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fait, laiffa la niéce dans la maison, & l'exhorta à bien faire.

La perfécution qui s'étoit allumée contre M. de faint Ciran pour les raifons que nous avons vues & plufieurs autres que nous verrons, retomboit par contre-coup fur la maison du faint Sacrement. M. de Paris voyant le bruit qu'on en faifoit, & les mauvais rapports qui avoient paffé jufqu'aux oreilles du Nonce, voulut éclaircir les choses. Il envoya au faint Sacrement M. de Comtes Chancelier de Notre-Dame, & Supérieur de la maison, pour faire les informations requifes. Cet Eccléfiaftique pria d'abord la Mere Supérieure de lui donner par écrit fes fentimens fur la Confeffion & la Communion. Il n'y trouva rien que de très-orthodoxe. Enfuite il interrogea toutes les Sœurs, fut trèscontent de leurs réponses, fur-tout de l'affurance qu'elles lui donnérent que c'étoit par Pinspiration de M. de faint Ciran, qu'elles s'étoient mifes dans l'entiére dépendance de M. l'Archevêque comme de leur unique & vrai Supérieur. M. de Comtes rendit compte au Prélat, & revint une feconde fois, où il régla qu'au lieu du fcapulaire d'écarlatte que M. de Langres avoit voulu leur faire porter & qui avoit quelque chofe de trop brillant, elles prendroient un fcapulaire blanc avec une croix rouge. M. FArchevêque vint enfuite lui-même, interrogea toutes les Soeurs, les loua beaucoup de leur conduite, & fit, de grands éloges de fa chere fille la Mere Angélique, auffi-bien que de M. de faint Ciran, dont la juftification s'en-fuivoit tout naturellement des fentimens chrétiens & Catholiques où fe trouvoient des filles formées par ce Directeur. Il prit jour le 16. Se ptembre pour donner l'habit a fix Poftulantes,

trois de Chœur, & trois Converfes. Lorfqu'if' fit la cérémonie, la Mere Supérieure & les anciennes Profeffes recurent de fa main le fcapulaire blanc avec la croix rouge. Ce fut en cette occafion que les filles de P. R. commencérent à faire prendre l'habit aux Poftulantes fans aucun ornement, ni aucune parure, avec un habit très-fimple, & une coëffe fur la tête: & ainfi fut fupprimé dans ce Couvent l'abus très-commun alors, & encore aujourd'hui, de faire paroître la Poftulante revêtue de toutes les pompes du fiécle & de la vanité du vieil homme, dans le moment qu'elle va fe confacrer à Jefus-Chrift, & fe revêtir de lui & de fon humilité.

On difpofa ces filles pour la Profeffion durant le cours de l'année. Mais lorfque tout étoit prêt, par une retraite de fix femaines entiéres que les Novices, & toute la maifon avec elles avoient faite, on fut arrêté par l'incommodité de la maifon qu'on occupoit, où il y avoit trop peu d'air : à quoi on attribuoit les maladies fréquentes de la plupart des Religieufes. On crut qu'avant toute chofe il falloit changer de mai fon. C'eft pourquoi M. l'Archevêque envoya un ami du Monaftére propofer aux Religieufes le choix entre l'un de ces deux partis ou d'acheter promptement une maifon plus commode, ou de s'en retourner à P. R. en attendant qu'on l'eut trouvée. On fit beaucoup de prières pour confulter le Seigneur, & ne rien faire que par fon efprit ; & on choifit le fecond parti propofé, de retourner à P. R. d'autant plus que la plupart des filles de P. R. avoient toujours fouhaité que le nouvel Inftitut s'y établit; & que d'ailleurs celles du faint Sacrement Y gagnoient ce qu'elles avoient de plus cher au

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monde, leur réunion avec leur vénérable Mere Angélique. Ainfi finit cette affaire de l'Inftitur du faint Sacrement, que nous verrons dans la fuite adopté par les deux maifons de P. R.

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XVII.

L'Institut du

Ces filles revinrent à P. R. le 19. Mai 1638. pleines de joie pour les deux perfonnes qu'el-Saint Sacreles comptoient y retrouver la Mere Angéli- ment tombe. que & M. de faint Ciran, qui étoit toujours demeuré lié à P. R. La joie fut bien tempérée par la triste nouvelle qu'elles apprirent en arrivant, de la détention de M. de faint Ciran, qui avoit été mené à Vincennes deux jours auparavant. C'étoit la Mere Agnès qui étoit en place, ayant fuccédé depuis peu à la Mere Geneviève dont le tems avoit expiré, pen-dant qu'elle étoit au faint Sacrement. Cette bonne Mere les reçut avec une extrême fatisfaction. Elles la priérent de trouver bon qu'el-les rentraffent au Noviciat. Cela leur fut accordé; enforte qu'elles avoient le bonheur d'entendre les fréquentes conférences que la Mere: Angélique faifoit aux Novices. La maifon cependant ne jouiffoit pas d'une parfaite tranquil. lité. Il s'étoit formé une efpéce de fchifme à l'occafion de M. de Langres Quelques Religieu fes lui demeuroient fort attachées, confervant toujours la premiére idée qu'elles avoient prife de fa vertu & de fa piété, quoiqu'il y fut arrivé un grand déchet. Elles étoient foutenues. dans leur partialité par cette Dame de Pontcarré, dont il a été parlé déja, qui demeuroit1à - P. R. & qui avoit donné 24000. liv. qu'on avoit employées à commencer le nouveau bâtiment. Elle étoit très-liée à M. de Langres & ne voyoit rien au-deffus de lui; enforte qu'elle défapprouvoit tout ce qui n'étoit pas felon le goût du Prélat, & par contre-coup improuvoit tout

3.

ce qui fe faifoit fuivant celui de M. de faint Ciran. Son autorité au refte étoit peu confidérable. C'étoit un efprit un peu léger, d'une humeur libre & hardie. Elle avoit affez bien commencé. D'abord elle ne demandoit à la mai. fon qu'un très-petit appartement, une place pour mettre fon lit difoit-elle > & quatre pieds pour tourner à l'entour; & une four Converfe pour la fervir. Elle avoit fait mettre dans le contrat,qu'en cas qu'il lui prêt fantaifie de fortir,on ne lui rendroit pas fes 8000. écus ; voulant ainfi fe lier elle-même par la crainte de la propre légereté. Elle fe mit fous la direction de M. de Langres, dans le tems que co Prélat étoit dans fa plus grande ferveur. Il lui fit faire le facrifice d'un Luth dont elle jouoit fort bien,,. & de tous les livres de mufique.

Lorfque M. de Langres eut décidé qu'il falloit employer les 8000. écus au nouveau bâtiment, elle donna figne dès-lors de relâchemenţ. Elle fe fit faire un parloir, un tour, un grand cabinet, un oratoire peint en camaïeu, une terraffe avec des caiffes d'orangers: ce qui obligeoit les Sœurs de porter 18. ou 20. seaux d'eau tous les jours au haut de la maison, pour arrofer ces jardins. Elle devint auffi fort haute & impérieufe. Les converfations avec l'Evêque, qui dans les commencemens étoient toutes de piété, dégénérérent en conversations amufantes. Le Prélat y paffoit des journées entiéres. Ils alloient fouvent promener ensemble au dehors. La Dame ne laifoit pas d'eftimer M. de faint Ciran, qui fréquentoit P. R. mais elle ne fe mit point fous fa direction. Lorfque la Mere Angélique tenoit bon pour les obfervances de Citeaux contre les innovations que M. de Langres vouloit introduire, la Dame écri

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voit à Tard à la Mere Agnès qui en étoit Ab beffe, de maniére à lui faire entendre que la M.Angélique penfoit à fe remettre fous la jurifdiction de l'Ordre. Ce fut-là l'origine des préventions que la Mere Agnès & fes compagnes de Tard prirent contre la Mere Angélique, & contre M. de faint Ciran. Quand elles revinrent de Tard, elles en rapportérent ce levain': la Mere Agnès le dépofa bien vîte, lorsqu'elle eur vu les chofes de près. Mais fes compagnes ne firent pas de même. Trouvant quelques efprits dans la maifon difpofés comme elles, elle ne vivoient pas en bonne intelligence avec les Meres. La Dame de Pontcarré entretenoit ce fchifme, auffi-bien que FEvêque de Langres qui continuoit de venir à la maifon, & autorifoit ces filles dans leurs murmures & leurs désobéiffances, comme la Mere Angélique l'affure ellemême dans un Mémoire dont nous parlerons plus bas.

XVIII.

P. R.

Les Meres furent enfin forcées d'employer un remède un peu fort, de crainte que le mal M. de Lan n'allât plus loin: ce qui auroit été la ruine de gres écarté de tout le fpirituel de la maison. Elles priérent tout franchement M. de Langres de ne plus revenir à la maifon, & défendirent à toutes les Sœurs de parler à Madame de Pontcarré; à qui il fut auffi fait défenfe d'aller dans la maison, fans être accompagnée d'une Sœur qu'on chargea de cette fonction. Ces précautions produifirent leur effet, non fans le fecours des priéres ferventes des deux faintes Meres, & de Madame Arnaud, devenue la Sœur Catherine de fainte Félicité, laquelle pleuroit nuit & jour, la petite Marie-Claire la fille, qui étoit malheureufement du nombre des fchifmatiques, & une des plus tenaces. En peu de tems toutes les Sœurs fé

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