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y vint dire la Mefle Pontificale, & y mit lé
Saint Sacrement; après quoi il vit la Mere An-
gélique & fes compagnes au Parloir; il leur
fouhaita mille bénédictions
en leur donnant
la fienne.

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X.

à celui de la

que dans la

L'Evêque de Langres qui fe regardoit comme fondateur du Monaftére, & qui fe donnoit en Efprit de l'Ecette qualité la principale autorité dans la mai- vêque de Lanfon, affocia contre toute régle à la Mere An- gres, oppofé gélique pour la fupériorité une des quatre Postu- Mere Angélilantes qui étoient venues de P. R. C'étoit Anne de Jefus de Foiffy de Chameffon, fille de maison du S. condition, fort bien faite, qui favoit bien Sacrement. parler & entretenir le monde, & qui avoit beaucoup d'efprit, quoique peu folide & affez alticr. Elle étoit Chanoineffe de Remiremont. Le Prélat croyoit cette fille très-capable de conduire, outre qu'il avoit en vue de contrebalancer l'autorité de la Mere Angélique, qui avoit été nommée Supérieure contre fon gré, & qu'il favoit n'être pas d'humeur d'adopter toutes fes vues d'éclat & de magnificence. Comme il étoit le Directeur de la Mere Angélique, elle fe foûmit avec fimplicité à cette efpéce de tyrannie du Prélat, qui lui avoit ordonné de ne rien faire fans l'avis de cette Poftulante, & de l'employer même aux premiéres charges. Lui-même l'établit Maîtreffe des enfans & des Poftulantes qui fe préfentoient pour la Religion. Les autres Religieufes fouffroient fort impatiemment qu'une fille nouvellement entrée en Religion, la moins ancienne de toutes, qui étoit fans expérience ni vertu, eût la connoillance & la conduite de toutes chofes ; qu'elle s'élévât mênte au-deffus de la Mere Angélique, qui fouvent étoit contrainte de lui céder. Le refpect qu'elles avoient pour la Mere & l'édification que leur

caufoit fon admirable patience, les contenoient, & les empêchoient d'éclater.

La Mere avoit une autre épreuve beaucoup plus rude à fupporter, du côté des vues du Prélat, qui étoient toutes oppofées aux fiennes : comme on l'a déja vu au fujet des Religieufes de Tard. Il prétendoit qu'on ne reçût pour penfionnaires que des filles de Marquis & de Comte; qu'on n'admit à la profeffion que des filles riches qui apporteroient 10000. liv. que l'habit fût de belle ferge blanche avec de grands manteaux traînans, un fcapulaire rouge de belle écarlate, du linge très-fin, tout l'habillement enfin avantageux, & comme il s'exprimoit lui-même, fouverainement augufte. Il entendoit que la table fût bonne, & les mets préparés avec foin; que l'Autel fût paré avec pompe & avec éclat, & que les linges fuffent pliffés avec élégance. Il trouvoit bon que les récréations fuffent affaifonnées de railleries; qu'on fe divertît à fe contrefaire les unes les autres; ce qu'il appelloit fe déniaiser. Avec tout cela il ordonnoit des jeûnes au pain & à l'eau, des difciplines, des pénitences très-humiliantes. Il fe propofoit même de rendre fes filles des filles d'Oraifon, qui fuffent s'éléver dans les voies de Dieu.

On peut juger combien ce mélange bizarre de pratiques toutes difparates, & comme la Mereles appelloit, extravagamment dévotes, choquoit cette fervante de Jefus-Chrift, & combien fon état lui étoit pénible. Car elle étoit partagée entre le refpect que fa piété lui inspiroit pour fon Directeur, à qui elle auroit bien voulu déférer en tout, & le zéle du falut de fes filles qui étoit bien expofé dans une conduite auffi hétéroclite, fur laquelle elle ne pouvoit

démentir les yeux & contredire fes lumiéres. Elle dévora généreufement toutes ces angoiffes, & prit le parti de faire tout de fon mieux. Les leçons & les exemples qu'elle donna à sa nouvelle Communauté, font les mêmes que nous lui avons vu donner à P. R. dans l'établissement de la Réforme. Il n'eft pas néceffaire de les répéter ici. J'ajoûterai feulement que comme Dieu lui avoit départi un grand don de patience, elle en fit ufage au milieu des difficultés de la nouvelle œuvre. Elle avoit une tendresse admirable pour les foibles, & une charité à l'épreuve de tout pour les difcoles. Ce n'est pas qu'elle ne parlât fouvent avec force; mais elle le faifoit toujours avec une forte de retenue. Elle tempéroit tellement fon zéle par la douceur & par les témoignages de bonté, que fi la force de fes paroles atterroit quelquefois, fa charité relevoit auflitôt.

Rien n'égaloit celle qu'elle portoit dans fon cœur pour cette Sœur Poftulante Anne de Jefus, qui s'oublioit entiérement à fon égard, & bleffoit continuellement le refpect qu'elle lui devoir. Cette fille vouloit que la Mere lui rendît compte de tout, qu'elle ne fit rien fans fon avis, jufque-là qu'elle eut une fois l'impertinence de lui demander pourquoi elle avoit fait acheter un pot de terre, fans lui en parler. Elle la contrarioit en tout avec une hardieffe étonnante, & un ton fi haut qu'il fembloit fouvent qu'elle la querellât. La Mere l'écoutoit fans émotion, & lorfque l'on difoit à la Mere de lui impofer filence, elle répondoit: » C'est une » croix que Dieu m'a donnée, il faut que je

la porte. Mais cette fille, lui difoit-on, nous » fcandalife. Elle répliquoit: Il ne faut pas » dire cela, ma Sœur, il faut en avoir com

XI.

Mort de la

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paffion, & prier Dieu pour elle. Nous ne fommes que douze qui repréfentons les Saints Apôtres, parmi lesquels Jefus-Christ a bien fouffert Judas: pourquoi ne fouffririons-nous → pas cette pauvre fille, qui eft dans un grand → aveuglement ? » Les Religieufes inftruites par un tel exemple de tolérance, fupportoient auffi, à l'imitation de la Mere, les écarts de cette fille dans tout le refte. C'étoit fur tout dans les conférences qu'elle étoit à charge à la Communauté par fon efprit de contradiction, & par les badinages qu'elle mêloit aux difcours Cérieux de la Mere & des Sœurs, qui s'entretenoient des chofes de Dieu. On baiffoit les yeux, & on la laiffoit dire. Il n'y avoit donc que cette fille qui fit bréche à la grande union qui regnoit dans ce petit troupeau. On ne pouvoit rien ajoûter à la charité tendre qu'elles avoient les unes pour les autres, fans qu'il y eût aucune amitié particuliére ce qui détruit ordinairement la vraie charité. Cette charité les rendoit extrêmement compatiffantes aux peines & aux infirmités du prochain : elle paroiffoit fur tout lorfqu'on fe trouvoit ensemble dans quelque travail, ou quelque obédience; encore plus dans les conférences, où l'on fe rendoit les unes aux autres refpect, fupport, déférence. On ne manquoit pas de fatisfaire fincérement aux moindres fautes qui avoient pu bleffer ou mal

édifier les Sœurs.

Dès la premiére année, une des Sœurs de P. R. Sour Anne que la Mere avoit amenées, édifia la petite Comde Saint Paul, munauté par fa mort vraiment chrétienne, comcoufine ger- me elle avoit édifié la maifon de P. R. par fa maine de la vie vraiment Religieufe. Elle fe nommoit AnMere Angéli- ne de Saint Paul Arnaud, coufine germaine de la Mere Angélique. Elle étoit fille unique de

que.

David Arnaud Controlleur des Restes, tendrement aimée de fes parens pour les grands avantages du corps & de l'efprit qu'elle poffédoit. Ils ne purent cependant l'empêcher de fe faire Religieufe. Elle en avoit eu la penfée dès fa plus tendre jeuneffe: elle fe mettoit fouvent à genoux devant une image de la Sainte Vierge, pour obtenir cette grace par fon interceffion. Elle demanda permiffion de paffer tout fon Noviciat en filence. Elle le paffa ainfi, s'exprimant par fignes, fans que fon grand filence fût pénible à perfonne, parce qu'elle étoit toujours prête à tout faire. Elle avoit une telle horreur du péché, que lorfqu'elle favoit quelqu'un en mauvais état, elle en paroiffoit toute pénétrée de douleur & de compaffion.

Peu de tems après fa profeffion la Mere Angélique la mena avec elle à la nouvelle maison du Saint Sacrement. Elle l'établit à la Sacriftie. Le grand nombre de Mefles qui s'y difoient à caufe de la nouveauté de l'Inftitut, & la dévotion de plufieurs Evêques & d'autres Eccléfiaftiques de condition pour y faire blanchir leur linge d'Eglife, lui donnérent beaucoup de travail. Cependant elle ne fe difpenfa jamais d'aucun office public, quoiqu'elle ne pût pas d'ailleurs fe faire aider par les Sœurs qui étoient en trop petit nombre. Elle aidoit au contraire les autres dans leurs obédiences, nonobstant un rhumatisme habituel qu'elle avoit. Elle fut attaquée d'une petite vérole mêlée de pourpre. Elle reçut cette maladie avec joie, n'appréhendant point la mort, & étant bien aife que Dieu la fit fouffrir avant que de l'appeller à lui. La Mere Angélique fe conftitua la garde pendant fa maladie, lui rendant tous les fervices, même ceux qu'on craint le plus dans ces ma

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