Images de page
PDF
ePub

& de la bonne difpofition des perfonnes. Elle ne put pas réfifter à la tentation d'une Couronne: Elle fut mariée au Roi de Pologne Sigifmond, & trouva bien des épines fous les rofes de la Cour.

[ocr errors]

Elle continua fur le trône à demander des avis à la Mere Angélique. Elle lui écrivoit fouvent,& la Mere avoit ordre de lui écrire tous les ordinaires : ce qu'elle faifoit dans fon goût de piété & de religion, tout-à-fait librement & en même tems d'une maniére fi refpectueufe & fi fpirituelle, que la vérité dans ce qu'elle avoit de plus auftére, ne bleffoit pas le moins du monde la Majefté à qui elle parloit. Nous avons plus de 200. Lettres imprimées de laMere Angélique à cette Reine. Ce font tantôt des avis & des exhortations, tantôt des remontrans ces, tantôt des confolations. Les ravages que firent les Suedois, les Cofaques & autres nations voisines, dans la Pologne pendant prefque tout le regne de cette l'rinceffe; la perte de fon premier mari Sigifmond, après lequel elle fut épousée par le Cardinal Cafimir fon beau-frere avec difpenfe du Pape ; les morts de fes enfans en bas âge; le fléau de la peste dans fes Etats, fourniffoient une ample matiére aux réflexions fortes & grandes de la Mere Angélique fur la vanité des grandeurs d'ici-bas, fur le bonheur ineftimable de la fouffrance, fur la pleine & entiére foumiffion aux ordres de la Providence.

Elle infpiroit à la Reine plufieurs établissemens utiles au falut des ames: elle lui envoya une petite colonie de filles de fainte Marie, pour faire en Pologne comme une nouvelle génération de Religieufes vivant felon le vrai efprit de la Profeffion: elle lui envoya auffi

quelques-uns des Freres Cordonniers de Paris, gens fort pieux, pour apprendre leur métier aux petits pauvres des Hopitaux de Varsovie. Ce fut elle encore qui lui ayant donné une Demoiselle Françoife, de grande vertu, pour être, auprès d'elle, lui conferva le fecours de fa compagnie très - long-tems par fes follicitations. preffantes. La Reine de fon côté recevoit tout très-bien de la part de la Mere: Elle lui donna en plufieurs occafions des témoignages de fon affection par des préfens & des aumônes confidérables. En 1652. qui fut une année de cherté extrême en France après les guerres de Paris elle lui envoya du bled de Pologne : elle lui fit tenir une fomme de 8000. liv. pour les aumônés que le Couvent avoit à faire dans le pays qui étoit ruiné ; une autre fomme de 2000. liv. pour le bâtiment des Solitaires ; un magnifique Ciboire; des piéces de toile d'or & d'argent pour l'Eglife. Enfin en 1655. elle écrivit au Pape Alexandre VII. pour le prévenir contre les rapports défavantageux qu'on pourroit lui faire des Religieufes de P. R. & des Théologiens qui étoient unis avec elles. C'est l'Hiftoire des Solitaires de P. R. qui m'a conduit infenfiblement à tous ces récits, qui ne font ni étrangers aux Religieufes de P. R. ni indifférens pour T'édification. Celui qui va fuivre, n'eft pas moins édifiant.

XXVI.

Mort

de

Madame Ar

En 1641. arriva la mort de la Sœur Catherine de fainte Félicité, Madame Arnaud, mere de la Mere Angélique, de la Mere Agnès & de naud mere de quatre autres filles Religieufes, grand mere la Mere Ande la Mere Angélique de faint Jean & de fes gélique, Relicinq fœurs filles de M. d'Andilli. Elle étoit fille gieufe dep.R. de M. Marion Avocat Général & de Demoiselle Pinon. Elle fut fort bien élevée. On la maria à fainte Félici

fous le nom de Catherine de

La vic.

te. Abregé de l'âge de 12. ans au célébre Avocat M. Arnaud. Elle eut fon premier enfant à l'âge de 15. ans. Elle en a eu 20. dont M. Arnaud le Docteur fut le dernier lorfqu'elle avoit 39. ans. C'étoit le ménage le plus uni & le plus gracieux. Elle fe conduifit envers fon mari & envers fa bellemere avec une fageffe admirable, fe partageant entre les affiduités qu'elle leur devoit, & le foin de fon domeftique. Dès l'âge de 13. ans elle fit une févére réprimande à une jeune domeftique de 20. ans qui n'avoit > réfifté à pas une légére careffe qu'un homme lui avoit faite. Elle n'a jamais donné dans le moindre fafte pour l'habillement. Elle étoit fort affidue à fa paroiffe de faint Merri, où elle affiftoit réguliérement à tous les Offices les Dimanches & les Fêtes. Quoiqu'elle eût huit enfans vivans dès l'âge de 25. ans, elle ne s'inquiéta point, mettant toute la confiance en la Providence ; & ce ne fut point par fon avis que M. fon pere fit donner des Abbayes à deux de fes filles, dont l'une n'avoit que neuf ans & l'autre fept. Si elle avoit pu l'empêcher, elle l'auroit fait. Ce fut une occafion pour elle d'étendre fa charité hors de fa maison. Car elle devint comme la mere du Couvent de P. R. dont fa fille étoit Abbeffe. Elle fe donna des foins infinis pour le fervice de ce Monaftére, qui étoit en très-mauvais état. Elle étoit fort aumôniére, & en mêmetems bien arrangée dans fes aumônes. Elle ne fouffroit pas que dans fon village d'Andilli il y eût perfonne qui demandât fon pain : elle faifoit travailler les habitans, & les affiftoit en toute maniére.

Elle a eu la confolation de voir cinq de fix filles qu'elle avoit, fe confacrer à Dieu dans la vie Religieufe. La premiére des fix fut mariée

M. le Maître, Maître des Comptes ; & lorfque la vie licencieuse de fon mari eut contraint fa famille de la faire féparer d'avec lui, Mada→ nie Arnaud la prit chez elle & fes cinq enfans, quoiqu'avec peu de bien. Elle traita ces petits enfans de même que les fiens propres, ne faifant aucune différence. Sa grande foi parut, lorfque fon mari lui ayant été enlevé par la mort, elle se trouva encore chargée d'une fille de 12. ans à marier, de trois garçons, de fa fille aînée, & des cinq enfans de celle-ci. Elle efpéra contre toute efpérance. Ayant obtenu la tranflation des Religieufes de P. R. à Paris, elle acheta une mailon de 24000. liv. pour les y placer, fit arranger les lieux, y fit entrer la Communauté; & peu de tems après on fut fort étonné de lui voir demander l'habit à l'Abbeffe fa fille la Mere Angélique, pour faire fon noviciat & fe faire Religieufe: elle avoit alors 53. ans. Son noviciat dura trois ans, parce que fes affaires & celles de fes enfans ne lui permirent pas de faire fes vœux plutôt. Pendant ces trois années de probation & les trois autres an→ nées qu'elle pafla encore au Noviciat après fa Profeffion, elle n'étoit pas un moment faus prier ou fans travailler, obéiffant avec une foumiffion d'enfant ; ne fe mêlant de rien,' comme fi elle eut été une jeune fille. Elle avoit fait fa confeffion générale à M. de faint Ciranavant fa Profeffion. Elle devint fort infirme, & fut affligée de plus par la perte de la vue. Elle porta cet état avec une paix & une tranquillité: admirable. Ne pouvant faire autre chofe, elle s'occupoit à plier tout le linge de la maison,

ou

à fervir dans la Cuifine, éplucher des herbes, laver la vaiffelle, & autres chofes femblables. On admira furtout fa fimplicité & fon.

humilité dans la maniére dont elle fe conduifit avec fes filles religieufes. Elle appelloit toujours la Mere Angélique Ma Mere, auffi bien que la Mere Agnès, parce qu'elles étoient ou avoient été Abbeffes: elle fe mettoit à genoux comme les autres Religieufes devant celle des deux qui étoit actuellement Abbeffe, quand il s'agiffoit de demander des chofes importantes,[ par exemple la Communion. Pour les autres filles elle les appelloit fes Sœurs, & elle les faifoit toujours paffer devant elle, à caufe qu'el les étoient fes anciennes dans la Religion.

1

Elle n'eut jamais d'inquiétude pour aucun évenement, fi се n'est par rapport à celui de fes fils, Simon Arnaud, qui étoit dans le fervi-: ce. Elle étoit dans une appréhenfion continuelle à fon fujet, à caufe de ces miférables duels fi fréquens parmi les Militaires. Ce fut par cet endroit-là-même qu'elle fe confola plus facilement lorfqu'elle apprit fa mort, & qu'elle, fçut qu'il avoit été tué à Verdun d'un coup de carabine, dans une fortie que fit fa compa-. gnie fur les Lorrains. Peu de tems après cette: affliction, elle eut un grand fujet de joie, voyant fa fille aînée, Madame le Maître le faire auffi Religieufe, parce que la mort de fon mari l'avoit rendu libre. A la fin de 1640. la vénérable Sœur de fainte Félicité eut une grande maladie : fes fouffrances furent grandes du côté du corps, & encore plus du côté de l'efprit, par de grandes peines qu'elle éprouva. Elle devint enfuite hydropique: enfin le mal empirant on l'adminiftra le 4. Février 1641. Elle donna, fa bénédiction à fes fix filles, & à fes fix petites filles, remercia affectueufement laCommunauté des bontés qu'on avoit eues pour elle, & demanda humblement pardon auxSœurs de toutes.

« PrécédentContinuer »