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fon côté étudioit à fond les ouvrages de faint Auguftin. Les lumiéres de l'Abbé de faint Ciran étoient accompagnées d'une piété éminente, & d'un amour ardent de la vérité, de l'Eglife & du falut des ames. Après avoir paflé quelques années à fervir l'Eglife dans le Diocèse d'Aire & dans celui de Poitiers fous les Evêques qui l'y avoient appellé, il vint s'établir à Paris. Il ne fut pas long-tems à connoître le faint Monaftére de P. R. auprès duquel il s'étoit logé comme par hazard. Il fut très-utile à ce Monaftére qu'il trouva déja bien établi danş la vraie piété. Il la perfectionna, & contribua à la rendre plus éclairée.

Il infpira furtout à ces Vierges un grand amour de la vérité & un attachement ferme à l'ancienne doctrine. Il fervit de guide aux premiers folitaires qui ont illuftré par leur vie pénitente les deux maifons de P. R. & devint comme le pere de tous ceux qui les ont peuplé dans la fuite. Le célébre Docteur M. Arnaud entr'autres fut le fils de fes liens: car ce ne fut que pendant fa prifon, que ce jeune Théologien fe mit fous fa conduite, & acheva de fe former pour le cœur. M. de faint Ciran conduifit auffi beaucoup de perfonnes dans le monde. Mais le plus grand bien qu'il a fait à l'Eglife, c'eft d'avoir remis en honneur les faintes vérités de la grace & de la pénitence, qui étoient étrangement obfcurcies & même ignorées du plus grand nombre; de les avoir expofées dans un grand jour aux yeux de fes éléves, qui les ont enfuite développées avec tant de fuccès, & en ont été de fi généreux défenfeurs. A tous les foupçons qu'on a voulu jetter fur les fentimens de l'Abbé de faint Ciran, & à toutes les accufations dont on a chargé fa perfonne & fa mé

moire, il n'y a d'autre réponse à oppofer, que l'approbation folemnelle de 18. Evêques d'un grand nom, qui se trouve à la tête d'un Recueil de fes maximes imprimé en 1671. Une plus ample juftification feroit fuperflue. On peut y joindre les éloges que lui donne dans fes Lettres une perfonne non fufpecte affurément en ces matiéres, c'est la vertueufe Mere de Chantal, premiére fille de faint François de Salles & Inftitutrice de la Vifitation de sainte Marie.

Je reviens à P. R. & je reprens le récit des événemens historiques de cètteMaifon. Pendant la détention de M. de faint Ciran, la Providence veilla d'une maniére fenfible fur ce Monaftére. M. Singlin Confeffeur de la Communauté, connu pour l'élève de M. de faint Ciran, fut fouvent ménacé de grands orages. Cependant il ne fut point inquiété, & il demeura en repos, exerçant tranquillement fon miniftére. Les Religieufes elles-mêmes pendant quatre mois furent dans l'attente d'une vifite

,

que
la Cour vouloit faire faire chez elles, &
d'un interrogatoire qu'on devoit, difoit on
faire fubirà la Mere Angélique, & qui feroit
peut-être fuivi de l'enlevement de fa perfonne.
L'Archevêque de Paris para le coup, difant
qu'il fe chargeoit de cette opération, & qu'il
en faifoit fon affaire. Il fit la vifite du Couvent,
& on ne parla plus de rien.

XXII. Commencement des

des

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Ce fut en ce tems-ci 1637. que prit naissance cette édifiante Société de Solitaires, qui ont été fi connus fous le nom de Meffieurs de P. R. Solitaires de Voici comment elle commença. En 1637. M. P. R. le Maître, jeune Avocat de 27. ans, dont les Champs plaidoyers ont eu tant de réputation, & dont le 1637. mérite étoit tel que le Roi lui avoit donné à cet âge un brevet de Confeiller d'Etat, qui étoit

petit-fils de M. Arnaud, étant fils de fa fille. aînée mariée à M. le Maître, Maître des Comptes, étant touché tout-à-coup du mépris des chofes du monde fur des exhortations faites par M. de faint Ciran à Madame d'Andilli fa tante au lit de la mort, prend le parti de quitter le Barreau & de fe confacrer à la retraite & à la pénitence. Il fe retira auprès de P. R. de Paris ; & Madame fa Mere lui fit bâtir une petite maifon, où il fe logea avec fon frere M. de Séricourt; ce jeune homme étoit dans le fervice, & le Seigneur l'avoit touché en même-tems que fon, frere aîné. Cette pieufe mere qui étoit depuis quelques années féparée de fon mari pour caufes juftes & raisonnables, demeuroit dans le Couvent avec fa mere Madame Arnaud & treize fours ou niéces Religieufes. M. le Maître fit connoiffance avec M. de faint Ciran: il prit fes confeils pendant fix mois ; & enfin il obtint de lui qu'il fechargeât abfolument de fa confcience, & qu'il voulût bien être fon Confeffeur. Ces deux freres vivoient auffi reclus que des Chartreux, ne fe voyant qu'à Matines qu'ils difoient enfemble: il logeoient & mangeoient dans deux chambres féparées; n'avoient d'entretien qu'avec Dieu par la prière & par les bonnes lectures, furtout des Livres faints; fi ce n'eft qu'ils recevoient tous les jours la vifite deM.deS. Ĉiran & d'un autre Eccléfiaftique de leurs amis.

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La retraite de M. le Maître fit un grand éclat. M. le Chancelier Seguier qui le chériffoit fort, qui fe plaifoit extrêmement dans fa conversation à cause de sa vaste érudition qui l'avoit choifi parmi tous les Avocats du Parlement pour le charger des harangues de la préfentation au Parlement, au Grand-Confeil &à la Cour des Aydes, fut très-mécontent de

cette démarche. Il s'irrita fort contre M. de faint Ciran qu'il en croyoit auteur. M. de faint Ci-1 ran l'avoit bien prévu. Il s'en expliqua avec fon Pénitent, quand il confentit à fe charger de fa confcience. Car il lui dit » qu'il entroit par-là » dans une affaire qui pouvoit avoir d'étranges fuites, & qui, vu la réputation & les emplois sodu Pénitent, pouvoit attirer une grande per-1 32 fécution au Directeur : mais qu'il falloit s'y saréfoudre, fi Dieu le vouloit ; n'y ayant rien à épargner, quand il s'agit de fon fervice. » Il fut Prophéte. Une des chofes qui contribuérent le plus à rendre M. de faint Ciran odieux fut la part qu'il avoit prife à la retraite de M. le Maître.

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Peu de tems après la détention de M. de faint XXIII. Ciran, ces pieux Solitaires eurent part à leur M. le Maîtour à la perfecution. Ils étoient déja une dou- tre & les autres Solitaires zaine; trois freres de M. le Maître s'étoient obligés de joints à lui, M. de Sacy, M. de faint Elme, & fuir. M. de Valmont, avec quelques autres perfonnes, du nombre defquelles étoit M. Lancelot, homme qui eft devenu célébre par d'excellens ouvrages de littérature, qui fut depuis Précepteur de Meffieurs les Princes de Conty, & enfin Religieux à l'Abbaye de faint Ciran. Ces Meffieurs avoient avec eux quelques enfans qu'ils élevoient. On peut juger de l'éducation qu'on y donnoit à la jeuneffe par les éléves qui en font fortis: Meffieurs Bignon, l'un Confeiller d'Etat, l'autre premier Préfident du Grand-Confeil; Meffieurs de Harlai & de Bagnols, auffi Confeillers d'Etat ; M. le Nain de Tillemont, Auteur de l'Hiftoire Eccléfiaftique'; M. Thomas du Foffé, Auteur de plufieurs Vies de Saints, de la vie de Dom Barthelmi des Martyrs & autres, des Mémoires de Pontis, des

Notes de la grande Bible de Sacy en bonne partie, des Mémoires de P. R. &c. le Marquis d'Abain de Rochepofai, qui entra enfuite dans le fervice fous M. de Turenne, & qui en étoit ført eftimé ; les enfans de M. de Guenegaud Secrétaire d'Etat, &c. I

M. l'Archevêque fit dire à la petite Société naissante qu'il avoit ordre de la Cour de la faire déloger de P. R. Ces Meffieurs fortirent & allérent s'établir à P. R. des Champs. Ils n'y furent que deux mois en paix. M. de Laubardemont Lieutenant Civil y fut envoyé par la Cour, pour les interroger., & les faire enfuite fortir de cette folitude. M. le Maître, M. Lancelot & les freres de M. le Maître se retirérent à la Ferté-Milon chez un ami où ils continuérent de vivre dans une entiére folitude pendant is. mois. Lorfqu'on crut la tempête un peu calmée, ces Solitaires retournérent à P. R. des Champs à la fin de 1639. fuivis de quelques perfonnes de la Ferté que la bonne odeur de leurs exemples attira à leur fuite, entr'autres un M. Vitart qui fe fit receveur du Monaftére. M. d'Andilli frere aîné de la Mere Angélique ne tarda guére à y fuivre fes neveux. Il y vint en 1644. & s'y fixa entierement en 1646. Il a paffé toute la vie dans une continuelle retraite, ici ou ailleurs. C'eft lui dont M. Balzac faifoit en deux mots un éloge parfait : »Que c'étoit un » homme qui poffédant les vertus morales & » les vertus chrétiennes, ne tiroit point vanité

des unes,& ne rougiffoit point des autres. » Son fils Arnaud de Luzancy qui avoit été Page chez le Cardinal de Richelieu, puis Officier de guerre, & qui touché de Dieu avoit pris les avis de M. de faint Ciran, avoit devancé fon pere dans le parti de la retraite à P. R. Enfin M. Arnaud jeune Docteur s'y re

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