoître l'impor» tance de n'aller au parloir que le moins que », l'on peut, en fe préparant bien aupara»vant; encore que ce foit pour des perfonnes » Eccléfiaftiques; & s'il fe peut auffi, que les » Sœurs ne prennent conduite que de perfon»nes à qui elles ne parlent que de leur con

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fcience, & qui foient fi remplies de l'amour de Dieu, qu'elles ne leur communiquent au»tre chose. » Le caractére du bon Evêqué du Bellai eft affez bien pris dans ce qu'en dit cette Religieufe,

Un autre Evêque qui fut très-lié avec P. R. & la Mere Angélique, & dont la connoiffance occafionna plufieurs révolutions disgracieufes dans la maison, fut M. Zamet Evêque de Lan, gres. Ce Prélat s'étoit retiré de la Cour, & du grand monde où il avoit été fort répandu, & avoit embraffé une vie très-édifiante. Louife de Bourbon, premiére femme du Duc de Longueville, Princeffe d'une grande piété,avoit formé avec

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cet Evêque le deflein d'inftituer un Ordre de Religieufes particuliérement confacrées à l'Adoration du Myftére de l'Euchariftie, & qui par leur affiftance continuelle devant le Saint Sa❤ crement réparaffent en quelque forte les outra ges que lui font tous les jours, & les blafphêmes des Proteftans, & les Communions facriléges des mauvais Catholiques.

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L'Evêque & la Ducheffe communiquérent leur pensée à la Mere, & la priérent nonlement de les aider à former le nouvel Inftitut du Saint Sacrement, mais de vouloir même en accepter la direction. M. Zamet connoiffoit déja d'ailleurs la Mere Angélique, parce qu'il avoit pris de fes confeils pour la Réforme qu'il avoit établie dans le Monaftére de Tard pro che Dijon; & c'étoit la Mere de Chantal fondatrice de la Vifitation Sainte Marie, qui paflant par Langres avoit parlé à M. Zamet de la Mere Angélique avec une telle eftime,qu'il avoit conçu fur le champ un defir ardent de faire connoiffance avec elle.

La Mere Angélique édifiée de voir un Prélat auffi zélé, entra dans toutes les vues. Elle fit plus: elle le mit elle-même fous fa conduite pour la confcience. Elle entra d'autant plus volontiers dans le projet, que dès 1624. l'adoration perpétuelle du Saint Sacrement étoit établie à P. R. D'abord ce ne fut que pendant le jour; & bientôt après la nuit y fut comprife. L'intention de la Mere dans cet établissement avoit été d'attirer la protection du Ciel fur la mailon, qui étoit en grand danger d'être troublée dans fa Réforme par les Prélats de l'Ordre, après la mort de Dom l'Argentier Abbé de Clairvaux grand homme de bien & qui avoit beaucoup favorisé la bonne œuvre de P. R. auffi

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bien que l'Abbé Général de Cîteaux de ce mê me tems, Dom Boucherat. L'affaire du nouvel Inftitut traîna pendant 4. ans, parce que d'un côté les Religieufes de P. R. fouhaitoient qu'au lieu de fonder un nouvel Ordre, on incorporât le nouvel Inftitut dans le leur ; & que de l'autre l'Evêque de Langres changeoit perpétuellement de vues & ne fe fixoit à aucune. Nous verrons plus bas tout de fuite l'hiftoire de l'Inftitut.

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La Mere Angélique s'étant mife sous la direction de M. Žamet en 1626. les PP. de l'O, ratoire furent introduits à P. R. & devinrent Directeurs des Religieufes. Ce changement ne produifit pas un bon effet. Ces bonnes filles for tirent peu-à-peu d'une certaine fimplicité qui avoit regné jufques-là dans la maifon. Ces Peres les faifoient venir fouvent à confesse, & les accoutumoient à raifonner trop, & à fubtilifer fur leur intérieur. Ils attribuoient tous les divers mouvemens des ames à des deffeins particuliers de Dieu, & les regardoient comme des voies par lesquelles il les faifoit paffer pour les fanctifier. Les unes en avoient de rigueur, les autres de douceur ; enforte que les inclinations tout humaines de la nature les défauts même étoient un fujet de fimple compaffion pour ces Directeurs ; qui infpiroient à leurs pénitentes de rapporter ces chofes à Dieu & à Jefus-Chrift en hommage de fes fouffrances. On raifonnoit donc, & on parloit beaucoup ; mais on ne faifoit rien pour fe corriger. Si l'on fai foit quelque chofe, on étoit fort loué, comme fi on avoit fait une action héroïque fi au contraire on ne faifoit rien, & qu'on vécût dans la diftraction, le Directeur fe contentoit de plaindre la perfonne, & de dire qu'elle avoit

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bien des peines. Plufieurs Sœurs écrivoient fréquemment à leur Directeur: on y rendoit compte des pensées & des mouvemens qu'on avoit eus dans l'Oraifon, la plupart très-peu folides. Les Directeurs avoient la fimplicité d'admirer tout cela, & quelquefois même d'y trouver des efpéces de révélations. Le goût du merveilleux alla jufqu'à tenter un miracle. Les plus zélées de ces filles fe mirent dans l'efprit de guérir une vieille ancienne de P. R. fourde & muette. Elles fe réfolurent de paffer la nuit en veille devant le Saint Sacrement , pour demander ce miracle; & prirent cette bonne fille qu'elles placérent au milieu du Choeur, environnée de 16. cierges allumés en l'honneur des 16. Attributs de Notre Seigneur Jesus-Chrift au Saint Sacrement. De tems en tems elles alloient faire l'effai du miracle, lui parlant, & la faifant effayer de parler. Mais l'entreprife échoua. Toute cette conduite extraordinaire produifit beaucoup de mauvais effets : quelques Religieufes fe portérent à des écarts confidérables; il y en eut une même qui se dérangea totalement, & devint une très-mauvaise Religieufe. Ces Peres étoient cependant de fort bons Eccléfiaftiques; mais la Congrégation de l'Oratoire étoit naiffante ; & elle n'étoit pas encore telle qu'elle eft devenue dans la fuite pour la lumière & la solidité des principes.

Ce ne fut pas-là le feul inconvénient qui réfulta de la connoiffance de M. Zamet, & de la direction du Monaftére par ce Prélat, & par les nouveaux Oratoriens qu'il y avoit introduits. Ce Prélat étoit à la vérité rempli de bonnes intentions & fort zélé, mais d'un efprit borné & variable. Il fe perfuada qu'il falloit changer toute la conduite de la maison, & y en in

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de fon

troduire une plus propre à donner de l'éclat à la piété qui s'y pratiquoit, afin d'y attirer des perfonnes de qualité. Il crut que les maximes de la Mere Angélique ne s'accorderoient pas avec cette vue ; parce qu'en effet elle avoit nourri fes filles dans un amour de la retraite, de la pauvreté, & de la féparation du monde, qu'il lui paroiffoit impoffible de changer, à moins qu'on ne leur apprît, pour ainfi dire, une autre langue, & qu'on ne les fit changer de pays. C'eft pourquoi il s'avifa de faire venir à P. R. des Religieufes de l'Abbaye de Tard, qu'il avoit réformée en Bourgogne fuivant fon goût, & d'envoyer en Bourgogne les principales de P. R. pour en prendre l'efprit. Il appella donc à P. R. la Supérieure de cette Abbaye, qui s'étoit démife de fon Abbaye titulaire, la Mere Jeanne de Saint Jofeph de Pourlan, & quelques autres Meres de la même maifon : & il envoya à Tard la Mere Agnès avec quelques autres. Ceci arriva en 1629. Il s'en fallut peu même qu'il ne fit fortir la Mere Angélique de fa maison : il ne lui diffimula pas qu'il y avoit pensé.

L'entrée des Meres de Dijon dans la maison La Mere An- de P. R. concourut malheureufement avec la gélique fe dé- démillion que fit en 1630. la Mere Angélique Abbaye; la de fon Abbaye, pour la rendre élective & trienmaifon eft nale. Elle défiroit le faire depuis long-tems. gouvernée par Il étoit néceffaire pour y parvenir, que le Roi les Meres de voulût bien renoncer à fon droit de Nomination.

Tard.

La Reine Marie de Médicis, mere de Louis XIII. laquelle étoit affectionnée pour la Mere Angélique & pour fa maifon, fut follicitée d'obtenir cette grace de fon fils. On rapporte que cette Princefle étant un jour entrée dans la maifon, elle dit à la Mere Angélique: » Madame, » demandez-moi quelque chofe : quand j'entre

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