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fi attaché, fe reffentit de fa mauvaise humeur, parce qu'elle ne trouvoit pas bon qu'il eut confenti fi facilement à ce qu'on la fît rentrer dans l'ordre commun. Elle ne daigna plus luž écrire, comme elle le faifoit par le paffé. Des puis cependant il fit attention à fa peine, & fe laiffa toucher. Lorfqu'il fut de retour à Paris, iFcommença à battre froid à M. de faint Ciran. La Ducheffe de Longueville qui protégeoit fort cette fille, & à qui elle porta auffi fes plaintes, fe refroidit pareillement à l'égard du faint Abbé fur les impreffions que cette fille lui en donna. Elle fentoit d'ailleurs que la grande eftime qu'on faifoit de lui dans la maison, étoit une diminution de l'autorité de M. de Langres? outre le peu de fatisfaction qu'elle avoit de voir régner dans la petite Communauté un esprit de fimplicité, de pauvreté & de retraite qui ne s'accordoit pas, comme nous l'avons dit, avec les vues de grandeur & d'éclat qu'avoit cette Princeffe.

M. de Langres quoique fort prévenu contre M. de faint Čiran, ne laiffoit pas de le confidérer encore beaucoup. Etant tombé dangereu-fement malade, il voulut conférer avec lui fur plufieurs chefs qui intéreffoient fa conscience,du nombre defquels étoit la démiffion de fon Evêché. Mais à peine fut-il guéri, qu'il fut choqué de la liberté chrétienne avec laquelle l'Abbé avoit répondu à fes confultations: il s'éloigna infenfiblement de lui, ne le voyant qu'avec peine. C'eft pourquoi il ne venoit plus que trèsrarement au faint Sacrement; & lorfqu'il y venoit, il ne demandoit que fa Philothée Anne de Jefus, avec qui il paffoit des heures entiéres à converfer. Il voyoit par bienféance la Mere Angélique en paffant, & uniquement pour lui

faire des reproches. Il fe plaignoit qu'elle écartoit tous les amis de la maifon, fe tenant trop renfermée. Il lui reprocha un jour le refus qu'elle avoit fait de rendre fervice à un Abbé de L'Ordre de faint Auguftin, qui ayant été touché des excellentes chofes qu'elle lui avoit débitées dans une conversation, étoit revenu la prier de le prendre fous fa conduite. Il trouvoit fort mauvais qu'elle n'eut pas voulu fe charger de cet honnête homme, & qu'elle lui eut même fait des excufes de la hardieffe qu'elle avoit prife de l'enfeigner. Mais la Mere fe défendit fur la condition & fon fexe, auffi-bien que fur les occupations de fa maifon qui ne lui permettoient pas de s'ingérer dans une œu vre de cette nature.

XV.

tire du Saint

Cette méfintelligence qui continuoît entre les Supérieurs & les Directeurs de la maifon, inf- La Mere An pira à la Mere Angélique de remettre le Mo- gélique fe te naftére abfolument entre les mains de M. de Sacrement, & Paris. Pour le faire fans éclat, elle prit le parti eft remplacée de fe faire fubftituer une autre Supérieure qui ne par la Mere ledéplairoit pas tant qu'elle à M. de Langres. Elle Tardif Abjetta les yeux fur la Mere Geneviève, actuel beffe de l'. R. lement Abbeffe de P. R. Elle fit fecretrement propofer la chofe à M. l'Archevêque, le priant de lui envoyer un ordre de fe retirer à P. R. & d'en envoyer un pareil à l'Abbeffe de P. R. de venir au faint Sacrement. L'affaire réuffit à merveille, fans que rien eut transpiré. Le 10. Février 1636. un Grand-Vicaire arriva au faint Sacrement avec l'Abbeffe de P. R. La Mere Angélique fe tenoit à la porte toute prête à partir, fuivant que tout avoit été concerté; & en même-tems que l'Abbefle entra, elle fortit .& revint à P. R. Elle en avoit prévenu en fé-cret fes cheres filles, qui malgré le tendre atta→

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chement qu'elles avoient pour elle, fe rendirent à fes raifons qui étoient toutes de religion. Car l'efprit de Dieu paroiffoit fi vifiblement dans tout ce qu'elle faifoit & ce qu'elle difoit, que fes filles demeuroient toujours perfuadées, & acquiefçoient à tout ce qu'elle vouloit, quelque répugnance qu'elles reffentiffent.

La Sour Anne de Jefus fut bien étonnée lorsqu'elle vit entrer la Mere Geneviève ; elle l'écri vit fur le champ à Madame la Ducheffe de Longueville, & à M. de Langres, qui furent auffi extrêmement furpris. Mais revenus du premier étonnement, ils n'en furent point fâchés ; penfant qu'ils viendroient mieux à bout de la Mere Geneviève, que de la Mere Angélique

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&

qu'elle entreroit plus dans leur efprit. Ils accoururent donc, firent de grandes amitiés à la nouvelle Mere, & la félicitérent fur ce que l'accompliffement de cette grande œuvre lui étoit réservé. Comme cette Mere étoit fort vertueufe, & qu'elle avoit fur-tout beaucoup de fimplicité & de droiture, elle rendoit compte de tout à la Mere Angélique par lettres. Celleci infiftoit toujours fortement fur le renvoi de la Soeur Anne de Jefus; pendant que d'autre part, l'Evêque de Langres la préconifoit auprès de la Mere, & follicitoit vivement la réception. La Mere Supérieure penfa être furprise: cette fille faifoit auprès d'elle tant de fouplesfes, & l'Evêque la lui recommandoit avec tant d'adreffe & un fi grand dehors de dévotion, qu'elle fut toute prête à la recevoir. Elle écrivit à la Mere Angélique, qu'il lui paroiffoit un notable changement en mieux dans la Sœur. La Mere Angélique ne lui répondit autre cho fe, finon qu'elle prit huit jours pour y penfer. Pendant ces huit jours, la Mere Genevieve ou

vrit les yeux, & prit fa résolution fixe de renvoyer la Sœur. Elle déclara donc les intentions à la fille, laquelle ayant naturellement le cœur haut, accepta le congé fur le champ, & écrivit à M. de Langres, & à la Ducheffe. Celle-ci vint promptement au Monaftére, & emmena la fille. La four Converfe de Dijon, la voyant partir, demanda auffi à fe retirer; ce qui lui fut accordé enforte que la maison se trouva dans une union parfaite & une pleine paix fous l'autorité de M. l'Archevêque, qui en fut reconnu feul Supérieur ; & depuis ce tems-là, M. de Langres n'y mit plus les pieds.

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Il s'agifloit de confommer l'établissement en donnant l'habit aux Poftulantes. C'est à quoi on penfa. Car la Mere Angélique n'avoit donné l'habit à aucune, parce que l'affaire étoit toujours en fufpens, & que l'Archevêque ne vou loit point terminer pour les raifons qui ont été rapportées plus haut. C'eft une chofe digne de remarque, que ces bonnes filles Poftulantes qui ne voyoient point de fin, n'en avoient cependant aucune inquiétude. La Mere leur avoit fi bien appris à attendre en paix les momens du Seigneur, & à remettre tous leurs foins fur la Providence, qu'elles ne penfoient qu'à s'avancer dans la voie de Dieu, & à croître dans fon amour, indépendamment de tous les événemens. - La jeune fille congédiée fe vangea par des difcours très-défavantageux, qu'elle tenoit auprès des perfonnes de condition contre la mai- contre la maifon, & fur-tout contre M. de faint Ciran. La Sacrement.. Prieure des Carmélites de faint Denis, qui étoit à Paris, tante de Mademoiselle de Ligny qui étoit penfionnaire au faint Sacrement, fe laiffa prévenir, en parla à M. fon frere le Chance-lier Segurer, & à fon autre frere l'Evêque d'Au

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XVI. Perfécution

fon du Saint

xerre. Ces Meffieurs firent prier M. de faint Ci ran de s'abstenir de voir leur niéce ; & le Chancelier déclara qu'il la retireroit, fi cet Abbé continuoit de fréquenter la maifon. M. de faint Ciran dont la maxime étoit de fuivre toujours Dieu,c'est-à-dire,de fe conformer aux ordres de la Providence, à mesure qu'ils fe manifestoient, crut qu'elle lui ouvroit une porte pour faire ce qu'il avoit déja projetté, qui étoit de fe retirer, fans cependant fe rendre coupable d'avoir manqué à ce qu'il devoit à des ames que Dieu avoit mifes entre fes mains. Il prit donc le parti de la retraite, mais il donna aux Sœurs un fubftitut d'un rare mérite. Ce fut M. Singlin dont il fera beaucoup parlé dans la fuite, & qui confeffoit déja depuis quelque tems dans la maifon de P. R.

Cependant Meffieurs Séguier ne perdoient pas la penfée de retirer leur niéce de la maifon. Ils trouvérenr en elle plus de réfolution qu'ils ne comptoient. Elle leur déclara qu'elle ne fe feroit jamais Religieufe qu'au faint Sacrement, ou à P. R. & cela précisément à caufe de la bonne conduite, & de la pureté des fentimens qu'y · avoit établis M. l'Abbé de S. Ciran. Ce fut une - occafion à l'Evêque d'Auxerre d'entrer en matiére avec fa niéce. Il lui dit que M. de faint Ciran étoit devenu fort fufpect fur fa doctrine & fur fa conduite, fur-tout au fujet de la Communion. La niéce rendit compte à fon oncle de ce qui en étoit. Elle lui expofa les avis que M. de faint Ciran leur donnoit pour les difpofer à la fréquente Communion; les cas où il confeilloit de s'en abftenir quelquefois: elle lui déclara que l'ufage de la maison étoit de communier les Dimanches & les Fêtes, tous les Jeudis, & quel quefois les Samedis, L'oncle pleinement fatis

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