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gardoit fa fanté. Elle mangeoit comme il lui étoit prefcrit par la Sœur elle faifoit les remédes que la Sœur lui marquoit : fi elle avoit représenté que telle chofe qu'elle vouloit qu'elle mangeât, l'incommoderoit peut-être, elle fe reprochoit auffi-tôt ce qu'elle avoit dit, comme étant contraire à la parfaite obéiffance. Si la Sœur l'envoyoit chercher à l'Eglife, où elle étoit trop long-tems, & lui faifoit dire qu'elle avoit à lui parler, au premier avertiffement elle fortoit, venoit parler à la Sœur. La Sœur quelquefois oubliant qu'on étoit allé chercher la Mere, étoit fortie. La Mere demeuroit dans la chambre, & l'attendoit tranquillement. Une fois cette Sœur ayant dit le foir à une Religieufe de ne pas éveiller la Mere le lendemain, celle-ci entendit mal, & crut qu'on lui difoit de l'éveiller. Elle le fait. La Mere fe léve & s'habille. La Sour Candide arrive; & furprife de la voir levée, elle lui demande pourquoi elle s'eft levée. La Mere répond que c'eft par fes ordres. La Soeur lui dit qu'on a mal entendu. Sur le champ la Mere fe met à fe deshabiller pour fe remettre au lit. Mais la Sœur l'en empêcha, & la laiffa levée. Qu'il y a de grandeur dans une telle fimplicité !

;

Son amour pour la mortification étoit égal à tout le refte en perfection. Jamais elle n'a fouffert qu'on lui préfentât une autre portion au Réfectoire, que celle de la Communauté & fi on s'avifoit de le faire, elle commandoit qu'on la portât fur le champ à une Religieufe qu'elle défignoit. Nous avons vu avec quelle perfévérance elle & la Mere Anne-Eugénie vécurent pendant trois ans à l'Abbaye du Lys d'un morceau d'omelette tous les jours de l'année. Elle étoit auffi zélée pour la mortifi

XXIV.

Son amour pour la pauvreté.

cation de l'esprit : c'étoit par ce principe qu'elle fe privoit prefque totalement de voir les meilleures amies, celles-là même qu'elle regardoit comme des Saintes ; aimant à fe fevrer de toutes les confolations extérieures, quoique l'objet en fût bon & édifiant.

La pauvreté, & encore plus l'amour de la pauvreté ne la quittoit point. Elle la pratiquoit fur elle-même, ne fe donnant en toutes chofes que le plus étroit néceffaire. Tous les meubles étoient pauvres ; & les Sœurs qui la fervoient, n'auroient jamais ofé porter un plat de fayance dans fa chambre, même dans fes maladies. Elle prêchoit fans ceffe la pauvreté à fes Sœurs: elle alloit fouvent vifiter les offices, pour voir s'il n'y avoit rien de fuperflu. Elle aimoit extrêmement la pauvreté dans les pauvres on ne peut rien ajouter à la tendresse de fes entrailles pour tous ceux qui étoient dans l'indigence. Elle a fouvent paffé à des pauvres des habits qu'elle portoit actuellement fur elle. Elle fouhaitoit la pauvreté à fa Communauté plus que la plupart des autres Supérieures ne lui fouhaitent l'opulence. C'est ce qui lui donnoit la grande averfion qu'elle avoit pour les procès. Quand elle entra "dans la maifon de Maubuiffon, elle trouva les biens affermés à moitié prix de ce qu'ils valoient, moyennant un pot de vin de 15500. livres, comme nous l'avons vu. Elle voulut réfilier le bail. Pour y réuflir, il falloit rendre & le principal, & les arrérages, & même le pot de vin, tout injufte qu'il étoit: quoique tout fut déja mangé & confumé, elle aima micux en paffer par-là, que d'entreprendre un long procès. Ses grandes difficultés avec les Peres de l'Ordre ne venoient prefque que de-là. Ils

lui propofoient toujours quelque procès dur, pour faire revenir à la maifon des biens ufurpés par des voifins. La Mere ne voulut jamais y entendre. Elle fe contentoit de veiller à la confervation des revenus actuels du Monaftére; & elle prenoit le parti de laiffer les autres où ils étoient, plûtôt que de plaider.

XXV.

Sa patience dans les

Sa patience dans fes maladies étoit telle, que dans toute autre perfonne elle auroit paffé pour une vraie infenfibilité. Elle ne fe plaignoit maux. jamais. Sa pratique pour les remédes & les foulagemens que l'on donne aux malades, étoit de ne rien demander, de ne rien refufer, & de fe laiffer conduire abfolument. Et c'eft auffi ce qu'elle recommandoit à fes filles comme un principe falutaire de conduite: ajoutant néanmoins ce fage correctif, que quand on avoit une grande envie de quelque chofe permise en foi, & que ce défir occupoit & diftrayoit l'efprit, il valoit mieux le demander, tâchant cependant de fe préparer à en porter doucement & patiemment le refus: parce que quelquefois ce grand défir nous nuit plus en embarrassant & en fatiguant l'efprit, que la fatisfaction que nous pourrions nous accorder. Elle difoit qu'elle le pratiquoit ainfi elle-même en pareil cas. C'est ainsi que l'efprit de Dieu fait mêler le sel de la fagefle & de la difcrétion avec l'ardeur du plus grand zéle dans les ames qu'il inspire & qu'il conduit.

Je finirai ici cette Hiftoire particuliére de la Mere des Anges: c'eft l'abrégé de la longue Relation qui en a été imprimée fur les manufcrits de P. R. Si l'abrégé lui-même paroît long, le lecteur équitable, après la multitude des belles chofes qu'il a lues, conviendra qu'il n'est pas trop long. J'ofe lui deman

der en finiffant, s'il ne trouve pas que j'aie eu raifon de dire en commençant, que les traits de cette admirable vie font fi beaux, qu'ils vont de pair avec les plus grands de la vie des deux Meres Angélique & Agnès. Revenons maintenant à l'année 1643. où nous en étions demeurés pour l'Hiftoire de la maison de P. R.

I.

La Mere Angélique élue Abbelle en 1642.

LIVRE IV.

Commencement de perfécution contre P. R. à caufe du Livre de la Fréquente Communion de M. Arnaud. Maifon de P. R. des Champs rétablie. Charité de la Mere Angélique dans les deux guerres de Paris. Autres événemens depuis 1643. jufqu'en 1653.

Lon abbaye titulaire en 1630. pour la

A Mere Angélique qui s'étoit démise de

rendre élective & triennale, avoit vu deux Abbeffes fe fuccéder, chacune ayant gouverné pendant fix ans. En 1642. elle fut elle-même élue, & demeura douze ans en place, jufqu'en 1654. Ce fut fous ce fecond gouvernement de la Mere Angélique qu'on vit éclorre la grande perfécution qui couvoit depuis longtems contre P. R. & qui allant par dégrés, eft montée enfin jufqu'à Tentiére deftruction de cette célébre & fainte Abbaye en 1709. Nous en avons déja vu de légers préludes dans la guerre déclarée au Chapelet du S. Sacrement, dans l'emprisonnement de M. de S. Ciran, & dans les ordres de la Cour fignifiés aux premiers Solitaires de P. R. pour fe retirer de la maifon des Champs. C'est le livre de la Fré

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quente Communion compofé par l'illuftre M. Arnaud, qui fut le premier prétexte de la perfécution commencée en ce tems ci contre ce Monaftére, & qui en fut auffi le fignal.

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munion.

Les maximes fages & falutaires de la Pénitence renouvellées en quelque façon par M. de Hiftoire de S. Ciran, qui les avoit tirées de l'obfcurciffe- la perfecution ment où elles étoient tombées depuis les fiécles treM.Arnaud des Peres, maximes mifes en ufage depuis quel- au fujet de fon que-tems, foit dans le Monaftére de P. R. & Livre de la parmi quelques Solitaires qui en habitoient les fréquente Com dehors, foit dans le monde même, où plufieurs perfonnes qui s'étoient adreffées à M. de faint Ciran, les pratiquoient avec un fuccès merveilleux pour leur fanctification perfonnelle, & une édification éclatante pour toute l'Eglife maximes, dis-je, déplurent étrangement à la multitude des jaloux de la Réforme de P. R. & furtout aux Jéfuites qui étoient d'ailleurs perfonnellement piqués contre la famille des Arnauds pour la raifon que je vais dire.

> ces

Perfonne n'ignore cette efpéce de guerre qu'il y a toujours eue entre l'Univerfité de Paris & la Société des Jéfuites. Dès la naissance de cette Compagnie la Sorbonne s'éleva contre le nouvel Inftitut, & déclara dans la Cenfure qu'elle en fit, que cette Société paroiffoit née plutôt pour la deftruction que pour l'édification nata in deftructionem, non in ædificationem. Dans plufieurs occafions cette Faculté de Théologie & l'Univerfité toute entiére en corps demandé rent au Parlement l'expulfion des Jéfuites du Royaume pour des caufes dont il n'est pas néceffaire de rappeller la mémoire, & qui ne font ignorées de perfonne, Dans une de ces occafions l'Univerfité prit pour fon Avocat M. Arnaud, pere de la Mere Angélique, l'un des plus Tome I. M

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