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les peines qu'elle avoit pu leur caufer. Mais ce qui eft plus digne de remarque, c'est la commiffion qu'elle donna à fon Confeffeur de dire de fa part à fon fils le Docteur, que puifque Dieu l'avoit engagé par le Doctorat dans la défenfe de la vérité, il lui fût toujours fidéle quand il devroit lui en coûter mille vies, & qu'il n'oubliât jamais le ferment folemnel qu'il en avoit fait. Pendant toute fa maladie fa plus grande peine étoit de ne pas mourir ; & après fExtrême-Onction étant un peu revenue, elle fe plaignoit qu'il étoit bien rude d'avoir été jufqu'à la porte du Ciel, & d'être rejettée dans le monde: & dans tout cela elle témoignoir que ce n'étoit point l'impatience de fouffrir qui lui faifoit défirer la mort, s'attendant bien de fouffrir en l'autre monde pour être purifiée de fes fautes, mais qu'elie y auroit cet avantage de fouffrir fans offenfer Dieu, ce qu'elle ne pouvoit en cette vie. Comme fes filles la prioient fouvent de fe fouvenir d'elles lorfqu'elle feroit devant Dieu, elle leur répondit une fois qu'il ne falloit pas tant lui recommander cela, que toutes chofes étoient bien ordonnées dans le Ciel, & que la charité y étoit furabondante. Tout ce détail de la maladie de la vertueufe Dame eft de la main de M. Arnaud le Docteur. Elle mourut le 28. Février, âgée de 68. ans, ayant été fille 12. ans, marié 34. ans, veuve

6. & Religieufe 16.

Une des filles de Madame Arnaud la fuivit

XXVII.

de

Marie de Ste
Claire Ar-

de près pour aller devant le Seigneur; c'eft la Mort Seeur Marie de fainte Claire, la cinquiéme des filles de M. Arnaud ; celle dont nous avons déja naud, Sœur parlé à l'occafion de Maubuiffon où fa Soeur de la Mere Angélique la mena, pour l'aider dans la Ré-Angélique. forme, & enfuite à l'occafion de l'Abbaye de Abregé de fa

vie.

Tard où elle fut envoyée avec la Mere Agnès. Elle naquit en 1600. C'étoit un petit prodige d'efprit & de beauté elle n'étoit pas encore fevrée qu'elle parloit distinctement.Dieu lui en→ leva de bonne heure ce qui pouvoit lui être une occafion de fe perdre, en lui envoyant une petite vérole dès l'âge de 4. ans, qui lui marqua tout le vifage. A l'âge de 7. ans on la mità P. R. fous fa fœur Abbeffe qui n'en avoit que feize. Lorfque fa four un an après prit le goût de la Réforme, la petite le prit avec elle. Elle avoit une émulation étonnante pour fuivre les pratiques qui s'établiffoient, mortifications, oraisons, ouverture de confcience à la Mere Abbeffe. On lui fit faire fa premiére Communion à dix ans. Dans un voyage qu'elle fit à l'âge de onze ans à Andilli, elle fe relâcha de fa ferveur & commença à goûter un peu le fiécle. Elle revint à P. R. & fut pendant quelques mois l'objet des priéres ferventes de fa fœur qui s'étoit apperçue du mal. Nous avons vu plus haut avec quelle difcrétion & quelle patience la Mere Angélique fe comporta envers fa petite foeur dans cet état de relâchement. Il ne dura pas, & la jeune Demoiselle étant rentrée en elle-même, devint plus fervente qu'elle n'avoit été auparavant de forte que pour donner quelque chofe à fa grande ardeur, on lui permit d'entrer au Noviciat à 12. ans, & on lui donna l'habit à 14. Elle fit profeffion à 16. Car telle a été la pratique de la Mere Angélique, de ne point s'aflujettir à une régle unifor me pour la durée de la poftulance & du Noviciat, mais de racourcir ou de prolonger le tems, fuivant qu'elle croyoit que le cas le requeroit.

Un an après la profeffion fa fœur la prit pour être une de fes compagnes & coopératrices dans

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f'œuvre de la Réforme de Maubuiflon. Avoir fait le portrait de la Mere Angélique dans fon féjour de Maubuiffon, comme nous l'avons fait, c'est avoir fait celui de la Sœur MarieClaire. Elle s'eft facrifiée comme fa fœur pour le bien de cette maison : d'où elle eft revenue très-infirme des reftes d'une fâcheufe diffenterie dont elle avoit penfé mourir. A peine fut-elle de retour à P. R. que fa fœur l'envoya elle deuxiéme à l'Abbaye des Ifles proche Auxerre pour un projet de pareille Réforme. La Providence ne permit pas qu'elle y demeurât long-tems. Elle revint donc bientôt dans l'obéiffance qui faifoit les délices, auffi bien que la pauvreté la mortification, & la vie laborieuse. L'Evêque de Langres qui conduifoit en ce tems-là le Monaftére de P. R. lui ayant fait obferver qu'il paroiffoit en elle une fecrette attache pour fa four Angélique, elle ne fe le fit pas dire deux fois elle prit le parti de faire le facrifice entier, & de ne plus parler du tout à fa four: ce qu'elle foutint courageufement pendant plufieurs années; la Mere Angélique de fon côté entrant dans fes vués avec la grandeur d'ame ordinaire.

:

En 1629. arriva l'affaire de l'Abbaye de Tard, qui a été rapportée plus haut. La fœur fut du nombre de celles qui furent nommées pour accompagner la Mere Agnès, Pour les raifons que nous avons expliquées dans le tems, il fut fait défenfe de la part de l'Evêque de Langres aux Sœurs deP.R. qui étoient à Tard, de fe parler & de converfer jamais enfemble. Comme la petite Marie-Claire avoit beaucoup de réligion, elle fit à Dieu ce facrifice. Mais au bout de quelque-tems la Mere Agnès, Marie-Claire & les autres Sœurs eurent le malheur de fe laiffer féduire & de prendre de fâcheufes pré

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ventions contre les maximes & l'efprit de la Mere Angélique, donnant la préférence à l'efprit de la Réforme de Tard qui étoit tout oppofé. Cinq ans fe pafférent, après lefquels elles furent toutes rappellées à P. R. La Mere Agnès ne fut pas long-tems à revenir de ses préjugés. Mais la Soeur Marie-Claire y demeura fortement attachée, & très-long-tems: enforte que liée avec plufieurs autres Religieufes toujours prévenues pour l'Evêque de Langres & contre M. de faint Ciran, elle eut grande part au schisme dont j'ai parlé, qui affligea la maifon. Comme elle avoit contre elle & fa mere & toutes fes propres fœurs, elle fouffroit intérieurement d'étranges peines: elle étoit combattue par fa confcience qui la tenoit attachée au Prélat, & par la haute eftime qu'elle faisoit toujours de les vertueufes parentes. Car elle continuoit d'ailleurs d'être très- bonne religieufe, fervente, exacte à tout.

Elle fut 14. mois dans cet état, tant que du→ ra ce fchifme. Les Meres prioient beaucoup pour fon retour. M. d'Andilli fon frere entreprit de la ramener : il la vit plufieurs fois à ce fujet, mais inutilement. Voyant donc qu'il n'avançoit rien, il lui propofa un jour de fe mettre tous deux en prière dans le lieu même. Après quelque tems paffé en oraison, la Sœur fondant en larmes lui dit que Dieu lui ouvroit les yeux. On appella fur le champ les Meres Angélique & Agnès, à qui elle demanda pardon, & fe réconcilia avec elles. Le cœur néanmoins n'étoit pas encore pleinement rendu. Enfin le jour de l'Affomption elle fut fi touchée qu'elle écrivit à l'inftant une Lettre pleine de foumiffion d'humilité & des regrets les plus vifs, à la Mere Agnès Abbeffe. Elle s'y comparoit à l'Enfant

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prodigue, & le penfoit ainfi très-fincérement. Car toute la vie elle ne s'eft regardée que com me une criminelle, coupable des plus grands excès. Elle porta l'habit & embraffa l'état de Converfe pendant plufieurs mois : elle fe livra aux occupations les plus pénibles & les plus -humiliantes de la maison par efprit de péniten ce. Elle avoit mis le fceau à fa conversion par le parti généreux qu'elle prit de fe mettre fous la conduite de M. de faint Ciran, de qui elle avoit été fi long-tems aliénée. Il la reçut, après l'avoir fait attendre néanmoins durant plufieurs - mois, & la conduifit enfuite avec un fuccès admirable pour fon avancement & une admiration fecrette des vertus qu'il voyoit en elle. Elle s'eft toujours regardée comme la derniére de la maison ; & elle obtint de fes Superieures, qu'on ne lui ferviroit au Réfectoire que les reftes des Sœurs, & qu'elle n'iroit jamais au Parloir, non pas même pour les perfonnes de la famille.

Elle a toujours eu un attrait fi grand pour la priére, que M. Singlin qui fut fon Confeffeur après l'éloignement de M. de faint Ciran, vouloit qu'elle lui rendît compte par écrit de fa méthode d'oraifon. Rien n'eft plus beau que l'aimable fimplicité, & de la Lettre qu'elle lui écrivit, & du détail de ce qui fe paffoit en elle dans fes prières. Un petit précis de tout cela ne déplaira pas au Lecteur. Elle dit que » quand elle eft à l'Eglife en oraifon, elle ne prie pas >> autrement que quand elle prie en marchant » dans la mailon qu'elle ne s'attache à aucun » fujet : qu'elle reçoit ce qui lui eft donné : que »fon oraifon change felon fes difpofitions do»minantes: que tantôt elle a une oraifon d'inyocation & de cri, tantôt une de gémiffe

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XXVIII,

Suite.

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