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XIX. Caufes de la perfécution contre M. de

Saint Ciran.

duites ouvrirent les yeux, vinrent à réfipifcen ce, & réparérent leur faute avec un zéle, & une humilité extraordinaires. Elles demandoient par efprit de pénitence l'habit de Converses, afin d'être employées aux travaux les plus rudes de la maifon elles fe foumettoient à tout, pleu roient, portoient par-tout leur confufion. La Dame cependant étoit fort piquée du traitement qu'on exerçoit envers elle; elle s'en vangeoit, en tournant en ridicule tout ce qui fe faifoit dans la maison. Enfin la Mere Angélique s'avifa de lui faire offre de lui payer la rente des 8000. écus, fi elle vouloit fortir de P. R. La Dame la prit au mot, & fe retira.

C'eft ainfi que Dieu éprouvoit fes fervantes tantôt par des révolutions embarraffantes, tan tôt par des divifions intestines, tantôt par des perfécutions du dehors. De ces trois efpéces d'é preuves, la troifiéme n'a pas été paffagére comme les deux autres: elle a été prefque conti nuelle pendant 50. & 60. ans. L'Hiftoire de P.R. ne nous préfentera déformais prefqu'autre chofe. Comme ces perfécutions ont eu leur fource dans la liaifon que P. R. avoit avec M. de faint Ciran, il ne fera pas tout-à-fait étranger à l'Hiftoire de P. R. de rendre des chofes qui avoient mis M. de faint Ciran en butte à la contradiction, & qui lui ont attiré la disgrace de la Cour.

compte

Nous avons déja vu comment M. Zamet Evêque de Langres paffa de la plus haute eftime à la plus baffe jaloufie à l'égard de M. de faint Ciran. Il lui avoit l'obligation d'avoir pris la défenfe du Chapelet, dont la caufe étoit la fienne. Son eftime & fon affection pour cet Abbé avoient été égales. L'une alla jufqu'à vouloir le charger de la direction de fa confcience, &

l'autre jufqu'à le preffer d'accepter la démission de fon Évêché en la faveur. Mais un fecret dé pit qu'il eut de voir la confiance que les filles

du faint Sacrement & de P. R. avoient en cet Abbé ; une mauvaife humeur qui lui prit au fortir d'une maladie, dans laquelle M. de S. Ciran confulté par lui fur quelques affaires de confcience, lui avoit dit fes vérités avec une franchife facerdotale; enfin la vue humiliante de sa vie qui étoit redevenue mondaine, comparée avec l'auftére vertu de M. de S. Ciran dont l'afpect l'importunoit; toutes ces chofes le portérent jufqu'à fe liguer avec les ennemis de cet Abbé, Jéluites & Docteurs Moliniftes ; & ce qu'on aura peine à comprendre, il donna même un mémoire contre lui au Cardinal de Richelieu. On trouve dans les piéces manufcrites de P. R. une réfutation que la Mere Angélique a faite d'un Mémoire de M. de Langres contre M. de faint Ciran. Elle lui reproche tacitement quelques-unes des chofes que je viens de marquer > en lui rappellant un mot qu'il lui a dit à ellemême » Dieu m'a donné cet homme pour être » mon bourreau: car il m'a fait connoître la -33 vérité par lui, & je n'ai pas la force de la » fuivre cela me tue. » Elle lui remet devant les yeux tous les éloges qu'il a donnés, tant de vive voix que dans les écrits qui fubfiftent, à la fcience à la piété & à l'orthodoxie de M. de faint Ciran : elle lui remontre que » c'est » bien gratuitement qu'il effaie de rendre fuf»pecte fa doctrine fur la pénitence, fur la con» feffion & fur la Communion, puisqu'il a fçu » lui-même dans le tems comment il condui» foit les filles, & qu'il en étoit très-content; » que d'ailleurs fes principes fur la pénitence, »quels qu'ils fuffent, n'empêchoient pas qu'on.

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n'allât fouvent à confeffe, & qu'on ne communiât fouvent; hors une premiére épreuve » qui ne fut pas plus longue que de quatre ou s cinq femaines, pendant laquelle les Sœurs s'éloignérent de la fainte Table pour travailler à un renouvellement. Elle affure qu'il eft 90 faux que M. de faint Ciran les entretînt de la Prédeftination, de la Grace, de faint Auguftin, des faints Canons: Elle protefte que » M. de faint Ciran ne s'eft jamais ingéré dans » aucune affaire de la maifon ; & que ce qu'elle » a fait qui a déplu à M. de Langres, elle l'a fait de fon chef fuivant fes propres réfléxions, & nou par la fuggeftion de cet Abbé. » Le Mémoire que réfute ainfi la Mere Angélique, n'eft point celui qui fut préfenté au Cardinal par M. Zamet; celui-ci a été réfuté dans la fuite par la belle Apologie de M. de faint Ciran, à laquelle ni ce Prélat, ni perfonne de fa patr n'a répliqué. Afin de finir fur le compte de l'Evêque & n'y plus revenir, j'obferverai qu'il eut à la fin une grande confufion de fon procédé, qu'il fe retira dans fon Diocèfe, fans ofer reparoître dans Paris, n'ayant ni affez d'humilité pour réparer fa faute publiquement, ni affez de réfolution pour la foutenir fans rougir.

Ce ne fut pas la feule querelle qu'attira à M. de faint Ciran la jaloufie de la Direction. Le fameux Capucin Pere Jofeph, fondateur des filles du Calvaire, obligé de faire une longue abfence à caufe d'un voyage que le Cardinal lui fit faire en Espagne, avoit prié M. de faint Ciran de confeffer pendant ce tems-là ces filles. A fon retour il fut charmé du progrès qu'elles avoient fait fous la conduite de cet Abbé; mais il ne put s'empêcher de voir combien elles met toient de différence entre les deux conduites. Il

en fut piqué, & depuis ce tems-là il fut un des plus ardens à lui rendre de mauvais offices auprès du Cardinal Ministre dont il étoit le favori.

Une troifiéme querelle qu'eut M. de faint Ciran, fut avec les Jéfuites. Ceux d'Angleterre avoient eu la témérité de chaffer un Evêque Catholique qui les traversoit dans leur conduite irrégulière, & de publier des Ecrits contre Epifcopat. Ces écrits furent flétris par des Cenfures d'Evêques & de Théologiens. Les Jéfuites eurent la hardieffe de répliquer. Un inconnu fous le nom de Petrus Aurelius, fit paroître un gros ouvrage qui réduifoit en poudre les réponfes des PP. de la Société. L'assemblée du Clergé de France fit compofer par M. Godeau Evêque de Vence, un éloge magnifique de l'Inconnu, & le fit imprimer à la tête de fon Livre. Les Jéfuites entendirent la rumeur fourde qui courut que c'étoit M. de faint Ciran qui étoit l'Auteur. C'en fut affez pour jurer fa perte. Ils le traduifirent comme un héréfiarque abominable, qui vouloit faire une nouvelle Eglife, & renverfer la Religion de Jefus-Chrift.

Mais le plus redoutable adverfaire de cet Abbé, qui outre la haine qu'il lui portoit & qui lui étoit commune avec les autres, avoit en main le pouvoir de lui faire tout le mal qu'il vouloit, c'étoit le Cardinal de Richelieu, premier Miniftre du Royaume. Il avoit connu à Poitiers l'Abbé de faint Ciran & étoit rempli d'eftime pour fon rare génie. Il avoit effayé depuis long-tems de s'en faire une créa ture, & de fe l'acquérir, tantôt par une Ab- baye qu'il obtint pour lui de la Cour, & qui lui manqua, parce qu'elle n'étoit pas vacante > comme on l'avoit cru; tantôt par la nomina

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XX.

tion à l'Evêché de Baïonne qu'il lui procura par
la Reine Mere, mais qui n'eut pas licu non
plus à caufe de la difgrace de cette Princeffe ar-
rivée dans ce moment-là ; tantôt
par mille dé-
monftrations finguliéres de confidération & d'a-
mitié aux yeux du public. L'Abbé ne paroiffant
point fe prêter, & témoignant même qu'il re-
fuferoit ce qu'on lui préfenteroit, l'Eminence
s'en formalifa, prenant cela pour un mépris ;
outre que,
comme il le connoiffoit
pour un
homme auffi habile en Politique qu'en Théo-
logie, il le craignoit, & étoit très-fâché qu'un
tel homme lui échapât. Car il avoit lu & admiré
un Ecrit politique de M. de faint Ciran, qui
n'a point été imprimé, intitulé, Admonitio
ad Imperatorem, en réponse à celui d'un Jéfuite
Allemand, très-injurieux pour la perfonne du
Roi très-Chrétien, dont le titre étoit Admoni-
tio ad Regem.

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Nouvel objet de jaloufie pour le Cardinal de Richelieu. L'Abbé improuvoit & combattoit le fentiment des Attritionnaires, que le Cardinal avoit adopté dans fon Catéchisme de Luçon qui confifte à dire que l'Attrition, ou la doufeur formée par la crainte feule des peines, fans aucun amour de Dieu, fuffit pour être reconcilié dans le Sacrement de Pénitence. Comme le Cardinal avoit ce foible de vouloir passer pour le premier génie en tout, en Politique, en Théologie, en Controverfe, même en piéces de Théatre, il étoit dangereux de le contredire. C'eft ce que faifoit M. de faint Ciran dans les occafions au fujet de cet article de fon Catéchifme, fans cependant s'ériger directement en cenfeur.

Il ne manquoit à tous ces mécontentemens Emprifonne du jaloux Cardinal, qu'une occafion un peu

ment de M.

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