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tira auffi à l'âge de 28. ans, lorsque le foulevement de fes ennemis l'obligea de quitter la Ville. Il étoit, comme je l'ai dit, la conquête de M. de faint Ciran prifonnier à Vincennes. Car la vie de fon neveu M. le Maître l'ayant extrêmement frappé, il fe reprocha celle qu'il avoit menée jufque-là, cherchant un peu la gloire du fiécle, vivant commodément d'affez gros revenus qu'il avoit en bénéfices. Il obtint la permiffion de voir M. de faint Ciran à Vincennes ; il fe mit fous fa conduite, & embrafla la retraite & la pénitence comme les autres. II fe dépouilla même lorfqu'il reçut l'ordre de Prêtrife, de tous fes biens qu'il donna au Monastére de P.R. voulant entrer pauvre dans leSacerdoce.

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La bonne odeur de la piété des Solitaires de P. R. & de leur vertu éprouvée, attira dans la fuite des tems beaucoup de perfonnes dont la grace avoit touché le cœur. Je nommerai ici par avance celles qui font les plus connues: M. Pallu, Médecin du Comte de Soiffons qui fut converti par la lecture du livre de la fréquente Communion; il bâtit un logis au milieu des jardins, qui fut nommé depuis le petit Pallu ; & confacra fa vie & fon art au fervice des pauvres malades du pays; M. de la Petitiére, Gentilhomme eftimé la meilleure épée de France, qui ayant eu le malheur de tuer en duel un parent du Cardinal de Richelieu, Le cacha, & vint enfuite à P. R. où il apprit le métier de Cordonnier, & paffa fa vie à faire des fouliers; M. de Pontis, vieux guerrier, qui s'occupoit à défricher des terres, courbé fous le poids des années; M. Daffon de faint Gille, Gentilhomme de Poitou; M. l'Abbé de Pontchâteau, oncle du Duc de Coiflin; M. le Marquis de Sévigné; Monfieur Girout de Beffi,

XXIV.

R. des C.

Officier, qui fe fit valet à P. R. pour fervir les Eccléfiaftiques & les Hôtes; M. Gibron, Capitaine, qui devint cuifinier des gens de la Ferme; M. de faint Ange le fils; & autres.

La retraite, la pénitence & le filence que ces, Vie des So Serviteurs de Dieu obfervoient dans le défert litaires de P. de P. R. leur application à la prière & au travail des mains représentoit admirablement la vie des anciens Anachoretes. Ils étoient habillés pauvrement. Ils recitoient tous les jours l'Office de l'Eglife avec le Chapelain qui deffervoit l'Eglife de P. R. avant que les Religieufes y revinffent, & ils le chantoient aux Fêtes folemnelles. Ils fe levoient la nuit à deux heures pour dire Matines. Leur nourriture étoit très-fimple & très-frugale. Dans les jeunes d'Eglife, ils faifoient le foir leur unique repas. Leur pénitence n'étoit point oifive. Pendant que les uns prenoient connoiffance du temporel,& travailloient à rétablir les affaires du Monaftére dans fes biens de la campagne, les autres ne dédaignoient pas de cultiver la terre comme des gens de journée. Ils réparérent même une partie des bâtimens qui tomboient en ruine, réhaufférent ceux qui étoient trop bas & trop enfoncés, firent écouler les eaux & féchérent le terrain qui avoit été jufqu'alors fort marécageux & mal fain. Ainfi vivoient plufieurs perfonnes qui avoient paru avec diftinction dans l'Eglife, dans l'Epée, dans la Robe & à la Cour.

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Si on veut en fçavoir davantage on peut lire un Ecrit très-édifiant, intitulé, Récit de la conduite & des exercices des Pénitens Solitaires de P. R. des Champs, compofé par M. le Maître, imprimé au commencement des Mémoires de M. Fontaine. On y trouvera auffi un petit Catalogue raisonné des personnes qui fe confacrérent à cette vie folitaire pendant les

cinq & fix premiéres années, auffi bien que des Seigneurs de la Cour, qui venoient les vifiter, curieux de voir de leurs yeux ce pieux fpectacle; tels que les Ducs de Chevreule & de Liancourt, te Prince de Guemenée, M. de Chavigny Boutillier Miniftre d'Etat, M. de Guene gaud Secrétaire d'Etat.

:

On peut joindre à ceux-ci plufieurs Dames de diftinction, qui faifoient des retraites paffagéres à P. R. de Parisy pour travailler pendant quelque tems à leur renouvellement dans la vie fpirituelle telles que la Princeffe de Guemenée qui fe mit auffi fous la conduite de M. de faint Ciran alors prifonnier à Vincennes ; la Marquife de Sablé qui a perfévéré dans la piété & eft morte à P. R. en 1678. la Marquife d'Aumont, Madame de Crevecœur, Madame de Bernieres veuve du Maître des Requêtes: Madame de Buzenval: Madame de Guenegaud Madame d'Acquaviva, Arragonoife héritière du Duché d'Atrio: Madame de Nointel la Marquife de Buffi Madame Seguier veuve de M. de Ligny Maître des Requétes, &c. Cette derniére morte en 1636. a voulu être enterrée avec l'habit de novice, parce qu'elle avoit deffein de se faire Religieufe de P. R. &c. Joignez à toutes ces perfonnes de marque, M. Litalfi Maroni de Sufarre, Evêque de Bafas, qui vint à peu près en 1640. fe mettre fous la conduite de M. Singlin, très-difpofé à quitter & Evêché & Abbaye pour faire pénitence, fi fon Directeur le décidoit ainfi: il lui avoit mis entre les mains la démiffion des deux bénéfices; mais le Directeur le renvoya à fon Evêché où il mourut dans l'exercice édifiant de les fonctions. Dans la fuite nous verrons le Duc & la Ducheffe de Liancourt qui avoient

la

XXV.

Princefle

avec P. R.

fait élever à P. R. la Princeffe de Marfillac leur petite fille, auffi bien que le Duc & la Ducheffe de Luines faire bâtir à P. R. des Champs des maifons de retraite pour y finir leurs jours. Le Duc de Luines fit conftruire le Château de Vaumurier dans le voifinage fur le fonds même de P. R. & le Duc de Liancourt fit bâtir une affez grande maifon vis-à-vis la porte de l'Eglife. La Ducheffe de Longueville & Mademoiselle de Vertus fœur du Comte d'Avaucourt éleverent auffi à P. R. des Champs des corps de logis pour y faire leur féjour de tems en tems.

Parmi toutes ces perfonnes de condition qui Liaison de fréquentoient P. R. il s'en trouve une qui méri de Mantoue, te qu'on faffe d'elle une mention particuliére. depuis Reine C'est la Princeffe Marie de Gonzagues de Cléde Pologne, ves de Mantoue, depuis Reine de Pologne: Cette Princeffe ayant lié connoiflance avec la Mere Angélique, eut auffi la penfée de fe mettre fous la conduite de M. de faint Ciran. Mais il mourut quatre jours après qu'elle en eut fait l'ouverture à la Mere. Celle-ci aïant remarqué dans le premier entretien quelques traits de fentimens affez juftes fur la Religion, par exemple fur les abfolutions fuivies de rechutes, elle crut qu'elle pourroit être utile à cette jeune Dame. Ainfi elle trouva bon que la Princesse se fît accommoder un petit appartement au-dedans de la maison. Elle y venoit tous les Jeudis, & y paffoit quelquefois plufieurs jours de fuite: mais elle ne faifoit jamais entrer perfonne pour la fervir. La Mere Angélique avoit pris fur elle, auffi bien que fur la Princeffe de Guemené & la Marquife de Sablé, une certaine autorité de charité, qui fans préjudice du refpect du au rang & à la qualité de ces Dames, leur impofoit beaucoup. Elle régloit leur tems,

leurs exercices, leurs priéres & les perfonnes de la maifon à qui elles devoient parler; afin que les autres ne fuffent pas diftraites de leurs ob fervances. Elle ne vouloit pas même qu'elles euffent la liberté de s'entretenir trop long-tems ensemble, lorsqu'elles fe rencontroient a P. R. en même tems: difant » qu'elles ne pouvoient s'empêcher de parler du monde ; qu'elles venoient à P. R. pour apprendre une autre lan»gue; & qu'il étoit bon pour cela de ne plus parler celle qu'on favoit auparavant, & que

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» l'on doit oublier. »

A une Fête de Noël toutes ces trois Dames étoient venues la paffer à P. R. Après le dîner la Mere ayant appris qu'elles étoient depuis affez long-tems en converfation ensemble quitta une compagnie dans laquelle elle étoit, difant: Il faut que je m'en aille féparer nos Da

mes: car elles fe gâtent les unes les autres. Une » coëffure, un collet, une mode revient toujours »à quelque propos fur le tapis: il faut tâcher de

bannir toutes ces diableries qui ne font pas per» mises dans les conversations chrétiennes. » Ce mot lui échapoit quelquefois. C'étoit la franchife & la vivacité de fon zéle qui le lui mettoit dans la bouche. La Princeffe Marie paroiffoit affez touchée. Elle jeûna le Carême exactement; de quoi l'on murmuroit beaucoup dans fa maifon. Mais on ne favoit cependant comment s'en plaindre, parce qu'on étoit contraint d'avouer qu'elle s'en portoit mieux, & qu'elle étoit même engraiffée, depuis qu'elle avoit commencé à fe retrancher. Elle prenoit les avis de M. Singlin; elle ne fe mit pas néanmoins tout-à-fait fous fa conduite, parce qu'il ne fe chargeoit pas des perfonnes de cette condition fans de grandes marques de la volonté de Dieu,

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