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Ainfi il n'y avoit de reffource à P. R. que dans les deux perfonnes que j'ai nommées, l'Abbeffe & la Prieure. Celle-ci étoit une fille très-fervenfort zélée pour toutes les pratiques religieufes. Elle voyoit avec peine que M. de Langres eut aboli une grande partie des obfervances de Cîteaux, , pour y établir celles des Carmélites. Mais fous ce prétexte d'un bon zéle, elle se lia avec des Religieux de l'Ordre qu'elle eut occafion de faire venir à P. R. & concerta avec eux de remettre la maison fous la Jurifdiction de l'Ordre. Elle avoit même gagné en partie la Mere Abbeffe. Mais la Mere Angélique qui en fut informée, & qui comprit qu'on alloit tout perdre dans la maifon, jugea à propos de faire revenir la Mere Agnès de Bourgogne. Elle fut donc rappellée, & fa préfence remédia à tout: excepté qu'elle ne ramena point la bonne Prieure de fes fortes préventions pour les PP. de l'Ordre. En effet cette Religieufe voyant toutes fes mefures rompues pour rappeller les PP. à P. R. fe concerta avec eux pour fortir elle-même. Elle fut nommée Abbeffe du Lieu-Dieu. Nous la verrons dans la fuite Abbeffe de Maubuisson, bien déchue de l'efprit de P. R.

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Pendant que P. R. étoit dans l'état venons de voir fous le gouvernement des Meres de Bourgogne les chofes n'alloient pas mieux en Bourgogne. Il eft à propos de reprendre l'hiftoire de la Tranfmigration des principales de P. R. à l'Abbaye de Tard, & des fuites qu'elle a eues. M. Žamet y avoit d'abord envoyé la Mere Agnès avec une autre Religieufe au mois de Septembre 1629. La Mere à fon arrivée fut mife en charge on la fit Prieure à la fin de Novembre de la même année; il fit encore partir de Paris la Sœur Marie-Claire

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Arnaud, avec deux autres Religieufes pour fe rendre à Tard. Le premier voyage ne réuffit point. Après deux journées de marche il fallut revenir à la maifon; tous les chemins étoient rompus par des fontes confidérables de neiges, qui étoient tombées dans le commencement de l'hyver. La Mere Angélique fouffrit beaucoup de toutes ces entreprises mal concertées. Elle fe taifoit néanmoins, fe perfuadant que le tems d'obéir étoit venu pour elle : car elle étoit alors fur le point de quitter fon Abbaye, pour la mettre en Election. Au mois de Mars 1630. on fit repartir pour Dijon les trois Sœurs de P. R. les chemins étoient encore fi mauvais, qu'il leur arriva plufieurs accidens très-fâcheux, jufque-là qu'ayant été obligées de defcendre de caroffe dans un mauvais pas à l'entrée de la nuit, & marchant fans fe voir, une des trois fe trouva égarée de la compagnie : & fans un Gentilhomme à cheval qui la rencontra & la reconduifit à fon caroffe, elle étoit en rifque de fe noyer & de fe tuer. Elles furent bien reçues dans l'Abbaye de Tard au premier abord; mais enfuite on les fépara les unes des autres : on leur défendit d'avoir aucune communication entre elles, & même avec la Mere Agnès & les autres de P. R. qui étoient venues avant elles. C'étoit comme une efpéce de Noviciat qu'on vouloit leur faire faire, afin de les monter plus sûrement fur les maniéres de cette maifon. Ce moyen ne réuffit que trop bien à celles qui conduifoient cette affaire. Car infenfiblement les Religieufes de P. R. prirent goût à la conduite de celles de Bourgogne : la Mere Agnès elle-même qui fut faite Abbeffe de la maison, donna dans le piége: & lorfqu'elles revinrent toutes à P. R. elles apportérent avec

IX.

elles une aliénation fécrette des vues & des prin cipes de la Mere Angélique. Il s'enfuivit quelque petite divifion, qui graces au Ciel n'eut pas de fuite: fi ce n'eft du côté de la Sœur MarieClaire Arnaud, qui paffa quelques années depuis fon retour ouvertement déclarée contre la Mere Angélique fa Sœur.

Pendant toutes ces révolutions de l'Abbaye Nouvel Infti- de Tard & de la maifon de P. R. l'affaire de rur du Saint l'Inftitut du Saint Sacrement occupoit l'efprit

Sacrement.

de l'Evêque de Langres. Il changea plufieurs fois le deffein de fon Inftitut. Il vouloit dans un tems en faire un Ordre de Religieux plus retirés, & encore plus auftéres que les Chartreux: puis il jugea plus à propos d'établir un Ordre de filles. Tantôt il vouloit que l'habit de ces filles eût quelque chofe d'augufte & de magnifique, pour attirer, difoit-il, la vénération du peuple. Tantôt il prétendoit qu'elles fuflent extrêmement pauvres, & que pour mieux honorer le profond abaiffement de Jefus Chrift dans l'Euchariftie, elles portaffent fur leur ha bit toutes les marques d'une parfaite pauvreté. Les Réglemens qu'il avoit deftinés pour ce nouvel Ordre, variérent aufli beaucoup. La Mere Angélique voyant ces incertitudes, eut un preffentiment que cet Ordre ne feroit pas de longue durée cependant elle laiffoit faire. Six ans fe pafférent depuis que le projet de cette œuvre fut conçu, jusqu'à son exécution; car on commença à en parler en 1627. & l'établissement ne se fit qu'en 1633. Dans l'année 1630. les Lettres Patentes pour l'érection furent obtenues. On avoit l'agrément du Saint Siége dès 1627. la même Bulle qui autorifoit les Religieufes de P. R. à paffer fous la Jurifdiction de l'Ordinaire, permettant aussi l'établissement de l'Or

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dre du Saint Sacrement. Louis XIII. étant tombé malade à Lion, & étant désespéré des Médecins, demanda le Saint Viatique. Il reçut auffitôt après avoir été adminiftré, un soulagement fi confidérable, qu'il fut regardé comme miraculeux. Enfuite il fit vou par efprit de reconnoiffance de fe rendre fondateur du Monaftére du Saint Sacrement, dont l'Evêque de Langres pourfuivoit alors l'établissement. Il ordonna à M. de Marillac, Garde des Sceaux, d'en expédier les Lettres Patentes: ce qu'il fit, en articulant dans les Lettres & la guérifon miraculeuse du Roi, & le vœu qu'il avoit fait. Voilà comment on avoit obtenu la permiffion de la Cour. Mais l'Archevêque de Paris, JeanFrançois de Gondy, arrêtoit l'affaire depuis trois ans, & continua encore trois ans de refufer fon confentement pour deux raifons : la premiére, parce qu'il vouloit que la Mere Angélique fut Supérieure du nouvel Inftitut. que M. de Langres en vouloit une autre la feconde étoit un article des Bulles de Rome qui lui déplaifoit fort, favoir, que l'Archevêque de Paris n'étoit pas nommé feul Supérieur du nouvel Ordre, & qu'on lui affocioit l'Archevêque de Sens & l'Evêque de Langres. Il fe rendit enfin, à condition que dans le cours de l'année on feroit réformer la Bulle, pour y inférer qu'il feroit le principal Supérieur de cette maifon; que l'examen & la profeffion des Religieufes dépendroit de lui, & qu'il jouiroit même de quelques prérogatives au-deffus des deux autres Supérieurs.

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Ainfi le 8. Mai 1633. La Mere Angélique, qui étoit nommée Supérieure par la Bulle, entra dans la nouvelle maifon avec quelques au tres Religieufes de P. R. comme il étoit ordonné

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par la même Bulle. Son goût l'en éloignoit, fur tout depuis qu'elle avoit renoncé aux charges, & fait démiffion de fon Abbaye d'ailleurs elle favoit bien que l'Evêque de Langres avoit fait tout ce qu'il avoit pu pour donner à fon nouvel Ordre une autre Supérieure qu'elle; mais elle fe rendit par obéiffance. Elle amena avec elle trois Profeffes de P. R. quatre Poftulantes auffi de P. R. & une Religieufe Converse de Tard. Ce fut la Ducheffe de Longueville qui les conduifit dans fes caroffes. Les trois Profeffes étoient la Sœur Marguerite de la Trinité Mauroi, la Sœur Agnès de la Mere de Dieu de Chouï, & la Sœur Anne de Saint Paul Arnaud. Les quatre Poftulantes étoient Catherine de Sainte Agnès Arnaud, Anne de la Nativité Hallé - Magnard, Madelaine de Sainte Agnès de Ligny Anne de Jefus de Foiffy de Chameffon. La maifon étoit dans la rue Coquillére, paroiffe Saint Euftache. C'étoit une maifon bourgeoife affez commode pour loger des particuliers, mais fort peu propre à loger une Communauté. On avoit pratiqué le Dortoir dans le grenier, dont le platfond étoit tout proche des tuiles, enforte qu'il y faifoit très-froid en hyver, & très-chaud en été. Pendant les fix années qu'a subsisté le nouvel Inftitut, la maison est demeurée en cet état, le Roi qui s'étoit déclaré fondateur, & la Ducheffe de Longueville la fondatrice,n'ayant donné ni l'un ni l'autre aucun fonds. La maifon même avoit été achetée des deniers d'une pieufe veuve, nommée Madame Bardeau, qui avoit légué une fomme de 30000. liv. par fon Teftament à la maifon de P. R. en faveur de ce nouvel Inftitut. La maison fut bénie par M. le Blanc Official & Grand-Vicaire de M. de Paris, & le lendemain l'Archevêque lui-même

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